Ski d’été au Mont-Rose

Ski d’été au Mont-Rose

Après le Mont-Blanc l’an dernier, la bande est de retour avec deux nouvelles recrues et un deuxième guide pas au sommet de sa forme mais tout à fait fonctionnel! On reste dans la thématique des Monts- couleurs haut perché. Cette année il sera Rose. Pas de premier séjour d’acclimatation cette fois, on y va à la hussarde!

Notre stratégie pour minimiser le temps en altitude est simple : nous descendrons à skis, un choix qui fait l’unanimité, ou presque, dans le groupe! Il faut dire que le Mont-rose versant italien se prête très bien au ski de rando même en plein été : un telepherique qui amène jusqu’à la neige, des dangers objectifs modérés en début d’été et de vastes étendues glaciaires plutôt faciles à skier.

Nous passons deux nuits à Citta di Mantova qui s’atteint après une courte marche le premier jour. Après avoir fait le plein de minestrone et de polenta et essayer avec plus ou moins de réussite de grappiller quelques heures de sommeil, nous voilà en direction de la Pyramide Vincent, un sommet sans difficulté technique, perché à 4200m d’altitude. En ce dimanche, le flot d’alpiniste qui prend la direction des plus hauts sommets est quasiment ininterrompu!! Nous trouverons plus de calme du côté de la Pyramide Vincent et les skis nous permettent de prendre de la liberté avec les traces des piétons. Petit bonus pour nous, la neige est tombée récemment la haut et nous profiterons d’une première partie de descente excellente, dans une divine poudre tassée!

Nous splitons le groupe ici. Clémence et JB sont encore un peu énervés pour prolonger la journée avec moi pendant que le reste de la bande finit de descendre avec Sylvain vers un repos bien mérité. Nous montons jusqu’à la Ludwighohe, un joli sommet neigeux malgré un nom imprononçable!! Nous laissons les skis 1m50 sous le sommet, decapé par le vent. Un saut de rimaye et quelques virages plus tard, nous voilà au pied du Corno Nero. Ce sommet s’atteint par une longueur de neige bien raide et une petite traversée d’arete un brin technique et plein gaz! De quoi ravir JB et Clémence. Nos skis nous attendent à la rimaye. Nous n’avons plus qu’à nous laisser glisser presque sans forcer dans une neige de mieux en mieux au fur et à mesure qu’on descend! Que c’est bon le ski!

Réunion d’équipe sur la terrasse ensoleillée pour une petite session gnocchi / salade / ravioles i tutti quanti… pas pire!

Ultime journée : nous visons les panoramas de la haute altitude. L’inconnu étant évidement la réaction des uns et des autres à l’altitude après notre furtive journée d’adaptation. Nous montons sur un rythme régulier jusqu’au col du Lys. En nous écartant un peu du col, nous profitons d’une vue d’une rare beauté sur tout l’arc alpin du Viso aux alpes Autrichiennes…. et quelques sommets star comme le Mont Blanc, le Cervin et le Grand Paradis… En effectif réduit nous prenons la direction de la Pointe Zumstein… l’altitude commence à se sentir pour certains. Le souffle court, le coeur qui bat la chamade… au pied de l’arete sommitale, deux nouvelles défections dans les rangs… Nous finirons donc à 7 sur ce petit bout d’arete pas très difficile mais à l’esthétique imparable… et plutôt aérienne! Ensuite grâce au ski nous perdons de l’altitude rapidement. Jusqu’au col du Lys, la neige cartonnée demande un certain touché pour être appréciée mais ça ne fait que s’améliorer. En dessous du col ça devient franchement bon, on s’écarte largement des traces de montée pour faire nos traces entre les crevasses. Des petits cris de joie ponctue notre descente!

