Voie sans nom du Pic sans Nom

Voie sans nom du Pic sans Nom

L’état d’urgence est déclaré en France. De jeunes humains le cerveau gangréné par des idées nauséabondes ont massacré des innocents. Maintenant l’armée a carte blanche pour chasser la vermine terroriste. Le délire sécuritaire est en marche. Et tout ça attise les pulsions guerrières des dirigeants de notre empire imaginant les alliances les plus douteuses. L’engrenage….

Avec Seb on décide de s’extraire de ce monde de merde. On connaît des endroits où on devrait à priori ne pas croiser trop de militaires ni de djihadistes et encore moins de dirigeants de notre classe politique!!

L’insolent anticyclone qui sévit depuis plus d’un mois sous nos latitudes se poursuit.

Plusieurs projets sont évoqués… Finalement c’est sûrement le plus loufoque et sûrement le moins adapté aux conditions du moment que nous choisissons!! Mais l’idée est de vivre une belle aventure et d’aller joyeusement vers des gros points d’interrogation!

L’objet de nos désirs? Une vague ligne caractérisée par un immense dièdre entre la Cambon-Francou et la voie du Souvenir au Pic sans Nom. Aucune info dans les topos. Nous partons à la découverte!!

Dimanche nous allons bivouaquer au pied de la face sur le Glacier Noir. Le jumelage de la face nous fait bien rigoler! Nous pronostiquons déjà les lieux de buts potentiels qui sont nombreux dès le départ!! C’est pas grave, on est en mode détendu, content de venir faire un petit tour en montagne, sans pression. Le reste, on verra bien.

Pic sans Nom - Bivouac

Lundi. Pas de grasse mat. Le projet le plus optimiste est d’essayer de franchir les difficultés aujourd’hui pour aller bivouaquer à la jonction granite- gneiss. Pour ça il nous faut remonter une partie du « socle » de nuit. On est mi-novembre, les jours sont courts… C’est pour cette raison qu’on se retrouve à l’attaque de la face à 5h du matin! D’entrée de jeu il faut s’employer. Rien de méchant. Des dalles qui doivent bien courir en chaussons et en été mais là en grosses et avec un gros sac c’est pas la même. De nuit nous peinons à choisir le meilleur itinéraire. Une zone bien raide nous oblige à un petit crochet par la droite. Je croise un relais de but au pied d’une partie raide. Ca m’encourage à mettre les chaussons et à poser le sac. Je fais bien le passage s’avère bien dalleux, pas très dur en chaussons (6a). Au dessus nous repartons en oblique vers la gauche en alternance rocher neige pour revenir à l’aplomb de la ligne.

Seb tire une longueur en grosses (5c) et relaye au pied d’une zone trop compacte pour envisager grimper en grosse sereinement. Au dessus de nous, le dièdre se rapproche et on commence à sérieusement imaginer des plans B!

Pic sans Nom - Le chantier!

Par une belle fissure (6a+) j’accède au névé en forme de flèche. Au début de la longueur, je croise une cordelette, de rappel sûrement. Les variantes d’accès à la voie du souvenir sont nombreuses et on a vite fait de s’égarer dans ce « socle ».

Nous voilà donc au pied de la première zone à forte probabilité de but! Bonne surprise, une ligne évidente se dessine, au moins sur une longueur, on continue!

Difficile de juger du bas, je m’attends à un peu d’artif au début mais finalement ça randonne! Excellentes prises et très bonnes protections dans la première partie raide avant un petit crux qui permet de rejoindre une ligne de faiblesse oblique. 6a+. De la belle grimpe. Ca motive!

Pic sans Nom - En arrivant dans le dièdre, 6a+ Pic sans Nom - En arrivant dans le dièdre, 6a+

Seb me rejoint au relais. A lui. La seule ligne de faiblesse c’est ce gros dièdre oblique évident. Partout autour c’est compact et dalleux. La vue de ce dièdre n’est pas des plus galvanisante. Sur environ 3-4 mètres le dièdre est encombré de neige et de glace… Bof.

Pic sans Nom - Moments de doute

Seb revient au relais. Les trompettes de la retraite ne sont pas loin de sonner.

Sans trop y croire, Seb va quand même voir dans la dalle. Un bon piton protège le relais. Seb prend son envol et va de surprise en surprise. Il y a de la prise et même de quoi protéger! De l’escalade engagée mais pas exposée. 6b obligé. Seb rejoint le dièdre et franchit une partie déversante mais prisue (6a+). Un mystérieux piton est déjà en place dans le dièdre. En second avec les grosses et un bon sac sur les épaules j’ai l’impression de grimper du 7b mais l’escalade est tellement belle et inattendue que j’en profite bien quand même!

Pic sans Nom - A gauche dans la dalle Pic sans Nom - Dément, 6b! Pic sans Nom - Dément, 6b! Pic sans Nom - Dément, 6b!

Défiant tous nos pronostics, nous voilà sans trop de difficultés au sommet du dièdre après avoir senti soufflé de très près le vent du but!!

Nous arrivons dans la deuxième partie clé qui de loin nous semblait déversante et qui l’est aussi de près!

Seb fait un essai à gauche.

Pic sans Nom - Essai à gauche

Puis finalement part à droite.

Pic sans Nom - Puis finalement à droite Pic sans Nom - Mais où ça va c't'affaire?

La difficulté vient des conditions. La neige encombre certaines zones et les chaussons ne sont pas les armes ultimes en neige! Seb se dépatouille bien de ce 5c neigeux. Il relaye au bout de 30m. On est pas sorti d’affaire! A gauche 7-8m de dalle d’une lissitude parfaite! Au dessus, rien qu’en regardant on a peur! Reste une option de traversée suivant une faiblesse vers la droite mais sans visuel sur la suite. L’opération fuite en avant est lancée! La traversée s’avère protégeable et pas extrême du tout en chaussons (6a) mais en grosses c’est pas la même. C’est mon tour d’être devant, je me régale. Enfin léger!

Pic sans Nom - Fuite en traversée

Cette traversée m’amène au bout de 10 mètres à peu prêt nulle part! Le rocher est quand bien compact dans ce secteur. Un coup d’œil plus à droite. On oublie, c’est pire!

De nouveau les sirènes de la vallée nous appellent. Les espoirs de poursuivre complètement anorexiques.

Je commence à me demander comment je vais bien pouvoir rejoindre Seb après cette traversée!!

Au dessus de moi moyennant un pas d’escalade je peux placer 2 bons camalots qui me permettrait de jeter un coup d’oeil sur les 15 mètres raides au dessus. Je regarde. Il y a de l’espoir. Je vois quelques prises et une fissure qui redémarre 3 mètres au dessus. De toute façon ça me motive plus que la réchappe et on a encore du temps quel que soit le sens que le sens que prend notre ascension!

Je me lance dans ce passage et après 2 ou 3 pas d’escalade obligatoires (6b/6b+) j’arrive au prix de quelques contorsions à placer un piton correct. Maintenant j’ai une fissure pour me protéger, c’est mieux! Ca grimpe encore mais plus facile pour aller jusqu’au pied du dièdre suivant. Relais et l’espoir renaît!

La longueur suivante nous paraît nettement plus évidente! Les possibilités de protection semble nombreuses, ça va dérouler! Pas tant que ça finalement… Il faut grimper sur des œufs dans ce terrain vertical ou de beaux volumes sont prêts à se faire la malle. 6a quand même.

Pic sans Nom - 6a pourri

Je passe le relais à Seb au pied d’un autre dièdre. Le dièdre se termine en surplomb. Il y a de la neige. Ca n’a pas l’air donné. Finalement Seb opte pour l’éperon qui se protège bien grâce à une fissure avant de revenir au dessus du dièdre (6b). Et un alien récalcitrant abandonné!

Pic sans Nom - Seb dans un 6b Pic sans Nom - Seb dans un 6b

Le jour commence à sérieusement décliner, il va falloir commencer à se chercher un coin pour la nuit!

30 mètres de mixte plus haut, un court névé quasiment au pied du dernier dièdre de la voie du Souvenir nous tend les bras. Ca tombe bien il fait nuit!

Illico nous démarrons les travaux de terrassement et de production d’eau. 1h30 plus tard nous sommes tous les 2 dans nos duvets, chacun sur une petite plateforme à 10 mètres l’un de l’autre… Quasiment dans la foulée, le vent se lève et avec lui les spindrifts, ces petites coulées de poudreuse farceuse.

La longue transe du bivouac démarre avec des allers retours incessant entre conscient et inconscient, quelques morceaux de sommeil profond et des minutes à regarder les étoiles ébloui comme un enfant. Les idées, les images, la musique s’agitent et se brassent dans la tête, évasion totale! Mais le vent et le bruit des spindrifts qui fouettent le duvet me rappelle à la réalité de notre situation!!

Pic sans Nom - Au bivouac dans la face

4h30. Le réveil sonne mais ne me réveille pas. Ca fait déjà au moins une heure que j’échafaude mille stratégies pour organiser le petit déjeuner et sortir du duvet sans rien laisser tomber!

Finalement c’est pas si dur et à 5h45 nous sommes prêts pour la suite, presque un peu trop tôt du coup!

La journée démarre pour moi dans le dièdre en 6a de la voie du Souvenir! Gros sac, quelques spindrifts qui ramène un peu de poudre sur les prises, froid, nuit, pieds et mains insensibles…  Le cocktail parfait pour transformer une sympathique longueur en 6a en un combat de rue acharné!Pic sans Nom - Dièdre de la voie du Souvenir

Pic sans Nom - Dièdre de la voie du Souvenir

1h plus tard je sors au relais après avoir cramé quelques cartouches. A priori plus rien d’extrême nous attend ensuite.  Nous sommes dans les bandes de neige de la transition granite – gneiss. Pic sans Nom - Dans les bandes de neige à la jonction granite-gneissDe nombreuses options de sortie nous attendent.

Nous ne voulons pas rejoindre l’arête à droite qu’on a déjà fait tous les deux deux fois.

L’éperon du centre nous semble trop grimpant vues les conditions du jour (pas mal de vent). Nous aimerions ne pas quitter les gants, ni les crampons. On se déporte doucement vers la gauche pour retrouver la sortie Kehrès qu’on a pris avec Ju la semaine dernière. Je propose à Seb d’aller voir une faiblesse, lieu de passage probable d’Hervé Dégonon lors de sa descente en ski (oui, oui, à skis!). Un passage mixte, un bouchon de neige. Je bataille. J’abandonne. Deux pitons, un rappel et je rejoins Seb qui poireaute depuis une heure!

On se casse! Le sommet n’est pas notre objectif principal, on y a déjà traîné quelques fois nos guêtres… A nous la belle goulotte de glace fossile et la sortie à la brèche. Le froid, le vent et l’austérité de la face cède la place à la généreuse chaleur du soleil. Les contraste de l’automne sont hallucinants!

Descente en plein jour qui nous permet de profiter d’un magnifique rappel en fil d’araignée.

Pic sans Nom - Beau rappel à la descente Pic sans Nom - Beau rappel à la descente

On se cale une grosse heure à la bosse de Sialouze afin de liquider tout ce que nous trouvons de comestible dans nos sacs!

Dernière petite mission pour Seb : remonter au Pré de Madame Carle à pied puisque les clefs de sa voiture garée à Ailefroide sont restées dans ma voiture garée au Pré!!

Nom(s) de la voie :

– une voie sans nom au Pic sans Nom c’est logique!

– sinon pourquoi le Presbyte des Ecrins ou l’Eloge de la cuite??

Prestige Russemberger – Pic sans Nom

Prestige Russemberger – Pic sans Nom

Bonne petite mission en face Nord du Pic sans Nom avec misteur Loste himself pour aller « répéter » la voie la plus médiatique du moment!! Au final on sait pas trop comment l’appeler cette combinaison : la Prestige Russemberger Kavarec? La Georges des Ecrins?

Tout d’abord prenons un peu de recul pour une mise en perspective de certaines polémiques alimentées (pas très longtemps) par quelques forumeurs excités du clavier…

Ceci est la Voie Lactée, notre galaxie parmi des milliards de galaxie et le rond jaune indique notre système solaire.

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Au sein de ce système solaire, une planète ellipsoïde principalement composée de fer et d’oxygène a réuni les conditions pour qu’émerge il y a plus de 4 milliards d’années des formes primitives de vie, probablement sous forme de protéines codantes voisines de l’ADN…

… quelques  milliards d’années plus tard, après un lent processus d’évolution, la terre et la vie ont bien évolué. Des continents entiers se sont déplacés, des chaînes de montagne se sont érigées avant d’être érodées, le magnétisme des pôles s’est inversé de nombreuses fois et notre soupe de protéines a évolué en de nombreuses formes nettement plus complexes.

Parmi ces formes nous trouvons l’humain.

humans-evolve

Certains humains qui finiront en poussière et nommés alpinistes aiment à gravir les montagnes qu’ils nomment et qui finiront en sable et minéraux au fond des océans.

Bref sur une particule d’univers, des formes de vie qui n’avaient à priori aucune chance d’exister grimpent des futurs tas de sable par des lignes éphémères…

Afin de ne pas se faire aspirer par ce grand tourbillon métaphysique, l’humain essaye de donner du sens à tout ça en décrivant et classant le monde. Le même travail qu’entreprirent les shadocks en leur temps. Ranger, nommer, décrire, expliquer, classifier. Mais les humains ne sont pas tous d’accord sur la façon de faire. Les montagnes n’échappent pas à cette folie.

Entre le 19 et le 21 octobre 2015, trois alpinistes, solidement constitués, rompus aux techniques de survie dans du M6+, maîtrisant l’art du bivouac improvisé et de la danse du soleil, ne craignant ni les spindrifts, les couplages de broches et la nourriture lyophilisée, parviennent à surmonter les difficultés d’une ligne éphémère d’eau solidifiée sur un sommet nommé Sans Nom. Et ils sont probablement les premiers à passer par là. Leur joie est grande.

A leur retour après une bonne douche ils s’empressent de faire part de leur première à leurs congénères. Grâce à un subtil codage binaire, ils émettent leur message pour diffuser leur information sous forme de mots et d’images. Convertis en impulsions électriques ou en onde et grâce à d’autres récepteurs, les rétines d’autres humains décodent le message qui après traitement par leur cortex produit à peu près la même réaction chez la plupart des congénères : « Bravo les gars! ».

Pourtant, certains humains semblent remettre en question la primeur de ce parcours avec quelques « maigres » arguments à l’appui.

évolution

Et si on décidait simplement qu’on en a rien à foutre? Que pianoter sur un clavier est aussi inutile que de gravir une montagne, sauf pour celui qui le fait… que l’on donne le sens que l’on veut à tout ça et qu’en définitive tout ça n’a aucune importance?

Alors oui c’est vrai, certains alpinistes modernes aiment à exciter les rétines d’autres humains car cela leur permet éventuellement de tourner encore plus leur vie vers les montagnes, d’obtenir quelques outillages nécessaires à l’ascension d’autres édifices minéraux, où ils se dépasseront, auront faim et soif, vivront de belles histoires d’amitiés la goutte au nez et nourriront leurs âmes et leurs égos. Mis à part les questions d’outillages, je me classe volontiers dans cette catégorie.

Puisse seulement les Ecrins garder leur charme et leur discrétion!

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Bref nous en tous cas, nos rétines elles ont été bien excitées à la vue de cette belle ligne. Je ne pensais pas avoir l’occasion de la parcourir cette année. Pas vraiment entraîné, pas de pote de cordée disponible et milles petits chantiers à terminer…

Après le parcours des copains guides d’écrins prestige, le ver montagnard s’installe dans mon petit cerveau de suceur de face nord et l’idée d’aller y faire un tour ne me quitte plus!

Ju rentre du Sri Lanka… Après un mois de vie sous les tropiques, il est bien détendu!! Je lui tombe dessus avec ce projet et bien sur il s’emballe tout de suite! Avec nos agendas de papas, nous ne pouvons pas y aller avant 5 jours… Impeccable! Comme ça on peut se préparer… Bon grimper dans du dur, ça fait des mois qu’on a pas fait, on laisse tomber c’est trop tard… On opte pour deux balades grimpantes pour faire un peu de dénivelé et dérouler dans du 5… C’est du souffle et des mollets qu’il faut!!

On profite de ces journées pour glaner de l’info auprès des copains (Ecrins prestige) et les répétiteurs (merci Tough)… La vue de la « cueva » creusée par Tough et Antoine nous motive bien!!

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Mardi 10 novembre, c’est parti. Nous décollons à 3h15 du Pré de Madame Carle avec nos sacs chargés de ferraille, de textile, de plumes d’oie et de substances potables et comestibles. D’après les infos que nous avons le bivouac semble incontournable…

Ca a pas mal rodé dans le secteur ces derniers temps. La trace jusqu’au pied du Pic Sans Nom est excellente. Nous brassons un peu dans le replat au pied de la face mais dans les pentes crevassées c’est de nouveau bon.

6h30 nous sommes à la rimaye où nous retrouvons le bâton de papi Brochard.

Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Le bâton de papi Brochard

J’attaque la traversée qui permet de rejoindre le début des difficultés. Les traces de Jonathan et Antoine ainsi que celles des Espagnols et des Italiens sont visibles. Petit démêlé avec la corde pour bien commencer la journée. No stress, ça va le faire!

Au départ de L2 (bon becquet avec une sangle laissée par les italiens qui ont réchappé après leur premier bivouac). Il fait encore sombre. On temporise. On s’organise et on satisfait tout ce qui peut l’être.

7h25, c’est parti. J’attaque la longueur. Au pied de ce ressaut quasi vertical, je feins d’être détendu mais les questions fusent dans tous les sens dans ma petite cervelle : « Suis-je à ma place ici au pied de ce tas de caillou et de glace vertical? ». Les débuts sont hésitants. Je monte un mètre, redescend. Deux fois. Ju m’encourage et je sens qu’il doute aussi. Puis gentiment la mécanique se met en route, les questions s’évaporent, une réglette par ci, un piolet par là… Le plus dur c’était de démarrer!

Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Au départ de L2 et quelques interrogations!! Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Nico dans L2 (M5+) en top conditions

Les conditions sont excellentes dans la longueur! Pure neige couic et de bonnes protections pas trop dures à trouver. Tout ce qu’il faut pour une pure régalade!

8h05 : relais! On hisse le sac lourd avec le deuxième brin, c’est notre « stratégie »! Comme ça le premier grimpe sans sac dans les longueurs dures. Comme on a pas pris de brin de hissage, le sac est un vrai compagnon de cordée à ceci près qu’il ne sait pas enlever les protections et se décoincer tout seul! Le second a donc en charge en plus de grimper, de gérer les frasques du sac… plutôt très coopérant ce jour!

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8h20 : nous sommes tous les deux au relais boosté par cette première très belle longueur de 30m et les conditions bien prometteuses!

Ju enchaîne sur la suite, un départ finaud pour rejoindre un dièdre en parti englacé. Ju se mets en route et déroule. Bonnes protections, on se fait pas peur.

Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Départ de L3 finaud Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Ju s'en sort avec L2

9h20 : tous les deux au relais 60 mètres plus haut (relais équipé par les italiens lors de leur réchappe, il y en a un aussi à mi longueur), confiant pour la suite!

Un peu de mixte au dessus et on arrive au premier névé lieu du bivouac des « ouvreurs ».

20151110_Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - L4

J’enchaîne sur les placages de glace. Le vent du nord a un peu séché la face, ça fait moins de nettoyage mais les placages s’amincissent!! Je me résout rapidement à ne plus trop mettre de broches puisque celles-ci butent sur le caillou après seulement quelques centimètres de course… Débranchage de cervelle. Comme d’habitude, lorsqu’on en aurait besoin les pitons se trouvent au fond du sac ou 60m plus bas au baudrier du copain!!

20151110_Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Dans les placages du bas

Les conditions excellentes permettent de se lâcher et d’exposer sereinement. Passé le premier placage je bétonne comme je peux, je pose deux tiblocs et on file corde tendue.

Ju prend le relais 100m plus haut pour amorcer la courbe qui nous amène vers le bivouac. Encore des placages exposés et toujours des conditions démentes!

Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Ju en finit avec les placages du bas

12h : nous sommes au bivouac dit de la « cueva ». C’est là qu’on pensait dormir!! Il reste 6 heures de jours, l’effet du sous-entraînement commence à se faire sentir mais l’envie de continuer est trop grande!! Nous prenons 3/4 d’heure pour nous restaurer et reconstituer nos réserves d’eau à sec puisque nous avions prévu juste ce qu’il faut pour venir jusque là…

12h45 : c’est Ju qui repart dans la longueur de M5+ ou 5c de la Russemberger. Après quelques hésitations Ju opte pour de la bonne grimpette à l’ancienne, sans crampons ni piolet, croise un piton et relaye sur une terrasse de neige.

Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Départ de la longueur de M5+ ou 5c de la Russemberger Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Dans le 5c

On laisse au dessus de nous la variante en dry des ouvreurs et on continue par la Russemberger à gauche. L’occasion de sortir les fesses (et de les serrer) dans cette petite dalle psycho avec les pieds sur des petites bossettes verglacées, protégé par le plus micro de nos camalots! Sinon 4c en chaussons!

Pic sans Nom - Dalle psycho!

Suis un couloir de rocher beaucoup plus sympathique à grimper maintenant qu’en été je suppose!

Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Couloir rocheux de la Russemberger

Je relaye au départ de la longue traversée des gueux. En fait ça ne fait pas que traverser, ça descend aussi par moment. L’ambiance est de plus en plus prenante et les protections de moins en moins bonnes sur la fin de la traversée… Un excellent becquet permet de relayer sereinement.

Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - La trav des gueux20151110_Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Dans la trav des gueux

15h25 : c’est fou comme le temps s’échappe dans ces faces nord! Je repars dans une section raide de placages dont une partie quasi verticale en neige couic.

20151110_Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Content après la trav des gueux20151110_Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - AU départ des placages du haut

Tout ça au dessus du grand surplomb sur lequel vient mourir la ligne de placages que nous remontons. Ca laisse pas tout à fait insensible. Je n’essaye quasiment plus de mettre de broches. On trouve d’excellentes protections dans le rocher mais souvent espacées de 10m ou plus… Une grande longueur de 80m me permet de relayer sur 3 broches correctes au pied d’une belle goulotte. Ju prend le relais.

Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Placage et goulotte du haut

Une longueur de 60m et d’autres placages nous attendent. Je repasse devant. Rien d’extrême mais toujours des difficultés à protéger correctement. Quand l’escalade ressemble à du solo! Maman ne t’inquiètes pas les photos sont toutes truquées!!

20151110_Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Dans les placages du haut

Je bétonne dès que je peux, deux ti-blocs et nous filons à corde tendue dans un système de goulottes puis de rampes ascendantes vers la gauche pour aller le plus haut possible avant la nuit.

20151110_Pic Sans Nom - Prestige des Ecrins - Rampe de traversée vers la goulotte de sortie

Il est 18h quand nous nous affalons au pied de la goulotte sommitale. La nuit nous prend, la pause s’impose! Nous aurions su nous serions partis beaucoup plus léger et à cette heure là on serait peut-être déjà en train de se pavaner au sommet!

Nous prenons une heure… Faire un break… Débrancher le cerveau, sortir un peu de l’univers des placages, s’extraire… Nous gloutonnons les 500 grammes de pâtes. Pas lyophilisées du tout. Bien lourdes, mais bien bonnes!! Puis tout ce qui passe, biscuits, fruits secs, du thé… Faut dire qu’on a deux jours de bouffe avec nous et même un peu de rab, alors on peut se lâcher. On refait quelques réserves d’eau pour le finish. On est rousti mais ultra motivés par l’idée de bivouaquer au refuge du Pelvoux. Je chante à Ju une chanson d’amour en espganol. Ju aime l’espagnol mais je suis pas sur qu’il apprécie autant ma voie!!

19h : en selle Marcel. On remonte en 2 grandes longueurs by night la goulotte de glace fossile qui descend de la brèche. Pour le coup les broches nous servent enfin!!

20h30 : c’est fait! Après l’interminable goulotte terminale, nous nous embrassons au sommet! Trop de bonheur! De l’autre côté on voit les lumières de la vallée, la vie d’en bas qui se rappelle à nous. Un coup de fil aux copines surprises et rassurées! Merci les filles de nous laisser faire mumuse dans la montagne!!

Le vent soutenu (50km/h) en haut de la voie nous encourage vers la descente. Nous n’avons maintenant plus de doute, ça sera dodo au Pelvoux!

3-4 rappels, bandes de neige puis on descend au feeling de nuit dans une gorge surplombante en 3 rappels et un peu de désescalade. La fatigue commence à bien nous gagner et tout devient lutte : marcher, lover la corde, décoincer le matériel qui se coince, les nœuds qui se font, le sac qui fait mal, les cailloux qui roulent sous le pied… aïe aïe aïe…

Minuit : titubant, on pousse la porte du Refuge du Pelvoux, complètement déchenillés! Nous savons que la plus grosse erreur à commettre serait d’aller au lit direct sans boire ni manger. Alors on tient devant le réchaud. On ingurgite ce qu’on peut avant un bon petit coma des familles jusqu’au lendemain!

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Quelques détails techniques pour les suivants : moyennant des conditions excellentes comme celles qu’on a eu, le parcours à la journée est une base!

Nous avons mis 14h de la rimaye à la sorte sachant :

  • que nous avons fait fait une pause d’une demi-heure au pied de L2
  • que nous avons passé 3/4 d’heures à faire de l’eau au bivouac de la cueva
  • que nous avons passé une heure à manger et faire de l’eau au pied de la goulotte sommitale
  • que nous avons trimballé environ 3 kilos chacun de matos inutile qui a bien pesé sur les sacs.

Une cordée bien rodée, pas trop chargée et en forme doit pouvoir sortir en 10h à la brèche.

Pour le matos : nous étions trop chargés!! Nous sommes partis avec deux jeux complets de camalots du 000 au 1 plus le 2 et le 3. 10 broches. 4 pitons. 5 sangles. Un ballnut. Nous avons systématiquement fini les longueurs avec beaucoup de matos au baudrier. Les pitons n’ont pas servi. Et nous avons rarement posé plus de 5 broches par longueurs vu l’épaisseur des placages (sauf pour la goulotte terminale ou on mis les 10 broches mais en corde tendue, il y a moyen de fractionner en plusieurs longueurs et de protéger dans le rocher).

Dans ces conditions nous pensons que le matériel suivant suffit :

  • un jeu complet de camalots jusqu’au 2 en doublant le petit jaune, le bleu et le violet
  • 8 broches
  • 2 pitons lames
  • un ballnut (pas indispensable mais comme on l’avait il a servi)

Goulotte Pélissier

Goulotte Pélissier

Deuxième jour à Cham’. Ce coup là on a notre benne! Le vent est bien tombé en altitude et il fait incroyablement doux. La doudoune et la polaire ne quitteront pas le sac.

Notre plan initial d’aller faire la goulotte Chéré est un peu contrarié. Une grappe de 4 cordées s’affaire à l’attaque de la voie. Un peu trop de monde à mon goût. Il faut donc improviser!!

Je propose à Antoine d’aller faire un tour dans la goulotte Pélissier, plus difficile avec du mixte déjà sérieux! Antoine est chaud. Antoine est toujours chaud même si je lis dans son regard un peu d’appréhension au départ de la goulotte. Faut dire que c’est la première fois qu’il va grimper sur de la glace un peu raide et sa première grande voie date d’hier!!

J’ai confiance dans mon acolyte, l’adversité le stimule!!

Météo idéale, goulotte qui semble en conditions, ça donne des ailes!Goulotte Pélissier - Sur l'approche Goulotte Pélissier - Vue du bas

On attaque par deux grandes longueurs de neige et glace avec de courts passages à 80°. Antoine déroule et apprend vite.

     Goulotte Pélissier - L2Goulotte Pélissier

Nous sortons ensuite par une longueur de mixte courte mais pêchue (M5), l’occasion d’apprendre à crocheter et verrouiller les piolets dans les fissures et grattonner les crampons comme on peut. Antoine me traite de grand malade mais s’envoie le passage sans trop pinailler!

Goulotte Pélissier - Le passage mixte Goulotte Pélissier - Le passage mixteGoulotte Pélissier - Belle journéeUn peu de rocher pour rejoindre une pente de neige.

Goulotte Pélissier - Sortie des difficultés

La suite est moins dure mais quand même encore un beau passage mixte sur un placage bouchant un dièdre.

Goulotte Pélissier - Le mixte de sortie
Petit délire de la cordée à côté de nous!

Goulotte Pélissier - Pour de bon?

La goulotte est envoyée! Nous sommes tous les deux très contents de la tournure qu’a pris cette journée…

Il nous reste un peu de temps alors pour pimenter un peu le retour, on rejoint l’arête des Cosmiques par un couloir avant de terminer par le parcours classique de l’arête…

Arête des Cosmiques - Le passage clé Arête des Cosmiques - La sortie Arête des Cosmiques - FinGoulotte Pélissier - Les compères

Un beau we d’improvisation… La benne peut maintenant fermer nous on s’est servi!

A bientôt sur les skis Tonio!

Goulotte Pschitt – Ailefroide Orientale

Goulotte Pschitt – Ailefroide Orientale

Après un court passage perturbé quasi hivernal, l’anticyclone se recale sur les Alpes. Olivier me contacte pour aller profiter des belles conditions (supposées) dans les faces. Nous ne nous connaissons pas et l’objectif envisagé est déjà assez sérieux pour faire connaissance!! J’hésite un peu… mais Olivier a déjà roulé un peu sa bosse avec d’autres guides et mon petit doigt me dit que les conditions dans la Pschitt devraient être pas mal!! Au pire on en sera quitte pour une belle balade!

C’est donc à 2h30 du matin que je découvre dans le faisceau de la frontale le visage de mon compagnon de cordée! Le contact passe rapidement (enfin à cette heure là rien n’est rapide!)… Nous décollons du Pré vers 3h pour une petite balade nocturne sous les étoiles jusqu’à la rimaye de la Pschitt… Une autre cordée (julien et Robin) s’engage dans la Fourastier :  on sortira exactement ensemble au sommet!! Rencontre bien sympathique, l’ambiance est détendue dans le massif…

Vers 8h30 nous franchissons la rimaye et le pronostic se confirme : c’est que du bon! Olivier déroule tranquillement dans ce terrain nouveau pour lui, les conditions sont parfaites… Premier passage clé : un peu de glace à 85° et une section aux alentours de 80° avant une chattière. Esthétique. De la bonne glace pour brocher et de la neige couic pour grimper. What else?

Quelques pentes de neige permettent de rejoindre la deuxième partie… Olivier ne perd pas une miette de ce beau voyage à facenordland qu’on est en train de s’offrir. La deuxième partie commence par un peu de glace à 75° avant le passage clé de la voie, une section d’environ 5m verticale et un peu plus fine suivi d’une section à 75 – 80°. Là encore, la glace permet de se protéger et de grimper en sécurité. Tranquilos! On demande rien de plus….

Pour moi le voyage va comment à se transformer en galère à partir de là… Une intoxication alimentaire va me permettre d’expérimenter pendant 24h la joie de l’ultra déshydratation… Pas le bon plan pour gérer un effort en montagne. Le retour sera très très long!!! 3 jours après j’en perds encore mon pantalon. Pour ceux qui savent pas comment perdre 4kg en quelques heures je peux leur trouver des idées!

Bref sortie du passage clé nous attendent encore de jolies pentes avec quelques passages qui brassent, en particulier sur les 100 derniers mètres. Ambiance semoule sur dalle. Puis c’est la sortie au soleil! Olivier est radieux, enchanté par ce qu’il vient de vivre! Les luttes intestines qui m’habitent ne m’empêchent pas de profiter aussi de ce beau moment. Julien et Robin sont également avec nous là haut…

On s’envoie les rappels, sans trop de souci grâce à Julien et Robin qui nous éjectent la corde… Eux en seront par contre quitte pour un petit coinçage de corde et personne derrière! Merci les gars!

On traverse vers la voie normale, on remonte au pied de la banane avant de descendre la voie normale… J’ai besoin de pauses fréquentes. Impossible de boire et de manger depuis plusieurs heures et je continue de me vider… Les microsiestes me permettent de récupérer un peu d’énergie pour assurer correctement Olivier dans les vires d’Ailefroide. Enfin on sort des dernières difficultés et nous n’avons « plus qu’à » nous laisser rouler pendant 3h sur les sentiers caillasseux du vallon du Sélé. Arrivée vers 23h à Ailefroide dans un état de totale lyophilisation pour ma part!!

Oliv’ encore bravo pour cette belle réalisation et qu’elle te donne de l’élan pour tous tes projets futurs!!

Goulotte Grassi – Ailefroide Occidentale

Goulotte Grassi – Ailefroide Occidentale

Suite de nos aventures avec Frank et les belles réalisations se poursuivent!! Ce coup ci, c’est la goulotte Grassi à l’Ailefroide Occidentale qui reçoit la visite de nos crampons.

L’automne est généralement la saison idéale pour les grandes courses de mixte dans les Alpes : des accès pas trop compliqués et à pied, des journées encore assez longues, des températures pas trop hivernales…

Après le récent passage perturbé et le retour de l’anticyclone, il semblerait que quelque chose de bon se profile… Hésitation : Mont-Blanc ou Ecrins. Finalement c’est l’option locale (pour moi) qui l’emporte. Nous partons sans aucune information sur les conditions en montagne, au feeling. Rapidement la vue des grandes faces nord du Glacier noir nous envoûte. La montée au col de la Temple (avant de basculer sur Temple Ecrins) nous laisse le temps de se tordre le cou dans tous les sens pour admirer ces grandes faces effrayantes et fascinantes.

2015-10-10 18.21.39-1 Les faces nord

Pour cette première journée de longue approche, nous prenons bien le temps. Nous dosons chaque pas pour conserver le maximum d’influx pour le lendemain. Col de la Temple, soleil couchant et volutes de nuage qui dansent autour de nous. Féérique. Les lumières d’automne sont vraiment magiques.

Ailefroide Occidentale - Soleil couchant sur la face NWGoulotte Grassi - Soleil couchant sur le Pic sans nom Ailefroide Occidentale - Soleil couchant sur la face NW

Arrivée au refuge de nuit. Nos frontales font briller les yeux des chamois qui profitent d’une montagne quasiment vierge de présence humaine. En ce samedi soir, nous perturbons la solitude d’un alpiniste qui prendra le lendemain la destination du Pic Coolidge.

Nous ne profiterons pas longtemps des couvertures du refuge puisqu’à 2h sonne le réveil. Dur! Ne sachant pas exactement à quelle sauce on allait être cuisiné on préfère mettre le maximum d’heures de jours dans notre besace, ça peut servir.

Deux mois après la Devies-Gervasutti avec Ju me revoilà à l’approche de cette face. La neige récente recouvrant un peu les éboulis rend l’approche moins pénible.

Nous remontons le couloir du Glacier long. Les conditions y sont globalement bonnes. Quelques passages avec la glace pas loin quand même histoire de chauffer un peu les mollets!

Comme il fait encore nuit à l’attaque de la goulotte (7h), nous prenons l’option qui shunte la première longueur en poursuivant 50m dans le couloir puis en ascendance à gauche. Un pas de désescalade (un piton) permet de rejoindre la goulotte.

Une fois dans la goulotte, les bonnes conditions se confirment. L’ambiance est sublime dans ce canyon perdu dans cette grande face…

Goulotte Grassi - Juste avant le premier crux Goulotte Grassi - On devine le premier mur raide

Nous remontons un couloir jusqu’au crux de la voie : une goulotte d’abord pas trop raide puis une section renfougne de 6-7 m pas vraiment protégeable (du moins sur broches) où je m’amuse quelques minutes à faire péter un bouchon de neige. Charme de la renfougne : pas plus de 10cm d’amplitude pour planter le piolet, pas mal pour retravailler le swing du poignet!

Ensuite les longueurs suivantes c’est moins raide, 70° max, la glace est bonne et bien brochable.

Goulotte Grassi - Après le premier crux Goulotte Grassi - Longueur à 65°

Après une section pente de neige on vient buter sur le deuxième passage clé, qui fait un peu moins de 10m. La glace est fine mais bonne… Puis une goulotte / couloir.

Goulotte Grassi - Après le deuxième crux

On s’écarte un peu de l’itinéraire au dessus en partant à droite sur la vire dite horizontale, avant de revenir à gauche. Du coup on fait un peu de mixte (M4).

Goulotte Grassi - A la sortie du passage mixte

Une courte désescalade pour récupérer dans l’axe de la goulotte précédente une pente de neige qui se prolonge en couloir.

Quelques pentes et courts passages mixtes plus tard, on sort en bordure de la plaque de glace. On suit le bord de la plaque qui finit par un couloir jusqu’à l’arête faîtière. Sur cette partie, les conditions sont un peu moins optimales, du couscous posé sur la caillasse. On travaille le pédalage. 100m de pas top sur les 1250m, on accepte la sanction!

La sortie sur l’arête, plein ciel et plein soleil nous arrache des petits cris de jouissance!

Goulotte Grassi - Sortie sur l'arête sommitaleGoulotte Grassi - Ailefroide Occidentale - Sur l'arête

La goulotte ne sort pas directement au sommet. Nous pourrions attaquer directement la descente mais pour bien faire les choses on poursuit l’arête jusqu’au sommet, petit parcours qui dans ces conditions bien enneigées nous demande encore un peu d’énergie…

Echouage au sommet. Les doutes de la veille et l’excitation du jour laissent place à la plénitude… Nous savourons ensemble ces bons moments. Notre histoire de cordée s’étoffe et la confiance est au beau fixe. Ca fonctionne!

On se prélasse et on se restaure une petite heure sur notre perchoir… avant d’attaquer la deuxième journée! La descente de l’Ailefroide occidentale n’est pas ce qui se fait de plus court et déroulant! D’abord retour en arrière sur l’arête, puis désescalade des rochers, des pentes et couloirs avant d’attaquer une longue section morainique (ta mère) jusqu’au refuge du Sélé. Et comme on se voit bien dans une bonne couette dans la vallée, on enquille jusqu’en bas.