Le plaisir est intense. Court comme souvent à ski de rando, mais sacrément bon! Nous manquons une pause à l’entrée du couloir de descente pour récupérer des affaires déposées avant de filer vers le téléphérique. Une skieuse italienne nous fait une belle frayeur en loupant son premier virage dans cette section à 40° et partant en glissade tête la première vers les rochers en dessous…. un ange gardien viendra l’arrêter in extremis à deux doigts du drame. Séquence émotion qui met tout le monde dans de joyeuses dispositions pour descendre!!

Quelques minutes de dérapages plus tard et une glissade collante sur le glacier, et on déchausse les skis presque dans le téléphérique. L’aventure 2019 se termine comme il se doit devant un petit gueuleton avec vue sur les montagnes!

Traversée du Breithorn

Traversée du Breithorn

Jusqu’au bout le suspens reste complet pour cette sortie! 24h avant le départ au regard des bulletins météo je commence à envisager toutes sortes de plans B dans un rayon d’action s’étalant des Calanques aux Alpes du Nord! Pas question d’aller errer deux jours dans le mauvais temps sur les Glaciers du Val d’Aoste….

Finalement les toutes dernières prévisions se font plus clémentes et passées une première journée très moyenne on doit pouvoir compter sur du beau temps : feu!

Départ de Testa Grigia en début d’après-midi avec Estelle, Stan et Antoine. Je connais tout le monde aujourd’hui, ça fait plaisir! Nous expérimentons en quelques minutes toutes les météos imaginables. Sans visibilité et quasiment sans traces puisqu’il a reneigé, je redécouvre les joies de l’orientation dans ces grands espaces sans repères! Pas de grands objectifs, aujourd’hui on va « juste » dormir à Val d’Ayas.

Départ de Testa Grigia en début d’après-midi avec Estelle, Stan et Antoine. Je connais tout le monde aujourd’hui, ça fait plaisir! Nous expérimentons en quelques minutes toutes les météos imaginables. Sans visibilité et quasiment sans traces puisqu’il a reneigé, je redécouvre les joies de l’orientation dans ces grands espaces sans repères! Pas de grands objectifs, aujourd’hui on va « juste » dormir à Val d’Ayas. En chemin, le temps s’améliore, les nuages se déchirent, je range le GPS et on profite un peu de la vue et du refuge relativement calme.

Réveil à 3h30. Les étoiles brillent. C’est bon ça! L’idée du jour est de faire la traversée intégrale des Breithorn, une grande course d’altitude où l’on oscille toute la journée entre 4000m et 4100m, entre corniches et passages mixtes, dans une ambiance très aérienne, le tout suspendu entre Italie et Suisse… Longue course mais avec de nombreuses portes de sortie si l’énergie ou le temps venaient à manquer.

La journée démarre par 800m de montée jusqu’à Roccia Nera, premier 4000m du jour. De là nous ne descendrons quasiment plus en dessous de 4000m pendant les 6 heures de la traversée! L’ambiance du jour est à couper le souffle : côté suisse, une mer de nuages plafonnent 200m sous nous ne laissant apparaître que la tête des plus hauts sommets alpins. Ce coton donnerait presque envie de sauter dedans!!

Séparés en deux cordées nous suivons le fil de cette arête alternant corniches de neige, passages mixtes, désescalade, rappels, rochers et autre réjouissances! Dans la partie grimpante, nous ne faisons plus qu’une seule cordée…

La boulette du jour : un piolet farceur tout en carbone fraîchement acheté qui glisse de mon épaule et rebondit dans la face nord du Breithorn.

Le miracle du jour : ce même piolet stabilisé 40m plus bas sur une improbable accumulation neigeuse dans une pente à 50°, à 20cm du grand plongeon! Et notre corde qui fait juste 40m!

Malgré la fatigue et le souffle rare, tout le monde arrive jusqu’au Breithorn Occidental, notre 4ème 4000m du jour!

Traversée du Breithorn - Premières lueurs sur Pollux

Traversée du Breithorn - Roccia Nera

Traversée du Breithorn - Antoine et Stan

Traversée du Breithorn - Estelle

Traversée du Breithorn - Désescalade

Traversée du Breithorn - Ombres

Traversée du Breithorn - Sur fond de Lyskam

Traversée du Breithorn - Océan de coton

Traversée du Breithorn - Dans la partie rocheuse

Traversée du Breithorn - Rocher

Traversée du Breithorn - Breithorn occidental

Breithorn Occidental et Central

Breithorn Occidental et Central

Arrivée en catastrophe à Breuil pour Anais, Quentin, Raphi & Victor suite à un tunnel du Mont-Blanc fermé!! Il est 3h20 quand il gicle de la voiture et la dernière benne est à 3h15!! Pendant que je temporise les cabiniers italiens, la bande réussit à se préparer en un temps record de 2min! Et nous attrapons tous la dernière benne, à l’arrache complet! Mais ça passe

Je connais déjà une bonne partie de la bande rencontrée l’année dernière dans les Ecrins… et Anais fait déjà partie des habituées puisqu’on s’est vu encore cette hiver au cours d’une belle session popow dans le Queyras…

Pour cette fois l’idée est de gravir un 4000m. Ce we la plupart des refuges sont pris d’assaut : pas moyen d’avoir la moindre place au Grand Paradis ou dans le secteur du Mont-Rose et de toute façon, on est pas très motivé pour se retrouver avec la populace…

Je propose finalement à la troupe d’aller faire le Breithorn en dormant à Teodulo pour monter avant les alpinistes qui viennent à la benne. Bonne pioche!

La grosse boulette du jour sera l’oubli (ou le vol?) de la corde, dont je me rends compte après une heure de marche. Je repars en courant au refuge pendant que mes amis m’attendent au Klein Matterhorn… Pas de corde au refuge. Un mystère. Mais la gardienne me prête une corde, l’honneur est sauf! On repars du Klein Matterhorn avant toutes les cordées qui débarquent à la première benne…

L’ascension du Breithorn Occidental est sans difficulté, en très bonne condition et rendue magnifique par les 3cm de poudre tombées dans la nuit. Pas tout à fait rassasiés, on traverse jusqu’au Breithorn central juste parce que c’est trop beau! Entre les deux sommets, l’arête est vraiment effilée mais la bonne trace permet d’évoluer en sécurité. Le top!Breithorn - MontéeBreithorn - SommetBreithorn - panoBreithorn Occidental - Au sommetBreithorn - Sur l'arêteBreithorn - descente

Mont Rose

Mont Rose

Le mauvais temps persiste sur le massif du Mont Blanc. Les vents violents associés aux chutes de neige importantes compromettent pendant plusieurs jours l’itinéraire des 3 Monts que nous avions envisagé de parcourir avec Brigitte et Sylvain… Quand je les retrouve dimanche à la terrasse d’un café Chamoniard, accompagné de toute la petite famille, il y a déjà longtemps qu’ils ont tiré un trait sur l’objectif initial…

La mauvaise nouvelle c’est que nous ne ferons pas le Mont Blanc, la bonne c’est que cela nous ouvre une infinité de possibilités pour la suite! D’autant que la météo vire au grand beau dès la fin du lundi…

Sylvain et Brigitte ont pris à coeur leur préparation pour un voyage en altitude. Les 10 jours précédents, ils ont passé plusieurs nuits d’acclimatation dans différents refuges (Robert Blanc, Trient, Téodulo, …) et avalé les dénivelés! C’est donc des compagnons motivés, entraînés et acclimatés que je vais accompagner… Après quelques coups de fil et hésitations sur la suite du programme, je réserve 3 places à Citta di Mantova, un des refuges servant de départ à l’ascension du Mont Rose… Il semblerait même que l’on puisse profiter  d’un court créneau matinal pour monter au refuge avant la drache prévue l’après-midi. Rendez-vous est donc donné le lendemain à Gressonney à 8h30.