Je prends un peu d’avance sur Frank pour régler un petit détail logistique : la récup de la bagnole au Pré de Madame Carle! Avec une arrivée à 20h à Ailefroide un dimanche soir au mois d’octobre le stop c’est pas gagné d’avance. Je furète dans le village. Pas âme qui vive. Je me serais bien vu les fesses posées sur un fauteuil propulsé par un moteur à explosion. 200m après le bled, déjà résigné à ce petit supplément de marche, l’intervention divine en laquelle je plaçais beaucoup d’espoir se manifeste… Derrière un bloc une pale lumière apparaît. Je m’approche. C’est une frontale, même deux. Sous ces frontales, des humains. Et autour de ces humains, un véhicule. Je tape au carreau. En plus de partager la condition d’êtres humains bipèdes, il s’avère que les deux lascars débusqués sont également guides de haute montagne dans les Dolomites. Le temps de partager un coup de rouge, de leur laisser finir leur repas et me voilà sur le fauteuil propulsé tant convoité!

Encore bravo Frank!

Détails techniques pour ceux que ça intéresse : niveau TD-TD+ (M4 max et 4+ en glace). 1200m  (dont 500m de couloir). 7-8 broches (on en avait 6 ça passe!). Quelques camalots (j’avais pris la totale des micro au rouge mais ça a pas beaucoup servi, un jeu plus réduit est suffisant). Câblés inutiles. 2 lames éventuellement pour protéger le premier crux (si glace pas bonne) et bétonner certains relais.

Devies Gervasutti à l’Ailefroide Occidentale

Devies Gervasutti à l’Ailefroide Occidentale

Que faire par ces temps de canicule extrême… Glander au bord d’une piscine? Boire des mojitos sous la pergola toute la nuit en écoutant du reggae? Se mettre la tête dans le frigo?

Après avoir essayé toutes ces options dans le sud, je propose à l’arrache une dernière alternative à Ju, alias Pépouze Herzog, pour fuir cette maudite chaleur qui ramollit nos corps et liquéfie nos cerveaux (à moins que ce soit l’inverse) : si on allait grimper au frais?

Évidemment le frais faut aller le chercher : alors prenons ce qu’on a de plus haut dans le coin, de plus nord et de plus caillouteux, éliminons ce qu’on a déjà fait ou pas envie de faire et il nous reste : la Devies Gervasutti à l’Ailefroide Occidentale. L’Ailefroide Occidentale c’est nos Jorasses locales, 1100m de face avec une fréquentation quasi anecdotique. La Devies Gervasutti, comme son nom ne l’indique pas, a surtout été ouverte par Giusto Gervasutti qui a tout fait tête avec une côté cassé au cours de l’approche. N’est pas Fortissimo qui veut. C’était en 1936. Les alpinistes grimpaient en espadrilles, posaient des pitons et dormaient dans des sacs Zdarsky, un sac enduit de caoutchouc, où l’on transpirait puis gelait. C’était la minute historique.

Pour ce trip improvisé, nous sommes obligé de trouver une logistique adaptée à nos emplois du temps… Comme j’étais censé bosser juste après coté Bérarde (finalement annulé), j’opte pour un départ de là. Ju lui doit bosser aussi juste après mais côté Ailefroide… On se donne donc rencard à Temple Ecrins comme ça tout le monde il est content! Approche plus longue pour Ju mais il n’aura pas à refranchir de col pour rentrer à la maison!

Comme on est en 2015, on dispose : de matériel léger et performant, de camalots, de pitons déjà en place ainsi que nombreuses informations issues des réseaux numériques communautaires… Bref, nous on va pas geler dans un sac Zdarsky!! En plus Ju bosse le lendemain donc l’optique c’est montée-descente et dodo à la maison.

Départ 3h du refuge. Il y a 3 ans, on partait de là aussi pour gravir le Pilier des Temps Maudits. On connaît donc l’approche et l’attaque… du moins théoriquement! L’approche évidemment est un peu plus sèche qu’en mars 2012… l’avantage c’est que la bonne mobilité du terrain tient éveillé!

4h30 : je m’élance de la rimaye fin motivé vers ce qui sera la première erreur d’itinéraire du jour!! Attaque trop à gauche et je me retrouve rapidement dans un dièdre tout lisse avec du V+ au programme qui me rappelle pas grand chose!! Le temps de s’en convaincre, de désescalader et de retrouver le droit chemin, on y lâche une petite demi-heure… De bon matin ça énerve!

Le socle dalleux qui nous avait occupé 3h en hiver avec les crampons est expédié en une demi-heure en une grande tirée de corde tendue… Ju prend le relais ensuite pour passer le couloir (au niveau de la cascade) et les rochers qui mènent au pied des fissures en V.

L’escalade est moins difficile que ce que l’on pensait du coup on parcours ces sections en corde tendue avec de temps en temps une minitraxion pour que le second ne tire pas le premier en cas de chute… Du coup en une grande longueur je tire quasiment jusqu’à la fin de la Tour Rouge. Ca avance!

Devies Gervasutti - Ailefroide Occidentale - Fissure V+ athlétique Devies Gervasutti - Ailefroide Occidentale - Tour Rouge Ailefroide - Devies Gervasutti - Sommet tour rouge

Fin de la Tour Rouge sur du beau caillou (rouge) et arrivée au pied des Dalles grises (grises), le passage clé de la voie. Pas de chutes de pierres à déclarer ce jour là. Et les dalles sont certainement bien moins mouillées que ce qu’elles peuvent l’être!

On fait une première longueur de 60m quasi tout droit en franchissant le surplomb (qui est 4-5m au dessus à gauche de Ju sur la photo). Un poil de 6a sur des dalles poussiéreuses. Bien qu’en second, je me demande ce que font les chaussons au fond de mon sac! L’itinéraire classique selon le topo suivrait plutôt le surplomb vers la droite.

Ailefroide - Devies Gervasutti - Dalles grises

De notre relais je rejoins facilement l’itinéraire entre deux toits. C’est beaucoup moins dalleux et l’itinéraire est plus logique, tellement plus logique que je pars dans une variante qui sera sûrement le passage clé du jour (6b) à 2m d’une rampe plus tranquille…

Devies Gervasutti - Ailefroide Occidentale - Dalles grises suite

Bref un passage des dalles un peu cafouilleux où on lâche une petite demi-heure en fourvoyages…

Ensuite l’itinéraire est limpide : la vire en arc de cercle d’abord, pas trop raide heureusement car se déroulant sur un rocher d’une parfaite putridité.

Devies Gervasutti - Ailefroide Occidentale - Vire en arc de cercle

Suit la succession de deux couloirs/cheminées. Les répétiteurs conseillent d’éviter le fond du premier couloir en passant par le pilier à droite. Après une mure absence de réflexion, nous sommes passés dans le couloir. Bien que n’ayant pas suivi le conseil, nous le prodiguons à notre tour : passez à droite! Si comme nous vous avez de l’attirance pour les obscures cheminées de l’Oisans, ne vous ruez quand même pas trop sur les pitons qui s’y trouvent, on les enlève à la main!

Ailefroide - Devies Gervasutti - Cheminée pas top

Deuxième couloir au dessus suivi également par son fond pour récupérer une sorte de grande rampe ascendante qui ramène vers la gauche… On passe le petit nez rocheux décrit dans le topo avant de se lancer dans les cheminées de sortie. Je relaye Ju pour une grande longueur de corde tendue qui va nous mener jusqu’au sommet.

Devies Gervasutti - Ailefroide Occidentale - Cheminée de sortie Devies Gervasutti - Ailefroide Occidentale - Dernière longueur

Il est un peu moins de 11h quand on s’affale au soleil sur l’arête sommitale. Bon déroulage! Mais on sent quand même la fatigue… Une bonne demi-heure de pause au soleil pour déguster et passer quelques coups de fils professionnels!!

Pour la suite, on a opté pour la descente par la voie normale de l’Ailefroide Occidentale pour éviter de faire des rappels. Comme la voie sort sur une antécime (ouh la honte!), il nous faut d’abord traverser jusqu’au sommet de l’Ailefroide Occidentale. Ca prend une bonne demi-heure. Bien sympathique de sortir de l’austérité de la face et de se promener en plein soleil après ces heures dans l’ombre!

Devies Gervasutti - Ailefroide Occidentale - Sur l'arête Ailefroide - Devies Gervasutti - Au sommet

La descente par la voie normale est une bonne occasion de réveiller le chamois qui sommeille en nous. Cette option est rapide pour ceux qui affectionnent l’Oisans mouvant! Environ 45 minutes du sommet à la rimaye (façon de parler vu ce qu’il en reste).

Ici se séparent nos chemins… C’est quand même curieux d’abandonner son compagnon de cordée en pleine montagne!!

Ju n’a « plus qu’à » descendre… De mon côté, j’ai opté pour le passage du col d’Ailefroide sans trop d’infos. Il me faut d’abord remonter 250m (neige et glace) jusqu’au col. Du col je fais un rappel de 25m (2 pitons) d’où je peux ensuite désescalader dans ce que le grand Oisans offre de meilleur, le rocher assurant la permanente mobilité du grimpeur! Possibilité de descendre sans désescalade en 2 rappels de 40m…

Pour rejoindre le Glacier de la Pilatte, (vers 2760m), l’amour du rocher est indispensable. Environ 500m d’éboulis de blocs moyens. Je commence à rêver de pâtes et de boissons fraîches (ou de mojitos au bord d’une piscine en écoutant du reggae, la boucle est bouclée!). C’est pas la relâche. Descente du glacier et remontée des câbles… Vers 15h30 je suis à la Pilatte, le téléphone sonne, c’est Ju qui vient d’arriver à Ailefroide! Synchro les gars! Enfin lui il a plus qu’à appuyer sur l’accélérateur de sa bagnole, moi je suis pas tout à fait rendu…

La petite équipe du refuge est toujours aussi sympathique. Je me pose un bon moment le temps de me refaire la nouille (devant un bon plat de nouilles justement) et de profiter du piano… Le panard.

Je descend en dormant jusqu’à la Bérarde. Au plan du Carrelet, je ne résiste pas l’appel des verts pâturages. La sieste s’impose. Au pied de la face gravie ce jour. Ou hier. Enfin à ce moment je ne sais plus trop ça devient confus tout ça!!

Fin de la journée par une bonne session bagnole pour rentrer au bercail (4h de route, tunnel du Chambon oblige)… où j’arrive à minuit avec la marque du volant sur le front à force de faire des siestes tous les quart d’heure sur le final!

Zig – Zag dans le Z

Zig – Zag dans le Z

Après notre mixture au Pelvoux, on part ce coup-ci avec Frank en direction de la face nord de la Meije pour gravir le Z… La neige tombée en abondance a bien nourri les faces, les conditions sont démentes! Et nous, après 3 jours de régime patate – poulet – sieste, ben on l’a la patate!

Sylvain et Julien se joignent à nous pour cette petite aventure. On opte pour un bivouac en haut des Enfetchores ce qui est une très bonne option pour les feignants du premier jour mais par contre c’est un peu la mission pour récupérer les affaires le 2ème jour!

Comme prévu le Z est tout « couic » ça randonne… On a juste essayé de faire une variante au début pour pas se mettre derrière les autres cordées mais c’était pas le bon plan! Une heure de perdue et un mini « Z » en supplément!

Finalement c’est la traversée de la Meije et surtout la récup du bivouac qui seront les crux du jour!

Pour monter à la Puiseux, faut puiser!

Pour monter à la Puiseux, faut puiser!

Après moults plans aux quatre coins des alpes, la météo nous oriente finalement avec Frank vers les Ecrins!

Partout dans les Alpes, ça a plâtré! Les conditions vont être bonnes mais ici il faudrait attendre un jour de beau de plus pour que tout ça transforme dans les faces nord…

Vu qu’on a qu’un jour de beau dans l’immédiat, je propose à Frank un plan « one shot » au Glacier Noir. Heureusement Franck est prêt à bondir! Je le récupère le soir à la l’Argentière et on file faire une petite sieste chez Madame Carle…

L’idée au départ était d’aller faire un itinéraire à dominante neige, en face nord de l’Ailefroide par exemple. Mais ça manque encore un peu de purge et la neige risque de pas être au top dans les ressauts raides! Du coup je propose à Frank d’aller faire une course avec beaucoup plus de rocher, l’arête nord de la Pointe Puiseux…. Longue journée au programme, surtout avec ces conditions là!

Effectivement la journée fut longue (et comme toutes les longues journées elle commence par une belle panne de réveil)!! Frank commencera même à se préparer mentalement au bivouac improvisé dans les dernières longueurs! Il ne sait juste pas que ce concept de bivouac improvisé est totalement étranger à son guide!

Au programme de cette course, du rocher, beaucoup de rocher et de la neige, de plus en plus humide qui nous impose souvent des variantes un peu plus coriaces!! Ca grimpe tout du long et avec les conditions du jour, on a pas fait bezef de corde tendue…. Ajouté à ça quelques petites fourvoyances et un entraînement draconien à base de Pic d’Arsine et voilà les ingrédients réunis pour établir un horaire intéressant qui à défaut de nous offrir un repas les pieds sous la table nous permet de jouir d’un des plus beaux coucher de soleil que j’ai pu contempler dans les Ecrins… Mer de nuage panoramique à 360°, épargnant seulement notre petit ilot Pelvien… Y a des moments de grâce comme ça qui font oublier toute la peine endurée!

On aurait aimé finir devant un bon plat de pâtes et une bière au refuge du Pelvoux mais la vacation radio sonne dans le vide… Nous le saurons le lendemain, Damien nous attendait et s’était juste éclipsé pour prendre sa douche! Arrivé vers minuit au refuge, on grignote quelque fond de sac et on s’abandonne à un coma réparateur dans les épaisses couettes…

De la bonne aventure made in Ecrins, merci à toi Frank de m’avoir fait confiance!

Eiger – Voie Heckmair

Eiger – Voie Heckmair

Arrr! La face nord de l’Eiger! Un des piliers de la mythologie alpine! Une face chargée d’histoires, pas toujours très funkies… Un des derniers 3 grands problèmes des Alpes résolu en 1938 par Heckmair, Vörg, Kasparek et Harrer au cours d’une ascension épique de 4 jours, un exploit hallucinant pour l’époque… Aujourd’hui, le parcours de cette face voie reste une étape immanquable pour les amateurs d’histoire et de face nord.

Parti rejoindre Seb en Suisse initialement pour faire du ski, il faut se rendre à l’évidence : on a un créneau idéal pour l’Eiger! La face est encore bien enneigée et l’isotherme assez bas, tout ce qu’il faut pour ne pas se prendre la moitié de la montagne sur la tête! On s’attend à ce que pas mal d’alpinistes aient la même idée que nous mais nous ne verrons finalement qu’une mystérieuse cordée 2h derrière nous sortie de nulle part, peut être du Stollenloch, un tunnel qui sort à 500m dans la paroi au pied de la Rote Fluh (désolé mais c’est pas nous qui donnons les noms).

On monte à la Kleine Sheidegg par le train au milieu des tours opérators indiens, coréens et autres… Le soir le dernier train redescend tout ce petit monde et cette gare d’altitude retrouve tout son calme. Bivouac 4 étoiles dans de belles pelouses non loin de là.

Réveil 1h. Encore! On s’y fait, ça commence à faire moins mal! 3h à l’attaque pour 450m de socle où alternent passages de gradins et névés. C’est finalement la partie où il y a le plus de recherche d’itinéraire. Ce n’est jamais très difficile, nous grimpons décordés car nous aurions de toute façon de la peine à nous assurer correctement dans ce terrain. Au levé du jour, nous arrivons sous la fissure difficile que nous gagnons en tirant une longueur… Quel bonheur d’être en ces lieux mythiques. On savoure. A notre droite la Rote Fluh, un ressaut de 250m déversant, donne vraiment le tournis. 500m plus bas, les alpages sont éclairés par les premiers rayons du soleil. Folle ambiance. Passée la fissure difficile, nous tirons à corde tendue jusqu’au début de la traversée Hinterstoisser.

C’est cette traversée qui scella en 1936 le destin tragique de Kurz, Hinterstoisser, Rainer et Angerer, 4 prétendants à la conquête de cette face nord, au cours d’un des plus célèbres drames de l’histoire alpine. Hinterstoisser réussit à vaincre cette traversée très délicate à l’époque grâce à une manoeuvre de corde et une bonne dose d’audace. Une fois les 4 compagnons passés, il tirèrent la corde se coupant toute retraite possible par ce passage là. Plus tard, obligés de rebrousser chemin suite à des chutes de pierres qui blessèrent l’un d’eux, ils ne parvinrent pas à repasser ce passage et finirent pas tous mourir en tentant une descente directe… Franz Kurz expirera à bout de force pendu à sa corde à quelques mètres des sauveteurs venus les secourir depuis le Stollenloch. Sinistre.

Aujourd’hui, la traversée est équipée de cordes fixes comme pas mal de passages et avec une paire de chaussons, l’escalade n’y serait pas très difficile… On ne peut s’empêcher d’être impressionné par l’audace et le grain de folie des premiers à déflorer ce passage…

S’ensuit une longue section de névés entrecoupée par une goulotte de 100m avec une 20aine de mètres à 80°. C’est marrant de faire de la glace, ça faisait belle lurette! Au bout du névé (Deuxième névé), un court passage mixte à droite du Fer à repasser (si, si) nous mène au Bivouac de la mort (brrr…) point où furent aperçus pour la dernière fois Karl Mehringer et Max Sedlmayr en 1935 au cours d’une tentative assez (trop?) poussée. Ici, la paroi se redresse sérieusement. La voie emprunte la rampe, une belle ligne de faiblesse très logique.

Nous bénéficions d’excellentes conditions dans la rampe (neige dure et glace) que nous gravissons en 3 longueurs. La 3ème longueur est le passage clé de l’ascension avec un départ bien raide en mixte (M5) et le passage de 2 bouchons de neige. Longueur magnifique dans ces conditions. On se régale!

A la sortie de la rampe, on traversée de 50m par la Vire délitée (en neige pour nous!) puis on grimpe la Fissure pourrie (5b, bien assainie avec le temps!) avant de faire une longue traversée aérienne (la Traversée des Dieux) jusqu’à l’Araignée (un névé duquel partent plusieurs couloirs). L’Araignée est en glace, ça chauffe les mollets! On remonte ensuite facilement une sorte de goulotte qui mène au pied des Fissures de sorties. Lors de la première, c’est en attaquant ces fissures de sorties qu’Heckmair chute sur Vörg et arrache le relais avant que tout le monde ne s’arrête miraculeusement. Suite à cet évènement, les 2 compagnons s’envoient cul sec un flacon d’amphétamines que leur avait glissé dans la trousse à pharmacie un médecin!