Le Mont Rose est plus une constellation de sommités qu’un unique sommet… Le point culminant du massif, troisième sommet des Alpes (après le Mont Blanc et le Mont Blanc de Courmayeur) est la pointe Dufour qui s’atteint (versant italien) par une arête mixte et aérienne requérant une bonne expérience préalable de l’alpinisme… En revanche, de nombreux sommets sont beaucoup plus accessibles comme la pointe Zumstein (4 563 m), la pointe Gniffetti (4 554 m), la pointe Parrot (4 432 m), le Ludwighöhe (4 341 m), le Corno Nero (4 322 m), la Pyramide Vincent (4 215 m) et j’en passe….

Retrouvailles donc à Gressonney sous un soleil radieux… On se laisse tranquillement transporter par les nombreuses remontées mécaniques qui nous mènent de Staffal au Salati sans forcer. Les brumes enveloppent de temps à autre le téléphérique, mais pour l’instant le mauvais temps se tient à distance… nous profitons de ce court sursis météo pour faire une petite école neige et glace sur le glacier qui descend de la pointe Giordani (encore un 4000m!). Les premières gouttes floconneuses nous attrapent à la fin de la montée à Citta di Mantova et nous sommes vers 12h au chaud quand les éléments commencent à se déchaîner… En début de soirée, le ciel se déchire nous offrant un paysage fantastique… il a bien neigé en altitude, le Lyskamm est plâtré… Mais la voie que nous comptons parcourir demain ne présente pas de pentes dangereuses comme au Tacul ou au Maudit. Pas de séracs menaçants non plus. Les vacances quoi!

Départ du refuge vers 5h15, le temps est splendide… Le soleil embrase un à un les sommets des Alpes. La vue est époustouflante sur quasiment l’ensemble des Alpes. C’est le bonheur! Au loin le Mont Blanc qu’aucun de nous ne regrette! Arrivé au Col du Lys, on trouve le soleil et la vue s’élargit encore sur le Valais et l’Oberland… Un vrai festival oculaire!

Les 30 à 40cm de neige qui se sont déposés la veille donnent aux lieux une ambiance bien hivernale surtout quand le vent soulève quelques bourrasques de neige. Mais il ne fait pas froid…

Vers 9h30, après une courte arête bien aérienne, nous foulons la pointe Zumstein… Tout le monde est en forme alors nous enchaînons sur la pointe Gnifetti. Le seul sommet des Alpes où la buvette est au sommet! On ne traîne pas trop là haut car les aller retour de l’hélico qui dépose là haut des donzelles endimanchés contrastent trop avec le rêve que nous sommes en train de vivre…

En « descendant », nous remontons sur la Pointe Parrot, le passage le plus technique du jour. Une pente à 45° suivi d’une longue arête de neige très effilée… Ambiance complètement Samivélienne! Un petit saut à la Ludwighöhe (comment prononcer le nom de ce sommet sans avoir l’air idiot?) viendra conclure ce fantastique voyage sur les hauts sommets des Alpes.

C’était bien plaisant en tous cas de découvrir ces lieux avec vous deux. La bonne humeur et le plaisir sont les carburants du montagnard! Merci de m’avoir fait entièrement confiance pour ce plan improvisé…

Cervin – Face Nord – Voie Schmidt

Cervin – Face Nord – Voie Schmidt

Et voilà ! Ce qui devait arriver arriva : après un beau passage perturbé et un violent anticyclone, les faces nord sont en conditions. Classique créneau du mois d’octobre que nous sommes nombreux à guetter…

Ayant eu vent d’une répétition de la voie Bonatti en face Nord du Cervin, apparemment en bonnes conditions, l’idée de gravir le Cervin par la voie historique des frères Schmidt n’a pas mis longtemps à germer dans mon petit esprit d’alpiniste tourmenté… Le créneau semble se maintenir plusieurs jours encore… Un petit message à Jibé qui guide un client au Mont-Blanc le we : « Rappelles dès que tu peux, j’ai un projet qui devrait te plaire! » et en attendant sa réponse, je pars à la collecte d’informations sur cette voie. Après quelques recherches peu fructueuses coup de bol! Des connaissances viennent de parcourir l’itinéraire… Un coup de fil et nous voilà armés d’un topo bien détaillés et plein de bons conseils !

Jibé descendu de son Mont-Blanc ne met pas plus d’une demi seconde à s’enthousiasmer pour le projet. Affaire conclue, on part au Cervin !

Pour l’approche, nous faisons l’impasse sur la richissime capitale de l’alpinisme Suisse et ses nombreuses remontées mécaniques : Zermatt. Rouler 5h, payer un parking, prendre un taxi, monter dans une benne à 50€… Tout cela est beaucoup trop pour nous modestes haut alpins. N’existe-t-il pas un autre moyen de rejoindre la Hornlihütte ? Après quelques recherches, une option bien plus convenable nous apparaît : nous partirons côté italien par le Valtournenche depuis la station de Breuil-Cervinia, nous rejoindrons le bivouac Bossi au pied de l’arête de Furggen et par une grande traversée sous la face est du Cervin nous joindrons la Hornlihütte…. 4h de marche au programme contre 1h côté Zermatt mais 4h de route économisée aller retour, c’est pas mal !

Nous voilà donc en début d’après midi au pied de la face sud du Cervin, probablement un des plus esthétique tas de caillou des Alpes et du monde, un des plus connus en tous cas c’est sur : Paramount pictures et Toblerone n’y sont pas pour rien !

Cervin - La face Sud, côté italien

Cette pyramide parfaite, élancée, bien individualisée au milieu des sommets du Valais domine toutes les Alpes… Le Cervin illumine par sa beauté. Malheureusement cette beauté dissimule un terrible secret : dès lors qu’on y regarde d’un peu près, on se rend compte que les dieux du beau rocher ne se sont pas penchés sur le berceau de cette montagne. Les finitions ont été bâclées. Dommage ! Mais voilà au moins un sommet qui fait ensuite apprécier les courses sauvages des Ecrins…

En 3h de ballade nous gagnons le col de Furggen et par un petit bout d’arête facile le bivouac Bossi au pied de l’arête de Furggen ou Furggengratt comme qui disent ceux de là bas. Cette arête est la plus difficile des quatres arêtes du Cervin. A tel point que pour résoudre ce « problème », la partie haute a été d’abord descendu en rappel avant d’être remontée par les premiers ascensionnistes…

En allant vers le bivouac Bossi, j’échappe de peu à une tragédie, cocasse certes mais non moins tragique. Alors que nous sommes tout proche du bivouac, sur une arête très facile mais bordée par deux précipices, nous repérons un chamois quelques mètres devant nous en plein sur l’arête. Il ne semble pas très vif le bestiau. Nous continuons à avancer vers lui pensant qu’il finira par détaler comme tous les animaux de cette race, on y prête guère d’attention. Jibé reste sur l’arête tandis que je passe en contrebas pour m’éviter un facile pas d’escalade (feignant en plus). Soudain dans mon champ de vision apparaît un élément insolite. Je ne mets que peu de temps à comprendre qu’il s’agit du chamois, qu’il n’a plus de contact avec la terre ferme et que sa trajectoire en quasi chute libre imposée par l’implacable loi de la gravité de Newton croise la mienne au point exact où je me trouve. Je vais pas me prendre un chamois sur la gueule quand même ! Dans un réflexe animal je fais un grand bond de cabri pour éviter le kamikaze qui percute une fois ou deux le rocher et finit par se rétablir avec visiblement une patte HS. Il finira sa fuite désordonnée dans le précipice, j’espère qu’il est mort sur le coup ! Quand à moi, je suis bien heureux que ma vie ne ce soit pas achevée dans ces conditions. C’eût été original comme fin mais une fin quand même…

Pour rejoindre la Hornlihütte, nous descendons une courte pente de glace à 45° sur 50m et prenons pied sur la partie haute du Furgggletscher. Aucune difficulté jusqu’à la cabane du Hornli mais une exposition maximale au sérac de la face est pendant une minute (en courant)…

Cervin - La traversée sous la face Est, vilains séracs!