Encore une longueur qui grimpe, un petit rappel pendulaire et on arrive au bivouac Corti encore un lieu chargé d’histoire puisque c’est ici que Corti fut sauvé au moyen d’un câble tendu depuis le sommet (après la bagatelle de 8 bivouacs dans la face)! Son compagnon de cordée Longhi qui avait déroché un peu plus bas dans les traversées n’a pu être sauvé. Corti avait continué avec une cordée d’allemands pour aller chercher du secours mais il a été frappé par une pierre et « abandonné » par les allemands au bivouac… Les allemands furent retrouvés tout froid 2 ans plus tard un peu à l’écart de la voie normale… Charmant!

Au dessus de ce bivouac (pas 4 étoiles quand même), un long couloir rocheux noir que nous parcourons en corde tendue mène à l’arête sommitale. Encore 200m d’arête neigeuse et le sommet de l’Eiger nous tend les bras! Dans une brume fantasmagorique nous nous embrassons, heureux d’avoir concrétisé sans accroc ce rêve d’alpiniste. On jouit de ces instants de bonheur, bien peinards tout là haut!

La descente est rapidement expédiée (1h30) grâce à la neige encore bien présente sur le versant ouest pour finir devant des chopes de bière et un excellent repas à la Kleine Sheidegg. La vie est belle!

Eloge de la Fuite

Eloge de la Fuite

C’est en compagnie du 2 loustics de premier choix, Ju et Seb, que nous partons pour une petite expédition punitive du côté du Glacier Noir. Les faces nord sont encore bien plâtrées et dans l’espoir de trouver du rocher sec, on se dirige vers ce qu’il y a de plus raide et d’un peu moins nord : la facette WNW du Pic sans nom…

Comme la plupart des aventures en montagne, l’histoire démarre d’abord par un rituel étrange qui consiste à étaler toute sorte d’objets sur le maximum de surface avant de les faire rentrer dans des sacs au final toujours trop lourds… La lourdeur des sacs, l’horaire de départ tardif seront autant de bonnes excuses pour ne pas aller bivouaquer trop haut comme on avait pu l’évoquer en concoctant le plan tranquillement au fond d’un canapé. Bivouac sur le Glacier noir donc au pied du Coup de Sabre…

…. réveil 1h. Ouch ça fait mal ça! Vague impression d’avoir dormi 1/4 d’heure. On nage dans le paté. Une trace sympathique puis un regel correct nous permettent de gagner sans trop de difficultés le pied de la face. Une petite longueur de rochers brisés faciles mène à un névé qui vient buter sous une première zone raide. C’est là que commence l’escalade. La première longueur est très prometteuse : une belle fissure (5c, 30m) qui part juste à gauche du pied d’une coulée noire caractristique. Beau rocher, protection assez faciles à placer, ça roule. Deuxième longueur dans le même ressaut : on est parti à gauche pour emprunter une cheminée (1 pas de 5 dans la cheminée, rocher moyen). Y a sûrement mieux à faire mais le reste était mouillé! On remonte ensuite une sorte de vague éperon 50m à droite d’un grand surplomb (5a) avant de rejoindre à gauche le surplomb (1 pas de 6a). Rocher couci-couça à tendance mi figue mi raisin. Bref, passées ces 2 longueurs, on arrive à la vire Chapoutot ou démarre le vraiment très raide!

Toute l’équipe est en pleine forme malgré quelques errements intestinaux. Pendant que le leader grimpe concentré, ça s’fend la poire au relais. C’est un des avantages d’être trois!

L’ambiance devient vraiment prenante dans ce ressaut de 300m vertical. Les 2 premières longueurs sont en rocher moyen mais à notre suprise passent assez facilement en libre (6b max). Ensuite on rentre dans le haut de gamme avec 2 longueurs d’anthologie (6b+ et 6c+) et un beau 6a avant de finir sur l’arête. Finit l’artif dans cette voie!

Le final sur l’arête est de toute beauté avec des conditions plus enneigées qu’au mois de mars lors de notre parcours de la voie Cambon Francou en face Nord avec Tom!

Enfin on gagne ce joli petit bout de sommet où on s’accorde une bonne pause.

Descente rapido jusqu’au bivouac (1h30) grâce au couloir, bien enneigé… et un retour en vallée pour l’apéro, bien au delà de nos espérances!

Merci aux 2 affreux pour ces bons moments de rigolade.

Quelques précisions sur la voie :

– attention voie schizophrène! Des longueurs magnifiques sur un rocher de rêve, mais aussi du bon foutras Oisanesques même dans du raide… Il faut aimer l’Oisans. Mais l’ambiance dans la facette est hallucinante et la raideur assez atypique dans nos contrées.

– très peu d’équipement en place. Prévoir un jeu de camalot du 0,1 au 3 en doublant les tailles moyennes (du 0,1 au 0,5). Quelques microfriends. 3-4 pitons variés (cornière, lame, universel, extra plat).

– tout passe en libre (6c+ max). La longueur donnée en A2 est probablement la plus dure à libérer en tête puisqu’il faut pitonner. Nous avons mis 12h de la base au sommet. Cotation globale : ED, 550m.

– relais tout confort. Excellent bivouac à la vire Chapoutot pour les amateurs de sacs lourds

Traversée des Ailefroides et descente du Glacier long

Traversée des Ailefroides et descente du Glacier long

Il est minuit… Pus que 7heures et le soleil nous inondera à nouveau de sa délectable chaleur! 7 heures! C’est rien! On se recroqueville sur nous mêmes avec la couverture de survie qui nous offre une chaleur plus psychologique que réelle. Etat très étrange où l’on se sent à la fois endormis et conscient, en train de rêver mais aussi de penser à ce caillou qui fait mal ou ce courant d’air froid insupportable. Nous tiendrons 2h à ce petit jeu.

2h du mat’ : « faut qu’on se bouge, c’est l’horreur là! ». « Tiens regardes, il reste un petit morceau de chocolat ». « Pfoudi! ». « Bon allez, on avance, on se pellera moins et ça nous occupera le cerveau ».

Et nous voilà partis pour la traversée de la Centrale à l’Occidentale dans une ambiance complètement insolite avec les lumières de la vallée comme soutien! On avance piano, piano… De temps en temps on s’affale pour gratter quelques minutes de sommeil! On dose l’effort au maximum… on cherche une fois ou deux l’itinéraire… On fait les choses calmement puisque de toute façon rien ne presse… On s’assure au maximum… Et encore une petite sieste… je m’endors, en assurant Ju, pourtant mes mains continuent de lui faire venir la corde… Etat paradoxal mais presque!

Et puis très timidement d’abord, on distingue, une vague lueur orangée à l’est… Il est 5h30… Puis la tendance se confirme, la lumière revient peu à peu… puis enfin, à 7h c’est l’apothéose, on est au sommet de l’Occidentale, le soleil est là qui réchauffe un peu… je m’abandonne à une délectable sieste d’1/4h… C’est trop bon! Et bien voilà ce ne fut pas si terrible cette nuit (qu’on se surprend à penser)!  5h pour une traversée qui en prend 2 de jour…

De là, on n’a que de vagues indications sur la descente mais on s’en sort bien. Par un système de pentes de neige et de couloirs à 45° max, on arrive au pied de la brêche des frères Chamois, en plein soleil matinal, le froid n’est déjà plus qu’un lointain souvenir. 100m de remontée jusqu’à la brêche où nous parvenons avec le reste de gaz restant désormais réchauffé à faire fondre 30cl d’eau, les premières gorgés depuis minuit, il est 9h…

La suite : une grande traversée sous la Tour tatra pour rejoindre le Glacier Long. Un passage expo nous oblige à un petit rappel. Nous désescaladons d’abord le couloir puis ensuite en rappel sur lunules… ce sera l’occasion de sympathiques parties de n’importe quoi : mon porte broche casse : un piolet, une broche et un ropeman prenne la voie du bas! Piolet et broche retrouvés. ouf! Ensuite c’est mon bonnet rouge, mon fidèle bonnet rouge qui se fait la malle! Je t’aimais mon cher. Adieu! Pour continuer je fais tomber le crochet abalakov (heureusement qu’on l’a en double!). Ultime nimperie : en tirant l’avant dernier rappel, la corde ne vient pas! Pas possible ça! En glace, un rappel qui coince? On le bourrine : rien! Ju le moufle avec la poulie bloc jusqu’au max : rien! On crie à l’injustice! C’est pas vrai, merde! Plus le choix, il faut couper la corde pour débrayer la poulie bloc, sinon on va aussi laisser la poulie et la broche sur laquelle elle est installée. Et là, en coupant la corde tendue comme une arbalète, comme par miracle, elle se décoince la coquine et chois devant nous sans que nous puissions l’attraper. Elle part en glissade dans le couloir, la conne, nous laissant avec notre pauvre bout de cordelette de 6mm que nous risquons de devoir fixer là pour finir la descente! La loose totale! Heureusement, la corde s’arrête quasiment au pied des 60m de ficelou. Je descends sur ce filin de 6mm, et fixe la corde coupée au ficelou. Ju peut alors la remonter et installer un rappel « normal » … Fin des nimperies. Le reste du couloir se descend tranquillement à pied et par une traversée, nous rejoignons enfin les skis…

Encore quelques efforts et une ou deux gamelles dans la neige lourde à la descente et c’est l’arrivée à la Bérarde. Ca y est on peut tout relâcher, devant les sacs de bouffe en rab qu’on avait laissé 2 jours avant. Ultime difficulté : trouver quelqu’un pour nous ramener à la Grave, vu qu’il est trop tard pour rentrer par les 2 alpes. Après une petite heure de temporisation, 1 sympathique Guillestrois nous propose la bière et le transport! Dément! Je m’endors à l’arrière du véhicule comme un bébé, pendant que Ju essaye de maintenir la conversation devant… C’est bon quand ça avance tout seul!

Après deux nuits quasiment blanches et une orgie de pizza et de bières, on s’abandonne à un profond coma réparateur… Trop bon!

!

Pilier des Temps Maudits

Pilier des Temps Maudits

1h15 : aïe! Là ça fait carrément mal de se lever si tôt! Surtout que tous les deux on a très mal dormi avec le froid et l’humidité dans ce bunker. A cet instant, le sommet de l’Ailefroide nous parait très très loin (note : cette photo ne date pas du trip, la face est moins enneigée…)

Topo Pilier des Temps Maudits

Deux choix s’offrent à nous : réfléchir beaucoup ou pas du tout. A cette heure là, l’option 2 s’impose d’elle même. Le décollage est un peu lent ce matin, on part à 2h15.

La partie au dessus du refuge est déneigée, on part donc ski sur le sac, quel bonheur de porter tout ce poids! On brasse ensuite pas mal dans le couloir d’accès à la grande traversée qui mène sur le Glacier de Coste rouge. Nous remettons finalement les skis… juste quand la neige redevient béton! Pas optimum sur les choix ce matin! C’est vers 4h30 que nous déposons les skis sur le glacier de Coste Rouge, 1/2h plus tard que ce que nous avions prévu.

Notre plan diabolique établit la veille après 2 genep’ était d’atteindre le pied de ce que nous supposons être les difficultés (le pilier) sur le coup des 7h – 7h30, heure à laquelle on y voit bien. C’était sans compter sur la féroce résistance du socle (départ de la Devies). Cette section qui doit s’avaler en été en moins d’une demi-heure en courant à corde tendue en chaussons nous a occupée de 5h à 8h! Au programme de sympathiques passages dalleux, couverts de neige sans cohésion et pas toujours faciles à protéger. Ambiance fine couture en gants de boxe…

Le temps de remonter le couloir qui suit et de se bagarrer encore correctement dans une longueur de mixte dalleux sous le pilier : c’est finalement à 10h15 que nous attaquons les « difficultés ».

Les deux longueurs clés – mi-libre mi artif – demandent un peu de finesse et de l’engagement quand il faut repartir en libre mais c’est finalement bien moins éprouvant que le mauvais mixte fait de nuit ce matin. Nous voilà sur le fil du pilier. Les efforts de ce matin et des jours précédents se payent un peu. Ajouté aux conditions mixtes du moment : on ne courre pas, même dans ces longueurs sûrement très faciles en chaussons en été. Sur 3-4 longueurs, on suit le pilier avec des difficultés entre le IV+ et le V+. Le soleil nous a rejoint, c’est ça le luxe des parois NO en fin d’hiver! On aboutit sur une très courte arête juste avant la muraille terminale. Il est 17h. Nous ne nous faisons plus trop d’illusions sur la possibilité de sortir la voie de jour… Mais cela ne nous inquiète pas plus que ça puisque de toute façon, on a rien prévu pour bivouaquer! Notre stratégie depuis le départ était d’être le plus léger possible, et cette nuit à l’arrache sur l’Ailefroide, elle fait partie du programme, même si on a pas trop hâte de la vivre!

Pendant qu’on s’excite dans sa voie, Arnaud Guillaume, un des ouvreurs se marre bien au Drus avec deux jeunes recrues haut alpines.

Dans la muraille, on enchaîne quelques très belles longueurs de V+/VIa. Moments complètement féériques de grimpe au soleil couchant. Quel pied! Encore un coucher de soleil sur la Barre… Adieu soleil, à demain! Je finis la longueur complètement de nuit sans avoir sorti ma frontale, complètement à poil de matos, en bout de corde… Heureusement, un robuste becquet, complètement inattendu m’accueille dans ce moment difficile. Quelle bonté! Ju me rejoint. Bon cette fois ça y est, c’est la night! Plus de raison de speeder… Il va maintenant nous falloir tuer une à une toutes ces minutes jusqu’à demain… Nous commençons par une bonne petite pause sur la rampe (à deux longueurs du sommet) l’occasion d’ingurgiter une bonne soupe et des denrées de plus en plus rares!

Vers 21h, Ju guronzé par la pause repart dans la longueur suivante. Un dièdre blanc en 6a+ qui dit le topo. Deux dièdre s’offre à nous? Lequel est le plus blanc sachant qu’il fait noir? Mais un dièdre blanc dans le noir, c’est un dièdre gris? Bref, nous prenons celui de droite ou se trouve un piton à une dizaine de mètres. Deux-trois mètres après le piton, Ju est parti à gauche pour faire relais 15m plus haut. Encore une petite longueur de 30m et on arrive presque exactement au sommet de l’Ailefroide. Yallah! Cris de joies! Même si ce n’est qu’une arrivée très relative, c’est quand même bon!

Petit conciliabule au sommet : « Bon, on avance un peu et dès qu’on trouve un coin correct on se pose! ». Finalement, même pas 1/4h plus tard, on s’échoue exténués dans un coin pas terrible du tout, pas confortable pour 2 sous. « Faut qu’on boive ». Le gaz a commencé à prendre froid et la fonte de la neige rame. On somnole 1/4 d’heure, la neige fond quasiment pas… Finalement je reste debout et bataille pendant une heure pour obtenir 1 litre d’eau tiédasse. Ju somnole. On engloutit le précieux liquide et on s’enfouit sous la couverture de survie recroquevillés sur nous. Il est minuit….

La suite…

Liaison Promontoire – Temple Ecrins

Liaison Promontoire – Temple Ecrins

100% matière grasse cette matinée! On émerge à tour de rôle sur le coup des 9 heures… Vraiment trop bon ce refuge du Promontoire déjà plein soleil à cette heure là. Bon dorage de pilule, engloutissage massif de denrées alimentaires et contemplation! on est hors du temps, tout cotonneux… Tout ce qui va bien pour une bonne récup après la voie d’hier

Petit contrôle technique des deux carcasses. C’est pas pire! Un peu fatigués mais sans plus… les doigts de Ju sont toujours steackés mais mon cul me fait bien moins mal! En tous cas on est très motivés tous les deux pour continuer, la décision est vite prise! On réajuste un peu le contenu des sacs en calculant ce qu’on pourrait laisser à la Bérarde (quasiment 3kg de bouffe / gaz, on a vraiment fait les sacs à l’arrache!).

Sur le coup des 12h on quitte le petit radeau du Promontoire pour s’élancer dans une mer de neige transfo excellente à skier. Le vallon des Etançons est à nous, quel pied! Dans le bas, après la jonction avec le vallon de Bonnepierre, la sécheresse de l’hiver et les chaleurs actuelles mettent à nu certains passages mais on s’en sort quand même avec très peu de déchaussage.

Arrivée à la Bérarde on croise les premiers touristes qui nous informent que la route vient juste d’ouvrir, et ça c’est une très bonne nouvelle pour le retour vu que ça nous évitera 10 km de marche! On croise aussi Martine la gardienne du Chatelleret venue faire sa petite inspection avant l’ouverture. Rencontre bien sympathique! Après une bonne halte hydrato-restaurative, on recharge le barda direction le vallon de la Pilatte. Le vallon est encore suffisament enneigé pour être skié intégralement. Après une petite heure de marche, la face NO de l’Ailefroide nous pète à la figure, quelle classe! Nos Jorasses locales!

La montée à Temple Ecrins est assez ignoble. On emprunte d’abord le couloir qui s’avère vite impraticable (au bout de 150m de déniv’), du coup on se rabat sur le chemin d’été partiellement déneigé. Nombreux déchaussages ou escamotages de peau selon les préférences de chacun, comportement directement corrélé à l’âge des skis…

On arrive à Temple Ecrins sur le coup des 17h ce qui nous permet de profiter encore d’une petite heure de soleil.

Temple Ecrins en hiver c’est pas la joie! Une espèce de grotte humide et froide, enfouie dans la neige. Rien à voir avec le Promontoire. Pour résister aux avalanches, ce refuge n’a pas eu d’autre choix que de se terrer. Heureusement, une fois de plus, le genep’ viendra à notre rescousse!

La suite…

Salsa pour 3 étoiles

Salsa pour 3 étoiles

2h30. J2 commence bien tôt. On s’ébroue. Pfoudi!

3h15 : après un copieux p’tit déj, on s’élance vers la brêche de la Meije. Dans combien de temps seront nous de retour ici?

Salsa pour 3 étoiles - Vue d'ensemble

Le regel est très bon ça porte nickel! De l’autre côté de la brêche, versant nord, ça brasse forcément un peu plus, la neige est encore poudreuse, 30cm par endroit… On rejoint la rimaye de la face nord sans trop de souci mise à part quelques furtives explorations sous-glaciaires, vite enrayées. Vers 5h30, on est devant la rimaye bien impressionnante : un mur surplombant de neige peu consistante. Ju fait une timide tentative dans l’axe de la voie mais finalement l’issue sera à l’aplomb du départ du Z, 200m plus à droite. Juste un court mur de glace à franchir. Ensuite nous nous déportons vers la gauche pour remonter la rampe mixte à gauche du départ du Z. En 3 très grandes longueurs de mixte (M4 max), nous rejoignons les premières difficultés, un dièdre sombre.

Ce dièdre n’est finalement pas très dur, un genre de V+ en crampons. Les conditions mixtes de la face nous imposent en effet de rester en crampons bien que nous ayons les chaussons au fond du sac. A la sortie de ce dièdre on se rapproche très sérieusement de la Directe Nord. Par crainte de se retrouver dans cette voie, je me laisse embarquer trop à gauche dans une dépression sous un grand « couloir » rocheux. Le problème c’est que cette option nous embarque dans une grande muraille verticale d’une centaine de mètres et ça c’est pas très bon. Un peu de désescalade et tout rentre dans l’ordre. Il faut en fait prendre une goulotte évidente légèrement à droite. A ce moment de  l’ascension on se trouve environ 50-100m à gauche de la Directe.

La goulotte est magnifique! Entre 50cm et 2m de large et jusqu’à 80° de raideur. Nous la remontons en corde tendue avec un piolet chacun… Tout va bien, ça avance! La goulotte vient buter sur un ressaut raide. Nous remontons une cheminée verticale de 30m (6a) puis nous sortons vers la droite en direction d’un bitard bien caractéristique. Quelques doutes sur l’itinéraire : faut dire que les topos sont pas d’une clarté sybilline!

Finalement on prend la bonne option en s’engageant vers ce bitard et en remontant le mur raide au dessus, le crux de la voie (6b, 1 piton en place). Le piton ne se voit que le nez dessus. Pour ma part en tête, j’artife un pas, au niveau du piton. Ju passe en libre. A la sortie du crux, encore un cablé indique qu’on est pas les premiers à passer par là! Dernière longueur de salsa pour rejoindre la vigie par une espèce de traversée ascendante à droite, au plus simple. Il est 12h, on atteint la petite vigie…

La, la course n’est pas finie. La Directe réserve encore quelques beaux morceaux de varappe que les conditions nous imposent de gravir en crampons. Un dièdre en V+ au dessus de la petite Vigie puis on arrive sur les passages clés de la Directe. Une première longueur en bon V ou une petite zipette coûtera à Ju, un peu de la peau de ses doigts. Quand à moi, c’est guère mieux, dans le 6a+ au dessus, sans m’y attendre le moins du monde, je zippe un mètre au dessus du relais choyant lamentablement sur le relais jusqu’à 2m en dessous. Le contact viril entre le rocher et mon fondement sera ressenti jusqu’à la semaine suivante! Semaine pendant laquelle tout matière molle pour poser mes fesses sera la bienvenue!

Enervé comme un cheval blessé, l’égo fracturé par cette chute, je repars illico dans la longueur, artifant dans les règles ce passage clé…. M’enfin quoi on va pas se laisser emmerder par un bout de caillou!

Au dessus quelques longueurs nous attendent encore. Pas toujours évidentes à protéger, ça ne déroule pas vraiment même si c’est pas extrême. En chaussons c’est du IV pas plus mais les dalles en crampons, c’est un peu comme comme faire de la couture avec des gants de boxe, ça prend du temps!

Finalement il est 16h quand nous saluons la vierge du Grand Pic. La joie explose! C’est le panard d’être là et de jour! On ne savait pas trop à quelle sauce on allait être mangés dans cette voie, on s’en tire pas trop mal, c’est de bonne augure pour la suite…

Comme durant les 5 jours de ce trip, le ciel est limpide d’un bleu haut alpin si caractéristique. le doigt de Dieu nous salue. La vue sur les alentours est d’anthologie. On savoure ces instants volés. A la Meije, on est pas complètement paumés : du réseau dans la face et du réseau au sommet. J’en profite pour rassurer Marie qui une fois de plus se demande ce que son énervé de petit ami est encore aller chercher là haut! (Je me le demande parfois aussi après coup mais quand je suis là haut, je sais pourquoi j’y suis!)

Durant  ces ascensions, l’état que j’expérimente me vaudrait d’être classé illico parmi les grands névrosés si je le décrivais à un psychiatre de la vallée! Passés la calme torpeur du matin, toutes mes pensées sont d’abord désordonnées, brêves, chaotiques, mélange d’idées chroniques, de bouffées émotives, de préocupations concrètes du quotidien, d’airs de musiques débiles qui tournent en boucle, de calembours douteux et d’embryons de grandes réfléxions métaphysiques sur le pourquoi du comment? Tout ça se mélange joyeusement à la recherche d’itinéraire, aux bribes de conversation avec son partenaire (quand on le croise!), à la contemplation du paysage et aux problèmes gestuels qui se posent…  Une véritable ratatouille mentale! Sans compter la sournoise lourdeur qui comprime la plupart du temps ces boyaux qui refusent de se vider avant le milieu de la voie. Il peut très bien m’arriver de penser en serrant une petite réglette dans un passage difficile, à l’annonce de covoiturage qu’il faudrait que je dépose tout en sifflotant toutouyoutou… Complètement désuni! Un vrai bordel la dedans!

Heureusement, au cours de la montée, j’ai toujours l’impression que cette ensemble s’épure, que ma pensée devient plus harmonieuse, plus efficace, plus unie avant de cesser d’exister au sommet, dans un pur moment d’allégresse et de plénitude! J’ai l’impression que chaque ascension est un cheminement inconscient qui triture au plus profond de moi, de façon quasi chirurgicale, une sorte d’alchimie étrange qui imperceptiblement me transforme… Pas facile à décrire.

Ouhlà! Flagrant délit de disgression, j’arrête là!

On est bien content d’attaquer la descente par la voie normale de jour, c’est toujours mieux! Première succession de 4 rappels jusqu’au Glacier carré. C’est pas fluide : corde qui coince, on s’emploie! Nous ne sommes pas au bout de nos peines : quasiment tous nos rappels vont foirer dans la grande muraille dont 2 bloqués : yihah! On se régale… Pour garder la forme j’expulse quelques jurons sous l’oeil amusé de Ju, un peu plus calme! Et rebelote dans le Duhamel…. Et p****** de b***** de m*****!

Heureusement plus de rappels ensuite (sauf le pas du crapaud), juste de la désescalade jusqu’au Promontoire qu’on rejoint vers 21h30.

Soupe et bon petit gueuleton de ravioli avant la dose de génépi qui nous rend plus bavard! Première étape accomplie et avec du temps pour se reposer, c’est bon ça! bilan de l’état des bonhommes : Ju s’est bien steacké les doigts et moi ce soir je ne peux pas poser le cul autre part que sur du mou! Nous verrons demain si nous sommes en état de continuer. Je m’endors sur le bouquin de Chapoutot sur la Meije après avoir lu 5 fois la même ligne sans la comprendre….

La suite…

Refuge du Promontoire – Brêche du Rateau

Refuge du Promontoire – Brêche du Rateau

Après une petite vaguelette de froid (de vent surtout) voilà que notre saint oracle nous promet l’anticyclone parfait (en échange du très raisonnable  sacrifice de 1€30 par appel + 34 cents/min). Pas un souffle d’air, un iso oscillant entre 3000m et 3500m  (au demeurant plutôt inquiétant).

Il n’en faut pas plus pour qu’à nouveau les alpinistes tourmentés par leur rêves de faces nord laisse libre cours à tous leurs fantasmes ascensionnels… 2 coups de fils plus tard et nous v’là au téléphérique de la Meije avec Ju en train de charger nos gros sacs d’un maximum d’objets que nous supposons utiles pour les 5 jours qui viennent. Le programme est simple, limpide : enchaîner la face Nord de la Meije et la face NO de l’Ailefroide par 2 voies peu parcourues, probablement jamais en hiver :  Salsa pour 3 étoiles (ouverte par Alain Rougier et Pascal Tanguy en 1985) et le Pilier des Temps Maudits ouvert en 2 temps par Arnaud Guillaume et Pascal Dauger (juin et octobre 97) .

Le trip démarre par une très difficile montée en téléphérique, moyen de locomotion très rare dans nos contrées. La vue sur la Meije est parfaite, on essaye de comprendre par où ça passe mais c’est pas évident, on verra sur place!

On monte jusqu’au Dôme de la Lauze d’où on bascule sur le Vallon de la Selle. Ce magnifique hors piste, souffre un peu sur le haut de la chaleur et du vent… En traversant le plus tôt possible vers la Brêche du Râteau, on réduit au max le déniv’. Nous partons pour 5 jours et déjà, dès les premiers mètres de déniv’,  les jambes sont lourdes… Que se passe-il?

La montée à la Brêche est en neige sauf un court passage en rocher. De l’autre côté ça descend ski au pied. On prend le raccourci qui coupe à flanc en direction du Promontoire, 400m d’économisés. Pas très difficile mais bien exposé… Après cette longue trav’ à flanc on repaute pour 200m jusqu’au refuge… On monte comme des tortues, croulant sous le poids de nos carapaces, en plein cagnard. Même l’escalier du refuge sera gravit en 2 temps! Ca commence bien!

Personne au refuge qui n’a pas été visiblement fréquenté depuis un petit moment. C’est le pied ce Promontoire qui se dore au soleil jusque tard dans la soirée… On est bien! Quelques godets de génep’ nous font presque oublier ce qu’on fout là! On se couche tôt car le réveil va être torride demain à 2h30! Brrr.

La suite…

Pic Sans Nom – Voie Cambon-Francou

Pic Sans Nom – Voie Cambon-Francou

Après toutes ces tempêtes de beau temps et l’insolente douceur qui s’est emparée de nos latitudes ces temps-ci des graines de projets n’ont pas manqué de germer dans nos jardins intérieurs (pfff, ça commence fort!).

Le plus dur dans les projets d’envergure c’est de réunir tous le panel de conditions : celle de la montagne, de la météo et surtout des humains qui s’y jettent ! Déjà faut-il qu’une cordée se constitue ! Après moult coups de fils aux habituels, c’est l’échec… Personne. C’est finalement Tom qui m’appelle juste avant que je le fasse avec les mêmes projets. C’est beau ça ! Comme il a pas neigé depuis un bail dans les Alpes du Sud, on opte pour une face rocheuse et comme on en veut une bien paumée, on choisit le Pic sans nom par la voie Cambou – Francon. Bigre !

Après un chaleureux we dans le Sud de la France avec des apéros à rallonge et des séances plages et sable fin, changement radical de style donc !

Comme disait si bien je sais plus qui, Cambon je crois d’ailleurs, « une hivernale c’est avant tout un putain de gros sac ! ». C’est vrai. A 7h à notre rdv au tunnel de Pelvoux, on déballe tout ce qu’on doit embarquer dans nos modeste 35l de sac à dos. Boudi ! Il nous faudra une bonne heure pour boucler le tout !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Une hivernale c'est avant tout un putain de gros sac!

Mais une hivernale au Glacier noir c’est aussi « une putain de longue approche » ! D’abord bien bavards, on plonge petit à petit dans la méditation…. Après quelques heures de ski enfin le Pic sans nom est en vue. Waaah ! C’est magnifique là bas en hiver, on se sent loin ! A force d’avoir le nez fourré dans les topos on finit par tout relativiser : la face paraît pas si grande que ça, il n’y a pas tant de longueurs dures que ça, là ça devrait bien roulé… Une fois au pied, le projet reprend toute sa dimension. On regarde la taille de sa main comparé aux 1000m de face. Ca va en faire des mouvements pour se hisser tout là haut avec tout notre barda !

Notre objectif pour ce premier jour d’approche est de bivouaquer au dessus de la première dalle en 6a en franchissant la dalle avant la nuit. Nous franchissons d’abord le premier ressaut par un placage de glace sympathique.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Placage de glace pour passer le premier ressaut

Nous attaquons la face vers 16h par un fourvoyage en beauté ! On part du bon endroit mais je tire trop vers la droite attiré par une belle ligne de faiblesse qui se révèle être la voie du souvenir…

Pic sans Nom - Cambon Francou - A l'attaque de la voie

Ca commence bien ! Une heure de perdue… Nous nous retrouvons de nuit dans la fameuse dalle ! Le premier grimpe en chaussons et le second en grosses. C’est notre stratégie ! Ben c’est pas du gâteau en grosses cette dallouse… Pas facile non plus pour le premier même en chaussons avec la nuit et les protections qui s’éloignent ! Bravo Tom! Vers 20h30 nous gagnons le pied du dièdre. Niveau bivouac on a rien vu d’extraordinaire… Où nous sommes il y a de quoi « dormir » assis et faire fondre de l’eau à l’abri d’éventuel chute de morceaux de Pic sans Nom. C’est pas Byzance, c’est pas le goulag non plus… La longue danse du bivouac démarre. Tout attacher. Ne rien faire tomber. Faire de l’eau. Ne rien faire tomber. Faire de l’eau. Terrasser. Et encore de l’eau… Mais qu’il est mou ce réchaud ! Il a un souci c’est clair ! On se « couche » vers minuit bien motivé par ce qui nous attends le lendemain. J’ai une place assise côté hublot. Tom aussi, mais il n’est calé que par les sacs et la corde, sorte de hamac improvisé!

Pic sans Nom - Cambon Francou - Yeap!Pic sans Nom - Cambon Francou - Bivouac mono-étoile

Chacun part dans son monde. Toujours étranges et fascinantes ces nuits de bivouac. Le temps se distord complètement et sans dormir vraiment on s’abandonne à une sorte de rêve éveillé entrecoupé parfois de bien réelles réalités comme ce caillou indélogeable qui martyrise inlassablement mon postérieur !

Ce long moment hypnotique prend fin à 5h30… Allah wakbar ! On y va ! Le temps de faire quelques pas de danse et à 7h nous attaquons la varappe. Pour simplifier les manips, nous grimperons par blocs de longueurs, le premier en chaussons et sans sac et le second en grosses avec un sac. Le deuxième sac est hissé.

J’attaque par une première longueur de 50 mètres splendides. Un beau dièdre en 6a bien protégeable avec un passage plus dur au milieu (6c) protégé par 3 pitons.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Le dièdre dément en 6a/A1 (ou 6c)

On s’en échappe par la droite pour aller faire relais au pied d’un deuxième dièdre. Un régal malgré des onglées qui nous font bien jongler, la grimpe à main nue simplifie bien la tâche ! Revers de la médaille de notre stratégie : le hissage… Toujours parfait dans la théorie, toujours très chiant dans la pratique.

Deuxième longueur du jour, un splendide dièdre oblique de 40m, plein gaz et un bout de traversée vers un pilier. Complètement mystifiant ! Ca grimpe pas mal quand même peut être 6a+. Tout ça évidemment est très sympathique pour Tom qui avec un sac bien encombrant et en grosses savoure !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Le deuxième dièdre en 6a+

Dans la longueur suivante, qui traverse pas mal, le hissage devient niveau bac +8 et on perd pas mal de temps. Mais on s’en sort.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Dans un V+, la raideur est au rendez-vous

Pour les 100m suivants, on abandonne la stratégie, on porte un sac chacun. Une longueur de 5 et une rampe facile et nous v’là non loin de la deuxième section clé : une fissure cheminée de 80m. Il est 11h45, on s’octroie une bonne pause et on inverse l’ordre de la cordée.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Sommet en ombres

La raideur de la paroi à cette endroit de la face est renversante ! La voie emprunte la seule faiblesse, partout autour c’est vertical et compact ! Dans la fissure cheminée, il faut bien s’employer et ça protège un peu moins bien qu’en bas. Pour faciliter le hissage, on fractionne les 80m en trois longueurs. Bien exigeante pour tous les deux cette section mais on se régale, c’est classe !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Accalmie dans la grimpe, on profite du cadre!

Pic sans Nom - Cambon Francou - Dans la fissure cheminée de 80m, ça grimpouille!Pic sans Nom - Cambon Francou - Et c'est plus délicat à protéger

Il est 15h et les plus grosses difficultés techniques sont derrière nous… On arrive bientôt dans la transition entre le granit et le gneiss ou la face devient moins raide, ça devrait rouler un peu plus. On rejoint un système de goulottes et de pente de glace qu’on ne quittera presque plus jusqu’à l’arête .

Pic sans Nom - Cambon Francou - Dans les longueurs mixte du haut

Le fumage de mollet est en marche. Les pentes de glace c’est vraiment l’horreur ! C’est monotone et ça rame ! Au milieu, un passage en rocher me cause un peu de souci. Bonne idée d’avoir oublié les pitons dans la seule longueur où ils m’aurait vraiment servi ! Brrr !

Au dessus, c’est glace et encore glace en traversée ascendante… usant.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Supplice mollesque

Pic sans Nom - Cambon Francou - Fusion des mollets

La nuit nous attrape. Une dernière longueur de mixte en traversée et nous rejoignons l’arête… ainsi qu’une petite terrassounette propice au bivouac. Il est 20h, l’heure de la traditionnelle danse du bivouac. Le confort augmente légèrement ce soir, on est presque allongés mais avec des gros cailloux comme matelas. Par contre ça manque un peu de place et nous testons là la parfaite cohésion de la cordée, tout mouvement d’un des membres de la cordée ayant immédiatement un impact sur l’autre…

Pic sans Nom - Cambon Francou - Dodo!

Le réchaud est toujours aussi peu performant. A 22h s’en est assez, on a pas assez bu mais on est dézingué, donc dodo. La longue rêverie reprend. Nombreux regards à la montre. Regards perdu dans les étoiles. Regards intérieurs aussi. Un bout de sommeil profond. Du dialogue intérieur à nouveau et des airs à la con qui tourne en boucle dans le cerveau… Pas besoin d’Ipod…

5h30. Extirpation du sac très douloureuse. Il fait quand même bien froid ce matin !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Larve en voie de métamorphose

Je récupère un sac de neige et replonge dans ma couche pendant que Tom se charge de faire fondre le tout. 1h30 pour 2 litres, quand la vitesse vous manque! Plongés dans nos pensées, on contemple l’illumination des Ecrins et du Mont Blanc aux lumières du levant. Je suis heureux d’être là à vivre ce petit moment d’extase.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Réveil féerique!

Pic sans Nom - Cambon Francou - Waaah...

Pic sans Nom - Cambon Francou - La Barre se dore déjà au soleil

Vers 8h, après la danse du pliage de bivouac, on attaque. Aujourd’hui, il ne reste « que » 300m d’arête et la descente. Un pas bien corsé m’accueille à la sortie du bivouac dans la froidure matinale pour contourner le premier ressaut. Ensuite, on reste tout le long proche du fil de l’arête avec des passages de toute beauté.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Sur l'arête bien classe

On savoure le panorama qui se dégage petit à petit. A notre droite les 500m verticaux de la face NW du Pic sans nom sont vraiment impressionnant. Nous remettons les crampons 50m sous le sommet…

Pic sans Nom - Cambon Francou - Summit en vue

Pic sans Nom - Cambon Francou - Yihah!

Vers 11h nous nous échouons bien heureux sur le mini-dôme neigeux du Pic sans nom. La joie explose ! Les pensées pour pleins d’êtres chers vivants, disparus ou pas encore nés m’envahissent… Petit coup de téléphone pour rassurer la vallée. On est au soleil là haut avec un bon sandwich et on savoure ce moment que l’on sait unique. C’est vraiment trop bon de pouvoir en profiter et ne pas fuir sitôt arrivé le sommet si difficilement atteint !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Les compères, heu-reux!

Davaille ! Il est 12h, c’est pas qu’on est mal ici mais on a encore un peu de pain sur la planche. La descente jusqu’au sommet du couloir NW est vite avalée puis on engage la descente du couloir par un mixte entre rappel (sur lunules surtout) et désescalade.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Couloir NW, pas skiable...