Nous arrivons à la cabane en passant d’abord par le camping. Beaucoup de monde bivouaque. Je dis à JB : « Franchement, les gens qui bivouaque à côté d’un refuge non gardé, moi j’applaudis! ». Nous ne tarderons pas à comprendre pourquoi tout le monde à son duvet et son tapis de sol…

Par ces belles conditions, il y a du monde à la cabane… nous nous installons dehors pour cuisiner les bons petits plats que l’on a acheté dans une supérette italienne… Horreur ! Chaque portion demande 15min de cuisson et 500ml d’eau… On est parti avec très peu de gaz et il n’y a pas d’eau autour du refuge ! Il y a plus approprié comme nourriture… A force de laisser tremper, notre tambouille devient comestible. Les deux suisses-allemands qui mangent d’appétissantes saucisses juste à côté de nous rigolent en voyant nos grimaces…

Un camarade de promotion descend de la face nord et nous apporte des infos de toute première fraicheur et un peu de gaz. C’est tout bon ! Merci Guillaume et bravo pour la trilogie.

Au moment d’aller se coucher, nous comprenons que la Hornlihütte si elle brasse des milliers de personnes (et de k€) en été est très spartiate et dégueulasse hors saison. Bien qu’en début de saison non gardée, un gros tas de détritus s’entasse déjà dans un coin du refuge. Le local d’hiver est conçu pour 15 personnes, 15 matelas, 15 couvertures par une de plus ! Donc une place pour les 15 premiers, après c’est le plancher et la tête sur le sac… Evidemment tout est réservé depuis belle lurette. Nous voilà bien cons ! Par un grand coup de bol et une très noble attention de la part de deux alpinistes grecs avec qui nous avions sympathisé nous obtenons un matelas et une couverture pour nous deux. La nuit va être torride !

Cervin - Ambiance féline à la Hornlihütte, grrr!

2h : « hein ? qu’est-ce qui se passe ? C’est quoi ce bordel ? Ah putain pas la lampe dans les yeux! ». 3 alpinistes mettent un joyeux bordel en cherchant leurs affaires aux quatre coins du refuge à grand coup de frontales.. Sympathique… On avait prévu de se lever « tranquillement » à 3h. Vers 2h30 on craque, c’est trop le bordel. Allez on se lève !

3h05 : zou, c’est parti. Nuit noire, pas de lune. Il ne fait pas froid.
3h40 : on est au pied de la barre qui donne accès au glacier suspendu. La corde fixe bien fine pendouille au dessus de la rimaye dans un mur vertical de 10m. Pas très engageant. On se bouscule pas pour attaquer. Finalement c’est Jibé qui s’y colle !

Cervin - Voie Schmidt - La corde fixe : comme réveil matin c'est pas mal!

Après ces 10m, on traverse sur la droite puis on remonte 80m à 50° à glace avant de prendre pied sur le glacier. On traverse un long moment sous la face nord quasiment jusqu’au départ de la voie Bonatti avant de revenir sur la gauche. Ce large crochet est rendu obligatoire du fait de la présence de grosses mémères dont les glaciers suisses ont le secret.

4h50 : nous passons la rimaye pour attaquer les 300m de pentes qui débutent la voie. Les conditions sont bonnes : neige polystyrène, bonne trace, nous évoluons rapidement jusqu’au pied de la rampe. Grâce aux indications que nous avons, nous savons qu’il ne faut pas s’engager tout de suite dans la rampe mais traverser d’abord 25m puis monter en direction de la rampe. Nous tirons à corde tendue dans la rampe sur environ 100m.

Cervin - Voie Schmidt - Dans la rampe, ça gambade!

L’escalade dans cette goulotte de glace n’est pas difficile dans ces conditions. Quand c’est sec ça doit pas être la même ! Pitons et relais par ci par là. Jibé prend le relais dans le haut de la rampe après avoir traversé une partie sèche, on quitte la rampe qui se raidit et s’assèche (relais au milieu).