Pic sans Nom - Cambon Francou - La face NW du Pic sans nom

Sous les 2 couloirs, un rappel nous sera encore nécessaire pour passer une raide section de glace. Une petite demi-heure de marche et nous sommes aux skis vers 17h, dans un état de lyophilisation bien avancé !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Récupération des skis

Si pour moi, l’arrivée au ski sonne un peu comme la fin des difficultés, il n’en est pas de même pour Tom qui a opté pour des skis d’approche… Passons les détails, une paire de skis d’approche est à vendre ! Nous arrivons à la voiture à 19h30… On enfourne tout le barda dans les voitures et on se vautre dans le premier bistrot que l’on croise. Le serveur n’en revient pas de voir deux gars siffler deux tournées de coca en 3 minutes !

Bien atomisés, nous reprenons chacun la destination de nos doux foyers où les bivouacs sont quand mêmes plus confortables, la compagnie plus féminine et l’eau déjà fondue !

Merci Tom pour cette belle aventure et merci à Robin pour les infos sur la voie. Voici le topo de Robin Revest (photo prise en été 2011)

Pic sans nom - Le topo de Robin Revest - Juillet 2011

Pour ceux que ça intéresse :

– la voie Cambon Francou est un itinéraire magnifique et très complet. La première partie réserve de beaux morceaux de grimpe bien protégeables dans une ambiance bien gazeuse. La deuxième partie, que nous avons trouvé surtout en glace offre de beaux petits passages en goulottes. Un peu de neige dans ces passages soit permettre de gagner pas mal de temps et de jus! Enfin le dernier bout d’arête est de toute beauté avec des passages qui grimpent encore (5a max)…

– nous avons vu quelques chutes de pierres dans la face mais rien d’alarmant. Par contre il est clair que vu la structure de la partie sommitale, un iso bas ou un enneigement suffisant de la partie sommitale est indispensable pour aborder la face dans de bonnes conditions de sécurité.

– nous avons grimpé avec un brin de joker (60m) et un brin de ice line qui nous servait de brin de hissage et de corde de secours. Le premier en chaussons et le second en grosses.

– en matos : on avait 10 pitons variés, on en a mis deux et pas dans la même longueur. 2 lames et 2 cornières sont suffisants. Un jeu de camalot complet du 000 au 2 en doublant 2 ou 3 petites tailles. Etrier inutile. On avait 5 broches, 8 auraient été mieux pour gagner du temps dans le haut. Crochet abalakov pour la descente.

– timing : sur les 3 jours, nous avons grimpé environ 20h avec un bon fourvoyage de 1h le premier jour et des petites galères de hissage bien chronophages (probablement 2h30 de perdu). Les pentes de glace nous ont pris aussi beaucoup de temps. La descente nous a pris 5h du sommet aux skis.

 

 

Cervin – Face Nord – Voie Schmidt

Cervin – Face Nord – Voie Schmidt

Et voilà ! Ce qui devait arriver arriva : après un beau passage perturbé et un violent anticyclone, les faces nord sont en conditions. Classique créneau du mois d’octobre que nous sommes nombreux à guetter…

Ayant eu vent d’une répétition de la voie Bonatti en face Nord du Cervin, apparemment en bonnes conditions, l’idée de gravir le Cervin par la voie historique des frères Schmidt n’a pas mis longtemps à germer dans mon petit esprit d’alpiniste tourmenté… Le créneau semble se maintenir plusieurs jours encore… Un petit message à Jibé qui guide un client au Mont-Blanc le we : « Rappelles dès que tu peux, j’ai un projet qui devrait te plaire! » et en attendant sa réponse, je pars à la collecte d’informations sur cette voie. Après quelques recherches peu fructueuses coup de bol! Des connaissances viennent de parcourir l’itinéraire… Un coup de fil et nous voilà armés d’un topo bien détaillés et plein de bons conseils !

Jibé descendu de son Mont-Blanc ne met pas plus d’une demi seconde à s’enthousiasmer pour le projet. Affaire conclue, on part au Cervin !

Pour l’approche, nous faisons l’impasse sur la richissime capitale de l’alpinisme Suisse et ses nombreuses remontées mécaniques : Zermatt. Rouler 5h, payer un parking, prendre un taxi, monter dans une benne à 50€… Tout cela est beaucoup trop pour nous modestes haut alpins. N’existe-t-il pas un autre moyen de rejoindre la Hornlihütte ? Après quelques recherches, une option bien plus convenable nous apparaît : nous partirons côté italien par le Valtournenche depuis la station de Breuil-Cervinia, nous rejoindrons le bivouac Bossi au pied de l’arête de Furggen et par une grande traversée sous la face est du Cervin nous joindrons la Hornlihütte…. 4h de marche au programme contre 1h côté Zermatt mais 4h de route économisée aller retour, c’est pas mal !

Nous voilà donc en début d’après midi au pied de la face sud du Cervin, probablement un des plus esthétique tas de caillou des Alpes et du monde, un des plus connus en tous cas c’est sur : Paramount pictures et Toblerone n’y sont pas pour rien !

Cervin - La face Sud, côté italien

Cette pyramide parfaite, élancée, bien individualisée au milieu des sommets du Valais domine toutes les Alpes… Le Cervin illumine par sa beauté. Malheureusement cette beauté dissimule un terrible secret : dès lors qu’on y regarde d’un peu près, on se rend compte que les dieux du beau rocher ne se sont pas penchés sur le berceau de cette montagne. Les finitions ont été bâclées. Dommage ! Mais voilà au moins un sommet qui fait ensuite apprécier les courses sauvages des Ecrins…

En 3h de ballade nous gagnons le col de Furggen et par un petit bout d’arête facile le bivouac Bossi au pied de l’arête de Furggen ou Furggengratt comme qui disent ceux de là bas. Cette arête est la plus difficile des quatres arêtes du Cervin. A tel point que pour résoudre ce « problème », la partie haute a été d’abord descendu en rappel avant d’être remontée par les premiers ascensionnistes…

En allant vers le bivouac Bossi, j’échappe de peu à une tragédie, cocasse certes mais non moins tragique. Alors que nous sommes tout proche du bivouac, sur une arête très facile mais bordée par deux précipices, nous repérons un chamois quelques mètres devant nous en plein sur l’arête. Il ne semble pas très vif le bestiau. Nous continuons à avancer vers lui pensant qu’il finira par détaler comme tous les animaux de cette race, on y prête guère d’attention. Jibé reste sur l’arête tandis que je passe en contrebas pour m’éviter un facile pas d’escalade (feignant en plus). Soudain dans mon champ de vision apparaît un élément insolite. Je ne mets que peu de temps à comprendre qu’il s’agit du chamois, qu’il n’a plus de contact avec la terre ferme et que sa trajectoire en quasi chute libre imposée par l’implacable loi de la gravité de Newton croise la mienne au point exact où je me trouve. Je vais pas me prendre un chamois sur la gueule quand même ! Dans un réflexe animal je fais un grand bond de cabri pour éviter le kamikaze qui percute une fois ou deux le rocher et finit par se rétablir avec visiblement une patte HS. Il finira sa fuite désordonnée dans le précipice, j’espère qu’il est mort sur le coup ! Quand à moi, je suis bien heureux que ma vie ne ce soit pas achevée dans ces conditions. C’eût été original comme fin mais une fin quand même…

Pour rejoindre la Hornlihütte, nous descendons une courte pente de glace à 45° sur 50m et prenons pied sur la partie haute du Furgggletscher. Aucune difficulté jusqu’à la cabane du Hornli mais une exposition maximale au sérac de la face est pendant une minute (en courant)…

Cervin - La traversée sous la face Est, vilains séracs!

Nous arrivons à la cabane en passant d’abord par le camping. Beaucoup de monde bivouaque. Je dis à JB : « Franchement, les gens qui bivouaque à côté d’un refuge non gardé, moi j’applaudis! ». Nous ne tarderons pas à comprendre pourquoi tout le monde à son duvet et son tapis de sol…

Par ces belles conditions, il y a du monde à la cabane… nous nous installons dehors pour cuisiner les bons petits plats que l’on a acheté dans une supérette italienne… Horreur ! Chaque portion demande 15min de cuisson et 500ml d’eau… On est parti avec très peu de gaz et il n’y a pas d’eau autour du refuge ! Il y a plus approprié comme nourriture… A force de laisser tremper, notre tambouille devient comestible. Les deux suisses-allemands qui mangent d’appétissantes saucisses juste à côté de nous rigolent en voyant nos grimaces…

Un camarade de promotion descend de la face nord et nous apporte des infos de toute première fraicheur et un peu de gaz. C’est tout bon ! Merci Guillaume et bravo pour la trilogie.

Au moment d’aller se coucher, nous comprenons que la Hornlihütte si elle brasse des milliers de personnes (et de k€) en été est très spartiate et dégueulasse hors saison. Bien qu’en début de saison non gardée, un gros tas de détritus s’entasse déjà dans un coin du refuge. Le local d’hiver est conçu pour 15 personnes, 15 matelas, 15 couvertures par une de plus ! Donc une place pour les 15 premiers, après c’est le plancher et la tête sur le sac… Evidemment tout est réservé depuis belle lurette. Nous voilà bien cons ! Par un grand coup de bol et une très noble attention de la part de deux alpinistes grecs avec qui nous avions sympathisé nous obtenons un matelas et une couverture pour nous deux. La nuit va être torride !

Cervin - Ambiance féline à la Hornlihütte, grrr!

2h : « hein ? qu’est-ce qui se passe ? C’est quoi ce bordel ? Ah putain pas la lampe dans les yeux! ». 3 alpinistes mettent un joyeux bordel en cherchant leurs affaires aux quatre coins du refuge à grand coup de frontales.. Sympathique… On avait prévu de se lever « tranquillement » à 3h. Vers 2h30 on craque, c’est trop le bordel. Allez on se lève !

3h05 : zou, c’est parti. Nuit noire, pas de lune. Il ne fait pas froid.
3h40 : on est au pied de la barre qui donne accès au glacier suspendu. La corde fixe bien fine pendouille au dessus de la rimaye dans un mur vertical de 10m. Pas très engageant. On se bouscule pas pour attaquer. Finalement c’est Jibé qui s’y colle !

Cervin - Voie Schmidt - La corde fixe : comme réveil matin c'est pas mal!

Après ces 10m, on traverse sur la droite puis on remonte 80m à 50° à glace avant de prendre pied sur le glacier. On traverse un long moment sous la face nord quasiment jusqu’au départ de la voie Bonatti avant de revenir sur la gauche. Ce large crochet est rendu obligatoire du fait de la présence de grosses mémères dont les glaciers suisses ont le secret.

4h50 : nous passons la rimaye pour attaquer les 300m de pentes qui débutent la voie. Les conditions sont bonnes : neige polystyrène, bonne trace, nous évoluons rapidement jusqu’au pied de la rampe. Grâce aux indications que nous avons, nous savons qu’il ne faut pas s’engager tout de suite dans la rampe mais traverser d’abord 25m puis monter en direction de la rampe. Nous tirons à corde tendue dans la rampe sur environ 100m.

Cervin - Voie Schmidt - Dans la rampe, ça gambade!

L’escalade dans cette goulotte de glace n’est pas difficile dans ces conditions. Quand c’est sec ça doit pas être la même ! Pitons et relais par ci par là. Jibé prend le relais dans le haut de la rampe après avoir traversé une partie sèche, on quitte la rampe qui se raidit et s’assèche (relais au milieu).

Cervin - Voie Schmidt - Encore quelques mètres et on quitte la rampe

Je pars en traversée vers une épaule de neige où il y a un piton puis continue de traverser avant de remonter droit dans une goulotte avec un passage de mixte au milieu et à la fin. Un relais m’attend, c’est parfait. Grande longueur de 80m. J’ai la lambada dans la tête, ça craint.

Cervin - Voie Schmidt - Passage mixte à la sortie de la "goulotte"

Du relais on a une très belle vue sur l’échappatoire qui mène à la cabane Solvay. Le bas est en excellentes conditions mais le haut est tout sec. Une cordée s’est fait treuillée il y a deux jours en voulant s’échapper. Peut être un échappatoire plus difficile que la voie?

Cervin - Voie Schmidt - L'"échappatoire" vers Solvay bien fourni mais très secs dans le haut!

Jibé repart en traversée horizontale sur 20m avant de monter droit jusqu’au pied de la cascade de glace. Avant d’arriver au relais, 3m de mixte pimente un peu la longueur.

Cervin - Voie Schmidt - Grande traversée pour rejoindre la "cascade"

Encore une belle longueur de 75m ! On avance bien, ne rencontrant aucune difficulté notable. On s’attend toujours à tomber sur un os… je pars dans la cascade avec un court passage presque vertical. Lorsque la cascade devient fragile, je traverse à l’horizontale à droite sur 30m. Relais en bout de corde (50m) mais toujours pas de grosses difficultés. Tant mieux !

Cervin - Voie Schmidt - Jib dans la "cascade"

L’ambiance face Nord est au rendez-vous, le froid en moins.

Cervin - Voie Schmidt - Une belle ambiance!

Ensuite Jib bascule derrière l’éperon qui borde le relais et remonte une large goulotte qui finit en cascade de glace. On s’échappe vers la droite au moment où la goulotte devient cascade par du mixte facile. Relais sur broche.

Cervin - Voie Schmidt - La deuxième "goulotte" et Jibé à droite sur l'éperon

J’ai toujours la lambada dans la tête. Encore 30m dans des pentes de neige et glace puis débute 150m de louvoiement dans des placages de glace entrecoupés de courts passages rocheux.

Cervin - Voie Schmidt - Dans les placages mixtes du haut, faut louvoyer!

On remonte en ascendance vers la droite. Rien de difficile mais il faut bien choisir son passage. On croise deux goujons tout neufs et un sous pull pris dans la glace. Traces d’un secours ? Ensuite nous rejoignons l’arête de Zmutt et le soleil. Nous avalons les 100 derniers mètres de l’arête de Zmutt en cavalant !

Cervin - Voie Schmidt - Jib en finit avec l'arête de Zmutt

13h10 : Yihhah ! Arrivée au Cervin italien pour la première fois pour nous deux ! La joie explose ! On savoure pleinement pendant plus d’une heure le bonheur d’être là haut (seuls!) suspendus au dessus des Alpes. Il fait bon. La vue est exceptionnelle, on voit très bien les Ecrins ! On va quand même jusqu’au Cervin Suisse à 5min de là, plus haut de quelques centimètres.Cervin - Voie Schmidt - Arrivée au sommet!

Cervin - Voie Schmidt - Los gringos

14h15 : on s’est bien détendu. L’euphorie a laissé place à un sentiment de plénitude. On resterait bien là haut… Je n’ai plus la lambada et je pense à ceux qui me savent ici et qui s’inquiétent surement un peu. J’enverrais bien un petit texto mais le téléphone ne passe pas. quel scandale! La longue descente qui nous attends nous oblige à se reconcentrer. De 4478m jusqu’à la voiture à 2000m, ça nous fait un bout de chemin. Pour la descente, c’est l’arête du Lion qui a notre faveur. Nous ne savons pas du tout si c’est plus court que la Hornli mais ce qui est sur c’est que c’est au soleil, que c’est du côté de la frontière où nous avons la voiture et que si l’on doit redormir en montagne tout mais pas la Hornlihütte! Comme la Hornligratt, la cresta del Leone est très équipée. Dans les parties non équipées, c’est difficile de se perdre, il suffit de chercher les traces de crampons. De toute façon on et jamais bien loin de l’arête. Le plus dur est d’arriver à tenir les cordes fixes, câbles, chaines et échelles qui aident à descendre les passages les plus raides.

Cervin - Voie Schmidt - L'échelle Jordan à la descente de l'arête du Lion

16h : nous voilà au refuge Carrel où nous avions envisagé éventuellement de dormir si nous sortions tard. Rien à voir avec la Hornlihütte : le refuge est super clean avec un grand dortoir pour 20 personnes. Moins de 10 personnes ce jour y dorment. Nous faisons une petite pause dans ce lieu exceptionnel suspendu entre la Suisse et l’Italie avec un panorama exceptionnel sur la Dent d’Hérens et le groupe Dent Blanche – Weisshorn… On replonge ensuite sous le refuge dans une nouvelle courte succession de verticaux cordages. Fin des difficultés mais nous sommes à 3700m, la descente est loin d’être terminée. Entre le refuge Carrel et le refuge du Duc des Abruzzes ça ne déroule pas du tout. Eboulis mal calibrés, désescalade facile, chemin caillouteux : on ne peut pas laisser l’esprit vagabonder… On passe prêt d’un glacier suspendu (en état de mort apparente, le malheureux vit ses derniers instants) et le glou glou de l’eau nous rappelle que nous avons très soif. Petite pause soupe d’une demi heure bien regénératrice. Vers 18h30 nous atteignons le refuge du Duc des Abruzzes. Une piste monte jusque là. Secrètement on espère pouvoir faire du stop jusqu’à Breuil… pas de voiture finalement mais encore une heure de marche à bon pas sur un chemin nettement moins exigeant qu’auparavant. On peut mettre le pilote automatique.

19h30 : retour au camp de base, une petite twingo.
19h31 : chaussures sacs et fringues enlevées
20h : pizzeria trouvée
20h05 : bière avalée
20h30 : pizza engloutie
23h15 : Briançon atteint !

Un bien beau voyage dans cette voie historique finalement pas très difficile lorsqu’elle est en bonnes conditions. Attention en cas de sécheresse de certains passages, il ne faut pas trop miser d’espoir dans le caillou ! Merci Jibé et aux divers comparses pour leurs infos.

Et surtout un gros coup de chapeau aux frères Schmidt qui ont ouvert cet itinéraire le 31 et le 1er août 1931 résolvant par là le premier des trois derniers grands « problèmes » des Alpes (face nord des Jorasses, de l’Eiger et du Cervin). Après un bivouac au 2/3 de la face, il sortirent dans la foudre et la tempête avant de redescendre par l’arête du Hornli jusqu’àau bivouac Solvay où lemauvais temps les bloque encore deux jours… Pour donner une idée des bonshommes, il faut savoir qu’ils étaient partis de Münich à vélo avec tout le barda de montagne sur le dos!

Eperon Frendo

Eperon Frendo

Journée en deux temps aujourd’hui!

Premier volet : l’éperon Frendo en face N de l’aiguille du midi avec Manu, Antoine et Tibo. On part à la deuxième benne…  Avec les chaleurs annoncées aujourd’hui, l’idée est de ne pas trop trainer pour avoir les moins pires conditions dans la partie neigeuse de l’itinéraire ! C’est donc un véritable sprint vertical qu’on entreprend dans cette très belle classique. Finalement on sort sur l’arête sommitale à 13h, 4h30 après avoir franchi la rimaye et avec la gorge un peu sêche!

Deuxième volet : à peine remi de notre petit footing matinal, Hughes me propose un petit saut en parapente biplace depuis le Plan de l’Aiguille. C’est mon baptême de l’air! La sensation au décollage est hallucinante : j’ai vraiment l’impression de me faire arracher à la terre! Après une petite ballade au dessus du Glacier des Bossons et au pied des aiguilles de Cham, Hughes me fait un petit cours de pilotage avec Chamonix sous les pieds. Deux trois acrobaties plus tard, c’est l’atterissage… Je suis un peu retourné du ventre mais bien heureux d’avoir vécu ça. Encore un grand merci Hughes!