Cervin - Voie Schmidt - Encore quelques mètres et on quitte la rampe

Je pars en traversée vers une épaule de neige où il y a un piton puis continue de traverser avant de remonter droit dans une goulotte avec un passage de mixte au milieu et à la fin. Un relais m’attend, c’est parfait. Grande longueur de 80m. J’ai la lambada dans la tête, ça craint.

Cervin - Voie Schmidt - Passage mixte à la sortie de la "goulotte"

Du relais on a une très belle vue sur l’échappatoire qui mène à la cabane Solvay. Le bas est en excellentes conditions mais le haut est tout sec. Une cordée s’est fait treuillée il y a deux jours en voulant s’échapper. Peut être un échappatoire plus difficile que la voie?

Cervin - Voie Schmidt - L'"échappatoire" vers Solvay bien fourni mais très secs dans le haut!

Jibé repart en traversée horizontale sur 20m avant de monter droit jusqu’au pied de la cascade de glace. Avant d’arriver au relais, 3m de mixte pimente un peu la longueur.

Cervin - Voie Schmidt - Grande traversée pour rejoindre la "cascade"

Encore une belle longueur de 75m ! On avance bien, ne rencontrant aucune difficulté notable. On s’attend toujours à tomber sur un os… je pars dans la cascade avec un court passage presque vertical. Lorsque la cascade devient fragile, je traverse à l’horizontale à droite sur 30m. Relais en bout de corde (50m) mais toujours pas de grosses difficultés. Tant mieux !

Cervin - Voie Schmidt - Jib dans la "cascade"

L’ambiance face Nord est au rendez-vous, le froid en moins.

Cervin - Voie Schmidt - Une belle ambiance!

Ensuite Jib bascule derrière l’éperon qui borde le relais et remonte une large goulotte qui finit en cascade de glace. On s’échappe vers la droite au moment où la goulotte devient cascade par du mixte facile. Relais sur broche.

Cervin - Voie Schmidt - La deuxième "goulotte" et Jibé à droite sur l'éperon

J’ai toujours la lambada dans la tête. Encore 30m dans des pentes de neige et glace puis débute 150m de louvoiement dans des placages de glace entrecoupés de courts passages rocheux.

Cervin - Voie Schmidt - Dans les placages mixtes du haut, faut louvoyer!

On remonte en ascendance vers la droite. Rien de difficile mais il faut bien choisir son passage. On croise deux goujons tout neufs et un sous pull pris dans la glace. Traces d’un secours ? Ensuite nous rejoignons l’arête de Zmutt et le soleil. Nous avalons les 100 derniers mètres de l’arête de Zmutt en cavalant !

Cervin - Voie Schmidt - Jib en finit avec l'arête de Zmutt

13h10 : Yihhah ! Arrivée au Cervin italien pour la première fois pour nous deux ! La joie explose ! On savoure pleinement pendant plus d’une heure le bonheur d’être là haut (seuls!) suspendus au dessus des Alpes. Il fait bon. La vue est exceptionnelle, on voit très bien les Ecrins ! On va quand même jusqu’au Cervin Suisse à 5min de là, plus haut de quelques centimètres.Cervin - Voie Schmidt - Arrivée au sommet!

Cervin - Voie Schmidt - Los gringos

14h15 : on s’est bien détendu. L’euphorie a laissé place à un sentiment de plénitude. On resterait bien là haut… Je n’ai plus la lambada et je pense à ceux qui me savent ici et qui s’inquiétent surement un peu. J’enverrais bien un petit texto mais le téléphone ne passe pas. quel scandale! La longue descente qui nous attends nous oblige à se reconcentrer. De 4478m jusqu’à la voiture à 2000m, ça nous fait un bout de chemin. Pour la descente, c’est l’arête du Lion qui a notre faveur. Nous ne savons pas du tout si c’est plus court que la Hornli mais ce qui est sur c’est que c’est au soleil, que c’est du côté de la frontière où nous avons la voiture et que si l’on doit redormir en montagne tout mais pas la Hornlihütte! Comme la Hornligratt, la cresta del Leone est très équipée. Dans les parties non équipées, c’est difficile de se perdre, il suffit de chercher les traces de crampons. De toute façon on et jamais bien loin de l’arête. Le plus dur est d’arriver à tenir les cordes fixes, câbles, chaines et échelles qui aident à descendre les passages les plus raides.

Cervin - Voie Schmidt - L'échelle Jordan à la descente de l'arête du Lion

16h : nous voilà au refuge Carrel où nous avions envisagé éventuellement de dormir si nous sortions tard. Rien à voir avec la Hornlihütte : le refuge est super clean avec un grand dortoir pour 20 personnes. Moins de 10 personnes ce jour y dorment. Nous faisons une petite pause dans ce lieu exceptionnel suspendu entre la Suisse et l’Italie avec un panorama exceptionnel sur la Dent d’Hérens et le groupe Dent Blanche – Weisshorn… On replonge ensuite sous le refuge dans une nouvelle courte succession de verticaux cordages. Fin des difficultés mais nous sommes à 3700m, la descente est loin d’être terminée. Entre le refuge Carrel et le refuge du Duc des Abruzzes ça ne déroule pas du tout. Eboulis mal calibrés, désescalade facile, chemin caillouteux : on ne peut pas laisser l’esprit vagabonder… On passe prêt d’un glacier suspendu (en état de mort apparente, le malheureux vit ses derniers instants) et le glou glou de l’eau nous rappelle que nous avons très soif. Petite pause soupe d’une demi heure bien regénératrice. Vers 18h30 nous atteignons le refuge du Duc des Abruzzes. Une piste monte jusque là. Secrètement on espère pouvoir faire du stop jusqu’à Breuil… pas de voiture finalement mais encore une heure de marche à bon pas sur un chemin nettement moins exigeant qu’auparavant. On peut mettre le pilote automatique.

19h30 : retour au camp de base, une petite twingo.
19h31 : chaussures sacs et fringues enlevées
20h : pizzeria trouvée
20h05 : bière avalée
20h30 : pizza engloutie
23h15 : Briançon atteint !

Un bien beau voyage dans cette voie historique finalement pas très difficile lorsqu’elle est en bonnes conditions. Attention en cas de sécheresse de certains passages, il ne faut pas trop miser d’espoir dans le caillou ! Merci Jibé et aux divers comparses pour leurs infos.

Et surtout un gros coup de chapeau aux frères Schmidt qui ont ouvert cet itinéraire le 31 et le 1er août 1931 résolvant par là le premier des trois derniers grands « problèmes » des Alpes (face nord des Jorasses, de l’Eiger et du Cervin). Après un bivouac au 2/3 de la face, il sortirent dans la foudre et la tempête avant de redescendre par l’arête du Hornli jusqu’àau bivouac Solvay où lemauvais temps les bloque encore deux jours… Pour donner une idée des bonshommes, il faut savoir qu’ils étaient partis de Münich à vélo avec tout le barda de montagne sur le dos!

Zinalrothorn, en traversée

Zinalrothorn, en traversée

Top! Sommet au nom imprononçable excepté pour les Suisses Allemands, appelé également « Mont rouge de Zinal », je dois mon nom à la couleur du caillou qui me constitue. Situé dans le Valais Suisse sur la couronne impériale qui compte également la Dent Blanche et l’Obergabelhorn, je suis un des 82 sommets de plus de 4000m des Alpes. Très apprécié des Alpinistes, ma voie normale depuis la cabane des Mountet est une pure merveille, comportant des passages mythiques comme le Rasoir, le Spynx, la Bourrique. J’offre depuis mon sommet un panorama unique sur le Valais, l’Oberland, le massif du Mont-Blanc, la Vanoise entre autre. Je suis, je suis…

… le Zinalrothorn pardi!

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