Goulotte Chancel Molinatti – Pic de Bonvoisin

Goulotte Chancel Molinatti – Pic de Bonvoisin

Après quelques temps « loin » des montagnes, il est temps d’aller faire un petit tour là haut pour se remettre en forme. Seb est motivé comme toujours. Les idées de projets ne manquent pas mais qu’est ce qui peut être le plus judicieux en ce moment?
On tombe d’accord pour aller faire un petit tour dans le vallon des Bans où en mars 2010 on avait pris un but implacable dans Ca renfougne, une goulotte du versant Sud des Bans qui ce jour là ne renfougnait pas du tout (neige inconsistante). Nous étions montés là haut au prix d’une abominable marche d’approche dans le vallon d’Entre les Aygues, fermé au Villard, donc très loin!

Scénario beaucoup plus tranquille cette fois ci puisque la route est ouverte jusqu’au parking d’été. Nous avons en projet de gravir la Chancel Molinatti au Pic de Bonvoisin, une goulotte naguère classique, apparemment moins fréquentée aujourd’hui (ça reste à vérifier). Cette goulotte présente comme Ca renfougne aux Bans la particularité de n’être visible qu’au tout dernier moment, une fois au pied. Le premier jour quand nous arrivons au refuge, nous n’en savons donc pas beaucoup plus sur nos chances de réussite! Le suspens est entier…

Après une après midi et une nuit royale au refuge des Bans, rien que pour nous, nous partons au petit jour pour les 1000m d’approche qui nous séparent de la Chancel Molinatti. La neige porte bien, tant mieux d’ailleurs puisqu’on est à pied.

Jusqu’au dernier moment, la Chancel Molinatti se dérobe à nos yeux.

8h : nous atteignons le pied de la goulotte. Le constat au premier coup d’oeil n’est pas des plus optimistes. La deuxième longueur parait en neige inconsistante. Nous montons voir quand même pour examiner ça de plus près.

La première longueur est vite avalée par Seb, alternant glace facile et pentes de neige.
Nous voilà au pied du mur qui effectivement n’a pas l’air très consistant. Finalement ça passe après moult nettoyage pour trouver des protections correctes (sur camalots). Mais un pas reste bien obligatoire à la sortie du crux, ambiance ramping vertical! Je fais relais après ce passage. Seb fera le sanglier encore sur 5-6m au dessus avant d’atteindre un couloir en neige.

Longueur 3 : très belle petite longueur en glace et mixte facile. Nous sommes partis sur la droite. En excellente conditions ça doit passer à gauche aussi.

Longueur 4 : pentes de neige avec un court mur mixte

Longueur 5 : une belle longueur de glace, difficile dans le conditions où on l’a trouvé. 5+, fragile.

Cette dernière longueur marque a fin des difficultés. De là il est possible de redescendre la voie en rappel, les relais sont en place (pitons). Mieux vaut prévoir de changer les ficelous!

Pour nous aujourd’hui, l’issue est vers le haut. Aucun de nous n’a encore gravi le Pic de Bonvoisin et nous sommes motivés. De la fin des difficultés, nous avons bifurqué dans un couloir à gauche au lieu de continuer droit vers la brêche. Cela nous a permis de rejoindre la face NE (voie Constant). Par une pente de neige et et une 20aine de mètres de mixte facile nous débouchons sur l’arête sommitale du Bonvoisin. Le point culminant n’est pas très marqué, un point légèrement plus élevé sur cette arête plate (mais très esthétique avec la neige). Nous savourons…

Pour la descente, nous optons pour l’option versant SE qui nous parait la plus directe et la plus sure aujourd’hui. Du sommet nous empruntons sur 10m l’arête à main droite (SE) qui donne sur un couloir. C’est ce couloir que nous avons descendu d’abord en désescalade (45° et court passage à 60° en glace) puis à la fin en deux rappels (60m sur becquet et 15m sur piton) pour prendre pied sur un large névé. A l’extrémité S du névé, en remontant un peu, un rappel de 40m nous dépose dans un couloir qui permet de faire la jonction avec le glacier des Bruyères.

De là, on descend rapidemment jusqu’au refuge, sur les fesses en mode luge. On arrive au refuge à 19h, comblés par cette belle petite journée… Il nous reste de quoi faire un bon gueuleton ce soir et du gaz. Le refuge est toujours aussi désert : redormons là!

Ouverture à la tête Sainte Marguerite

Ouverture à la tête Sainte Marguerite

Le 6 mars 2011

Vallon du petit tabuc, 7ème!

Décidemment cette année je suis aimanté par ce coin! C’est donc pas un hasard si à force d’y trainer mes guêtres, le nez toujours fourré en l’air à regarder les montagnes, une ligne m’est soudain apparue évidente.

Et il aura pas fallu longtemps à Sylvain Audibert alias Pascal, de passage dans le coin, pour se laisser hypnotiser (ha! ha!) par ce sympathique projet.

Le projet consiste à remonter la Compagnie des glaces jusqu’avant la longueur de glace finale. De là bifurquer à droite pour atteindre par des rampes de neige et un couloir la rampe mixte parallèle à la voie qui existe déjà, la Marguerite effeuillée.

Tracé de la Marguerite Défouraillée, nouvelle vois à la Sainte Marguerite

Le tracé de la Marguerite défouraillée (800m, TD+, M4+, IV+)

La voie s’appelle la Marguerite défouraillée et en voici le topo.

Topo de la Marguerite défouraillée

Lorsque nous quittons la Compagnie des glaces, un léger flottement s’installe : la rampe de neige dans laquelle nous espérions gambader s’avère être du mauvais gobelet plaqué sur des dalles. Les 100 premiers mètres prendront une bonne heure, le doute s’installe.

La rampe d'accès

Dans la grande rampe de neige juste avant d'attaquer la session couscous!

Nous sortons heureusement de cette ignoble couscoussière, la neige redevient portante et on avale rapidemment le couloir d’accès à la rampe du haut. Ca nous rebooste!

Le couloir qui mène à la rampe de la Marguerite défouraillée

Le couloir qui mène à la rampe. Pour un peu ça skierait!

 

Le couloir qui bute sur la rampe de la Marguerite défouraillée

La fin du couloir qui nous mène au pied des difficultés

Très bonne surprise arrivé à la rampe : elle est entaillée sur une longueur de corde par une goulotte bien accueillante et très esthétique.

Sylvain en traversée pour accéder à la rampe de la Marguerite défouraillée

Au pied de la rampe

 

Nicolas Draperi dans un des passages difficiles en mixte de la Marguerite défouraillée

Un des crux en mixte de la voie, M4-M5 bien protégeable

Suit une longeur de varappe, un bon IV sup à protéger sur pitons (une cornière laissée en place au début).

Sylvain Audibert, au départ du IV+ dans le haut de la Marguerite défouraillée

Sylvain, au départ du IV+

 

Sylvain Audibert dans la longueur en IV+

Sylvain dans le IV+ au niveau du cornière abandonné!

 

Le relais au dessus du IV+ de la Marguerite défouraillée

Sylvain au relais après le passage en IV+

Nouvelle surprise au départ de ce relais : une rampe facile se dévoile au dernier moment!

Rampe en mixte facile en haut de la Marguerite défouraillée

Rampounette de dernière minute après le IV+

Plus haut une longueur mixte donnera un peu de fil à retordre à Pascal. Nous sommes passés juste derrière ce petit éperon où Pascal pose, dans une partie non visible sur la photo.

 

Traversée dans le haut de la Marguerite défouraillée

Trouverons nous de quoi se faufiler derrière ce mur?

En haut de cette longueur, le couloir de neige à gauche est très attirant!

Nicolas Draperi dans le couloir final de la Marguerite défouraillée

Mais où cela peut-il bien nous mener?

Et nous extrait à peu de frais de la face 50m sous le sommet! Un petit bout d’arête et voili! Une affaire rondement menée!

Il est possible de sortir plus directement et plus difficilement au sommet en allant rejoindre la Marguerite effeuillée, mais c’est peu logique car ça oblige à rechercher la difficulté.

Sylvain Audibert et Nicolas Draperi au sommet de la Marguerite Défouraillée

Les Pascals, une triste cordée

Goulotte grassi, tête Sainte Marguerite

Goulotte grassi, tête Sainte Marguerite

Escapade 100% Lozérienne à la tête Ste-Marguerite avec le Matiou et l’père Antoine avec pour objectif la goulotte Grassi.

Première goulotte pour les deux frangins qui s’en sortirons plus que bien même dans le ressaut Hillary (un bon petit ressaut mixte dans le haut de la goulotte). J’étais pas très inquiet, un Lozérien ça bartasse et ça passe!

Soucieux de rentrer tôt, nous avons opté pour un départ très matinal à 10h du Casset!

Tout s’est super bien goupillé pour les deux gugusses qui randonnent tout le long comme s’ils avaient fait de la goulotte toute leur vie.

Mathieu était là pour s’entraîner avant son départ pour le Népal ou il partait ouvrir le plus grand canyon du monde avec l’Himalayan Canyon team. Apparemment l’expé est une réussite. Chapeau les gars! Faut aimer ça l’eau à 6°C!

En guise de conclusion, ce petit mot de Mathieu : « mais la goulotte c’est juste un canyon que tu remontes et qu’est plein de neige, au fait, hein? »

Hivernale à l’Olan, voie Couzy-Desmaison

Hivernale à l’Olan, voie Couzy-Desmaison

Une hivernale! Berk! Mais pourquoi aller trainer ses guêtres dans une face N froide et austère au coeur d’un massif désertifié?? Et en plus dormir la dedans? Gratuitement? Pour le plaisir? C’est du masochisme!!

Et pourtant, en prenant soin de réunir quelques ingrédients de base, l’expérience hivernale des faces N peut être source d’un véritable plaisir!

Quels sont ces ingrédients?

Tout d’abord prenez un anticyclone indestructible et faite le durer sur plusieurs semaines et automatiquement commenceront à germer dans les caboches d’Alpins des embryons d’hivernales envolées.

Ensuite trouvez (à moi que ce soit lui qui vous trouve) un comparse fiable, relativement entrainé, disponible, motivé, avec qui vous avez déjà vécu de solides expériences et si possible doté d’un minimum de sens de l’humour. Bref un authentique compagnon de cordée!

Faites correspondre vos agendas, prévenez votre compagne… Et le tour est joué!

Avec Seb ces ingrédients étaient déjà tous réunis, ne manquait plus que l’agenda! Et en ce jeudi 3 février 2011, alléluïa! Nous partons!

Faire son sac pour la Couzy desmaison

Rasoir électrique, déodorant, game boy...

Notre choix s’orientera vers la Couzy-Desmaison à l’Olan. Il a neigé quelques centimètres en début de semaine sur l’Est et le Nord du massif et des projets comme la Russemberger au Pic sans nom ou la Devies à l’Ailefroide risquent de devenir d’authentiques galères dans les passages dalleux déjà peu protégeables en été…

A l’Olan, il n’a pas neigé et la face est quasiment verticale sur 500m!

L’approche par le vallon est un vrai régal malgré le poids des sacs… Première visite hivernale de ce vallon pour Seb et totale découverte pour moi, je suis sous le charme…

Au bout d’une petite heure de ski, la face NW apparait à nos yeux donnant soudainement toute sa dimension au projet!

La face NW de l'Olan apparait

Le vallon de Font Turbat barée par L'Olan

Au pied de la face NW de l'Olan

Face NW de l'Olan, un bel assemblage minéral

Le refuge est atteint en trois bonnes heures et sera pour nous seuls ce soir! Le luxe!

Le refuge d'hiver de Font Turbat

Refuge d'hiver de Font Turbat, charmant!

Vendredi 4 février : entrée! une heure d’approche en ski jusqu’à la rimaye et c’est parti pour deux journées bien remplies. L’avantage de la face NW de l’Olan en hiver c’est qu’une bonne partie du socle s’évite par le couloir central.

Ca grimpe quand même au dessus de la rimaye, avec un premier ressaut de glace de 15m pour ouvrir le bal suivi d’un deuxième ressaut d’environ 40m en grade 4. Les broches ne seront pas inutiles!

A la sortie du deuxième ressaut en repartant, alors que je l’assure du haut, Seb se ramasse le contenu d’une baignoire d’eau glacée fourbement retenue par une fine couche de glace. Cette douche froide a bien failli geler notre projet mais après inspection du bonhomme, il semblerait que son caleçon et son tee shirt soit sec, ouf!

On quitte le couloir peut avant qu’il ne bute sur le rocher et l’ascension continue alternant pentes neigeuses et passages mixtes. Jusqu’au pied de la muraille.

Au pied de la muraille de la face NW de l'Olan

C'est au pied du mur qu'on voit le mur

Le début de la muraille se contourne à droite par une « rampe » mixte.

Nico à la sortie du mixte de la Couzy Desmaison

La fin de l'apéritif est proche

Pour la petite histoire nous sommes partis involontairement sans topo, ce qui nous a valu quelques tergiversations très chronophages.

Cette photo par exemple est un flagrant délit de fourvoiement. Nous quittons la « rampe » au pied de la face trop tôt, ce qui me vaudra un petit pendule suivi d’un bon passage athlétique! Il aurait fallu remonter encore la « rampe » et traverser une 50aine de mètres plus haut.

Nico dans une grande traversée mixte

Larguer les amarres dans cet océan minéral

Zoom sur nico dans une grande traversée mixte

Alpiniste en proie à un profond questionnement

Une longueur plus tard, notre coeur balancera encore entre moults options que par pure curiosité scientifique Seb essaiera les unes après les autres! Encore deux longueurs exigeantes et nous accostons sur un névé suspendu dans la face sur lequel du bas nous avions pas mal spéculé espérant y trouver un confortable bivouac. Mixtus, divinité des faces N, nous a entendu, cet endroit 4* sera un des seuls beaux bivouac que nous croiserons dans la face.

Avant de poser le camp, nous fixons une longueur de corde au dessus du bivouac afin d’attaquer au plus tôt le lendemain. Un bon V+ que je prend plaisir à grimper sans le sac!

dernière longueur du premier jour au dessus du bivouac

Dernière longueur du premier jour, le soleil sera pas pour aujou'hui!

Le soleil est tout proche mais nous resterons dans l’ombre toute l’ascension!

Quelques travaux de terrassement plus tard, nous voilà confortablement installés. Petit gueuleton et coup de génépi avant une bonne petite nuit, au delà de nos espérances. Chose relativement incroyable, en réglant le réveil, je m’aperçois que le téléphone capte à cet endroit improbable, alors que j’ai parfois des problèmes de réseau à Briançon…

Seb au bivouac

En voilà un que la milice ne viendra pas déloger!

Samedi 5 février : plat de résistance! La journée attaque au petit jour par la remontée des cordes fixées la veille. De quoi bien se réchauffer! La longueur du dessus grimpe pas mal encore (V) et nous dépose au pied de l’artif. Nous découpons ce passage très aérien en trois petites longueurs.

Seb dans la deuxième longueur d'artif de la Couzy Desmaison

Seb se régale dans l'artif du bas

A la sortie de l’artif, après une grande traversée à gauche, le cheminement n’est pas évident et l’absence de topo nous conduira dans quelques variantes pas évidentes. Avant l’artif du haut de la face, j’ai notamment rendu visite à une fissure verticale, jugée IV+ du bas, qui s’avèrera être un bon VI scabreux où les quelques bacs en place n’attendaient que mon passage pour rompre tous lien avec la roche mère!

Longueur avant l'artif du haut de la couzy desmaison

Flagrant délit de fourvoyage

Cette longueur nous dépose à quelques encablures d’un dièdre bien caractéristique. D’après la gardienne de Font Turbat, un petit éboulement a modifié l’itinéraire. Nous avons grimpé en artif une fine fissure déversante 20m à gauche du dièdre qui débute après une 10aine de mètres en V. A gauche de cette fissure, un ou deux pitons indiquent quelques passages.

Seb se régalera dans cette fissure accueillante pour les camalots, enfin surtout le 0.4, ce qui obligera Seb à le récupérer plusieurs fois. Quelques pitonnages et le tour est joué! Y a plus qu’à déséquiper!

Nico dans l'artif du haut de la Couzy desmaison

Dans la longueur d'artif du haut

Nico plein gaz dans l'artif du haut

Suspendu plein gaz!

Nico dans l'artif du haut de la Couzy desmaison

Un p'tit clou, des p'tit clous, toujours des p'tits clous!

Sortant de l’artif, c’est quand même pas fini! Encore deux braves longueurs (c’est fou comme le V+ en hiver nous parait 7b), à l’itinéraire rusé nous attendent.

La longueur après l'artif du haut

V+ Desmaison certifié conforme

Le vent s’est bien levé durant la journée et refroidit bien l’ambiance. Et le soleil à quelques mètres de nous nous nargue! Toute la face est au soleil sauf nous bien à l’ombre d’un éperon (visible sur la photo ci-dessous : zone d’ombre tout en haut de la face).

La face NW de l'Olan au soleil du soir

Du soleil partout sauf à l'ombre!

Enfin en bout de longueur, Seb goutera le luxe de quelques secondes de soleil, pas volées!

Quelques rochers brisées faciles nous sortent de la face à la tombée de la nuit. Grande joie!

Court moment d’extase… Et bien vite les questions terre à terre reviennent. Qu’est ce qu’on fait? Bivouac ici ou descente? Le vent bien soutenu ne nous motive guère au bivouac et nous attaquons donc la descente par l’arête Nord que en alternant désescalade et rappels. Au hasard de l’errance du faisceau de la frontale nous apercevons de temps à autres des brins de génépis, bien déséchés, comme nous! Enfin, sortis des difficultés de l’arête, nous nous octroyons une bonne pause réhydratation avant d’entamer la descente de la brêche de l’Olan.

Récup des skis sous la rimaye. Un peu de friraillde jusqu’au refuge. Un réchaud qui ronronne. Un poèle qui nous enfume et bientôt on s’échoue sur les matelas pour un repos bien mérité.

Dimanche 5 février : le dessert! Descente du refuge, on regrettera pas les skis! y a plus qu’a se laisser glisser! Il ya même quelques bons virages de poudre à prendre!

Au retour de la Couzy desmaison à ski

Rentrer maison moi

Portrait des lascars après la Couzy desmaison

La cordée : pochtrons ou alpinistes heureux?

Ailefroide Orientale – Marchal Ombre

Ailefroide Orientale – Marchal Ombre

Depuis notre dernière virée avec Seb à la Meije il y a un mois (voir Mitchka – le retour), on s’est bien tourné les pouces tous les deux. L’envie d’une belle virée en montagne nous titille. Seb me propose d’aller faire un tour sur le Glacier Noir plus précisément dans la goulotte Marchal Ombre en face Nord de l’Ailefroide Orientale. La voie s’appelle aussi la Hardy-Parks du nom des ouvreurs. Les premiers répétiteurs, Jean Burgun, Jérome Para et Christophe Moulin pensaient réaliser une première en novembre 2005 en parcourant cette ligne. Le nom de la voie est un hommage à Marchal Musemeci, mort en 2003 dans une chute de sérac vers les Grands Mulets.

Nous ne sommes pas super entrainés, loin s’en faut. Mais on le sait depuis nos précédentes expériences : notre cordée fonctionne, c’est l’essentiel. Ajoutez à cela une bonne dose de curiosité et nous voilà partis, à 3h du mat du Pré de Madame Carle.

Nous remontons la longue moraine du bas du glacier noir en bavardant comme des concierges. Passée la corde fixe du verrou, on accède au deuxième étage du glacier noir, au pied de toutes ces mythiques face Nord. Le lieu en impose, chacun s’enfonce dans sa matinale méditation. C’est à peu prêt là que je me rend compte que j’ai oublié l’appareil photo après avoir dit plusieurs fois à Seb que je le prenais. Dommage.

Passé le pied du Coup de Sabre, nous nous encordons.

La rimaye  à 3200m est atteinte vers 8h après avoir contourné quelques abyssales crevasses. 200m de pentes de neige entrecoupés de quelques courts passages mixtes concluent cette longue marche d’approche. La section difficile ne fait « que » 300m mais quand on voit l’horaire annoncé par Moulin pour la voie (12h), on est forcément méfiant.

J’ouvre le bal. Après une dizaine de mètres faciles en glace à 70°, une traversée en arc de cercle vers la droite nous permet de rejoindre la goulotte à proprement parler. La traversée présente un pas techniquement bien difficile, en dalle (avec les crampons miam, miam!) bien protégeable avec un camalot rouge. Une fois la goulotte rejoint, je fais relais sur deux becquets pour faire monter Seb.

Seb enchaine. Le pas juste au dessus du relais n’est pas commode du tout et demandera à mon acolyte un peu d’acharnement! Il s’engouffre ensuite dans la branche de droite de la goulotte. C’est diablement raide tout ça et ça engage pas mal. Chaque geste est calculé d’autant qu’une courte section présente du rocher moyen. Ambiance sanglier dans un magasin de porcelaine. A la sortie, Seb trouve un bon emplacement de relais sur deux becquets.

Je repars dans une section mixte soutenue et de plus en plus difficile. Je passe du temps à trouver des protections correctes. Tel le bouquetin grattant la neige pour trouver de quoi survivre, je déblaie de grands volumes de neige à la recherche de la fissure qui voudra bien acceuillir un piton ou un coinceur. Travail assez fastidieux mais finalement payant puisque je trouverai au bout d’une demi heure une protection satisfaisante pour me lancer dans le petit pas déversant qui cloture ma longueur.

Au dessus, une très belle petite longueur avec du mixte plus facile. Très classe. A la sortie, Seb fait un relais sur broches, enfin de la glace!

De là je m’engage à gauche dans un passage qui sera bien moins débonnaire que prévu avec un passage demandant de la détermination. Au dessus c’est moins dur mais soutenu. C’est dans cette longueur que je comprendrai que le pied-main, ce geste qui nous ravit si souvent en escalade est à proscrire lorsque l’on porte des crampons. Bilan : ongle sectionné et beaucoup de sang de perdu! Je fais relais sur un piton plus un becquet. Lorsque Seb me rejoint, on fait une petite pâuse infirmerie. Entre le mal de bide de Seb et mes exploits de charcuterie, la trousse de premiers soins n’aura pas été un poids inutile aujourd’hui!

La longueur du dessus fait un grand crochet à droite avant de revenir dans la goulotte.

Encore une très belle longueur de glace puis du mixte facile et nous voilà dans les pentes sommitales alternant glace et neige posée sur le rocher. On arrive à conserver toujours une protection pour la cordée. Sortie à la brêche vers 18h, c’est pas pire. A priori, ce soir c’est dodo au Sélé, pas dehors, tant mieux!

On passe au sommet de l’Ailefroide Orientale et sans s’arrêter, on plonge dans la descente sur le refuge du Sélé. C’est quand même l’inconvénient de ces voies dures : on se pose jamais! Toute cette énergie pour gagner un sommet que l’on s’empresse de fuir (voir pour exemple la Ginat aux Droites, la Colton Mac-Intyre aux Grandes Jorasses, la Couzy-Desmaison à l’Olan, et j’en passe)!

Enfin bon c’est pour la bonne cause. Comme ça on descend les vires de la voie normale d’Ailefroide avec le maximum de lumière.

On connait tous les deux cette descente donc aucun souci. Nous sommes rapidemment rendus au refuge du Sélé où l’on se bricole un repas avec ce que l’on peut pendant que Seb me raconte l’histoire de Pschit qui après l’ouverture de la goulotte éponyme juste à côté de Marshal ombre a rampé jusqu’au Sélé avec une jambe cassée. Il se serait fait une soupe avec les miettes trouvés dans le refuge!

Colton – Mac Intyre – Grandes Jorasses

Colton – Mac Intyre – Grandes Jorasses

Partir en face nord des Grandes Jorasses n’est jamais anodin. D’autant plus lorsque c’est la première fois! Même en ayant déjà réalisé de longs itinéraires en face nord comme par exemple la Ginat aux Droites, l’aura de cette face, monument historique de l’épopée alpine fait que l’on se sent tout petit au pied de cette muraille!

Seb Ibanez, mon joyeux camarade, a déjà visité auparavant les Jorasses par la voie des Slovènes. Pour ma part j’ai fait l’an dernier la traversée Rochefort – Jorasses ce qui fait que je connais la descente sur le versant Italien(c’est un bon point!).

Pour ma première visite dans ce secteur, je n’ai pas trop envie de bivouaquer dans la face. Nous optons donc avec Seb pour un itinéraire « à la journée » (quand tout se passe pas trop mal) : la Colton-MacIntyre à la pointe Walker. L’itinéraire se déroule à droite de l’éperon Walker ouvert par Cassin (un véritable hold-up d’ailleurs : alors que tout le gratin de l’alpinisme tournait autour de cet éperon, les italiens sans connaitre la face réalise la première au nez et à la barbe de tous! mais bon je m’égare).  La Colton-Mac Intyre sort directement à la pointe Walker, sommet des Grandes Jorasses à 4208m.

Au programme des réjouissances, en vrac : deux rimayes, 1200m de face, 250m de goulottes, 550m de pentes de neige-glace, 400m de mixte difficile, une descente sur un glacier chaotique, …

Tracé de la Colton Mac Intyre aux Grandes Jorasses

Tracé de la Colton Mac Intyre

Le topo de la Colton Mac Intyre aux Grandes Jorasses

Voilà pour les présentations.

Comme nous ne sommes pas acclimatés, nous optons pour un bivouac au pied de la face plutôt qu’au refuge de Leschaux. Ca nous permet d’économiser quelques heures de marche et de sommeil pour la longue journée du lendemain.

Le bivouac est posé au pied de la face à une centaine de mètres de la première rimaye. Une tente est déjà là. Seb tente de faire ami-ami avec la cordée Americano – Ecossaise qui bivouaque juste à côté de nous mais n’obtiens en réponse que des grognements à travers la porte de la tente. Le mythe de la convivialité en montagne en prend un coup. Au delà du côté sympathique, prendre contact avec eux nous aurait permis d’organiser un peu la journée : départ commun et partage du brassage jusqu’à la deuxième rimaye. Alors que tout aurait pu se passer dans la fluidité et l’harmonie, la joie et l’allégresse, cette maudite cordée va nous faire une belle démonstration de « savoir pas vivre » en montagne!

Levé à 5h du mat’. Visiblement nos deux anglophones, que nous appelerons Bob&Bob pour les besoins de la communication, n’ont pas encore décolé. Nous nous préparons et y allons. Jusqu’à la deuxième rimaye, on enfonce pas mal, jusqu’à mi cuisse par moments si bien qu’il nous faut une bonne heure pour parcourir les 100m de déniv’. Entre temps Bob&Bob se sont mis en branle et profitant de nos traces, nous rattrapent petit à petit. Seb est devant pour passer la deuxième rimaye et bien entendu nous sommes encordés. Lorsqu’il se trouve dessus, la rimaye s’affaisse avec une vibration sourde. Dans la foulée, un bloc de neige compact de 1m cube s’abandonne aux joies de la gravité dans la direction de Bob&Bob. Je préviens Bob&Bob qui sont 50m plus bas de l’arrivée de cette boule pas complètement innoffensive… Ils l’évitent sans l’ombre d’un souci mais l’arrivée de cet élément neigeux sur leur trajectoire est fraichement accueilli à en juger par les quelques anglaises onomatopées à la tonalité peu amicale qui nous parviennent à travers l’air du matin.

Seb poursuit l’ascension de cette rimaye délicate et prend pied dans la pente de glace. De là il effectue un relais duquel il m’assure solidement. En passant sur la rimaye, je constate effectivement que celle-ci n’est pas très en forme et suis bien content d’être assuré!

Je rejoins Seb au relais qui repars de suite dans la pente de neige-glace. Pendant ce temps là, Bob&Bob sont arrivés au pied de la rimaye aidés par nos traces. Je constate avec étonnement qu’ils franchissent la rimaye sans corde. Drôle de choix. Le premier Bob arrive à mon niveau. Je lui lance un bonjour amical auquel je n’obtiens aucune réponse. L’animal me passe à côté et piétine littéralement la corde. Je lui dit de faire gaffe à la corde et il me répond que le danger pour eux aujourd’hui c’est nous… ça commence bien. L’autre me passe à côté, à peine plus amicalement. Lorsque la corde se tend je pars avec donc Bob&Bob au dessus de mon nez en solo dans la pente. Comme l’idée d’une chirurgie esthétique à base de pointe de crampons ne m’enthousiasme pas trop, je me décale de leur axe. Au milieu de la pente, Bob2 zippe des crampons et se retrouve pendu à ses piolets dans la pente. Du grand Nimp.

Finalement nous arrivons quasiment ensembles au niveau de la première goulotte. Pour nous gratter Bob&Bob ne s’encorde nt que sur un brin. Tant pis on leur cède la place, on est pas là pour entrer dans ce genre de délire. Juste avant de rejoindre Seb au relais, Bob1, un peu au dessus, m’envoie un beau glaçon dans la face, l’enflure! J’explose et Bob2, à mon niveau en prend pour son grade, en français dans le texte : « Fais pas l’innocent je sais que tu comprends » pour ne garder la partie que la plus diplomatique!. C’est dingue d’en arriver là!

Maintenant qu’ils sont devant, Bob&Bob nous obligent à attendre… On essaye de pas trop y penser et de prendre du plaisir dans l’ascension. La première goulotte est très belle en bonne glace. Encore des pentes au dessus puis la deuxième goulotte avec un petit pas de mixte à l’entrée. L’ambiance commence à se faire sentir et les mollets fument. Encore une centaine de mètre de glace nous mènent au pied du mixte sommital (mais il reste quand même 400m!).

Une fois de plus, on se retrouve coincés derrière Bob&Bob. Relativement efficace dans tous le bas de l’itinéraire, ils s’avèrent désespéremment lents dans la première longeur de mixte. Bilan on poireaute quasiment une heure au relais. Misère. Dès qu’il le peut en sécurité, Seb se lance dans la section mixte et tente une variante qui nous permettrait de doubler Bob&Bob. L’idée était bonne mais le résultat moyen puisqu’il l’entrainera dans une impasse avec redescente en rappel à la clé, encore une petite heure de perdue mais bon au moins maintenant on a Bob&Bob à distance et on va pouvoir se concentrer sur l’ascension.

La longueur suivante nous permet de rejoindre l’éperon Walker. Pour autant les difficultés ne sont pas terminées. Le rocher est plâtré par une dizaine de cm de neige et l’ascension jusqu’au sommet demande encore toute notre attention, d’autant qu’à 4000m, nos carcasses mal acclimatées commencent à couiner.

Moment de grâce sur l’éperon, le soleil vient nous lêcher le visage, que c’est bon!

Nous sortons à la pointe Walker vers 18h30 en même temps que Bob&Bob malgré les deux grosses heures qu’ils nous ont fait perdre. Froide tentative de réconciliation au sommet.

Nous ne sommes pas au bout de notre surprise quand nous voyons Bob&Bob entamer la descente …. en rappel! Dans la face! Nous hallucinons : se lancer dans une trentaine de rappels, à la tombée de la nuit, en pleine face Nord… faudra nous expliquer l’intérêt.

Pour notre part, il est 19h, nous attaquons la descente côté sud espérant atteindre les rochers du reposoir avant la nuit. Connaissant la voie normale, ça ne traine pas et nous franchissons à la tombée de la nuit les crevasses juste avant le Reposoir. Un tel nom incite à la pause d’autant que la déshydratation commence à bien se faire sentir. Petite soupe sous un ciel étoilé. Diner romantique. Texto à ma douce et aux potes pour rassurer.

Après cette petite halte régénératrice, nous descendons l’arête puis louvoyons sur le glacier en se dirigeant à l’alti et à la carte. ça brasse pas mal. On atteint Boccalate aux alentours de 0h30 pensant n’avoir plus qu’à s’échouer dans une paillasse après s’être envoyé un plat de pate qui aurait été généreusement laissé là.

Première déception : la porte ne s’ouvre pas, elle est complètement prise dans la glace. Personne n’est passé depuis un bail. Nous sommes quitte pour une heure de burinage sur la glace pour finalement décoincer la porte!

Deuxième décéption : pas le début d’une miette de quoi que ce soit de comestible dans ce refuge. On s’envoie nos derniers biscuits et zou, au lit.

La descente le lendemain nous demandera encore quelques efforts dans une neige lourde et inconsistante jusque dans la vallée.

…. épilogue : le lendemain de la descente, je remonte avec mon pote François pour récupérer le bivouac et les raquettes au pied des Jorasses. Merci François!

Bob&Bob ont plié leur camp c’est donc que tout a du bien se passer pour eux, tant mieux.

Malgré les indélicatesses de Bob&Bob, cette première expérience dans les Jojo (comme on dit à Cham’) était vraiment excellent est a permis de sceller avec Seb notre cordée qui fonctionne plutôt bien!

Pas de photos ce jours là. Par contre pour se faire une idée de l’ambiance voir les vidéos de la Colton Mac Intyre sur tv moutain qui ne sont pas de nous je précise!

Les Droites par la Ginat

Les Droites par la Ginat

Après une ascension épique de la voie des Suisses aux Courtes quelques jours auparavant, je reviens avec Ben dans ce fabuleux bassin d’Argentière et sa belle exposition de face Nord. Ici c’est un peu comme au glacier Noir dans les Ecrins (la fréquentation en plus) : l’ambiance haute montagne est grisante!

Cette face Nord des Droites, une des plus connues des Alpes, attire comme les Jorasses les alpinistes du monde entier. Si cette ascension est aujourd’hui devenue somme toute relativement classique, sa première ascension en 5 jours de septembre 1955 par P. Cornuau et M. Davaille fut une des grands moments de l’Odysée alpine! A remettre dans le contexte matériel de l’époque bien entendu : un seul piolet (droit en plus), pas de pointes avant, pas de broches… Les pentes de glace étaient vaincues en taillant des marches…

Aujourd’hui, armés de deux piolets traction, de crampons 12 pointes, de broches à glace, et lorsque les conditions sont bonnes, la face Nord est régulièrement gravie « à la première benne », c’est-à-dire que les prétendants partent de Chamonix le matin et y redorment le soir!

Comme on aime les sacs bien lourd et l’imprégnation, on opte pour un bivouac au pied de la face Nord des Droites (pas trop prêt non plus). On se charge en plus de nos skis qui ont l’immense avantage de nous faire gagner beaucoup de temps et d’énergie sur l’approche et le retour par la Mer de Glace mais l’inconvénient d’alourdir nos sacs dans la voie et nous faire grimper en chaussures de ski.

Le pied de la face s’atteint par une impressionnante traversée sous la Verte, la Grande Rocheuse et les Droites. Pas trop traîner dans ce coin et guetter les séracs qui menacent!

Nico ski vers la Ginat aux DroitesDanger crevasses sur le glacier d'Argentière

L’ambiance au bivouac est bien prenante. Dur d’oublier ce pourquoi nous sommes là! Ce bout de mur de 1000m en impose. Pour chasser les angoisses, rien de tel qu’un bon coup de lime, sur les crampons.

Bivouac au pied de la face Nord des DroitesNico affute ses crampons au pied des Droites

Départ à la fraîche le matin. Juste avant la rimaye je perds une peau suivi de peu par mon bâton en voulant rattraper la peau. Tant pis on verra ça quand on reviendra chercher le bivouac!

Après la rimaye de la Ginat aux Droites

On attaque corde tendue les premières pentes et la banane Messner en bonnes conditions. En haut de la banane, Ben fait relais pour que je passe devant.

Banane Messner aux Droites

Je repars dans la grande pente en neige pas très consistante au début. Je préfère bétonner ce passage pas très dur mais exposé. C’est ce moment que choisit la cordée de germaniques qui nous talonnais pour tenter un dépassement un peu bourrin! Je les laisse passer puis finalement on les rattrapera peu de temps après dans la pente de glace!

Bon fumage de mollet dans ces pentes en glace. C’est pas du polystyrène mais on avance bien.

Dans les pentes de glace de la Ginat aux DroitesA la sortie des pentes de neige et glace de la Ginat aux Droites

Ensuite c’est la grande classe : la face se redresse et l’on grimpe sur des placages de glace bien protégeables avec quelques petits passages de mixte.

Ben à l'attaque des placages de la Ginat aux DroitesCourte section de mixte dans la Ginat aux Droites

Au dessus de grands rideaux de glace bien cassante nous occupent un petit bout de l’après midi. Jamais extrême mais jamais complètement rando non plus.

Dans le haut de la Ginat aux DroitesEncore de la glace dans le haut de la Ginat aux Droites

Tout baigne jusque là, il est 15h et on avance bien. Il nous reste un peu de glace et la pente de neige terminale.

Sauf que cette maudite pente nous prendra bien deux heures! Gros brassage dans de la semoule de premier choix! On sort passablement éreintés à la brèche mais heureux d’être venu au bout de ce délice glacé.

A la sortie de la pente de neige finale

Cordée bien heureuse bien que d’une dentition pas toujours irréprochable!!!

Nico et Ben à la brêche des Droites

Allez c’est pas qu’on s’embête ici mais y commence à se faire faim, et on est pas tout à fait rendu.

Premier rappel de la descente de la brêche des Droites

La descente en rappels-désescalades bien efficace nous dépose quelques temps plus tard sur le glacier. Là on comprend enfin l’utilité de ces deux lattes qu’on trimballe depuis le matin. On se laisse glisser jusqu’au bas de la mer de glace avec les dernières lueurs du jour. Quelques (nombreux) déchaussages – raclages – portages de ski, on s’échoue à Chamonix à 23h devant un sandwich monstrueux.

Mes mains sont insensibles depuis un bon moment. Je n’y ai pas trop prêté attention pendant l’ascension….
Bien fatigué, je m’endors en remettant ce problème au lendemain (grossière erreur!). Le lendemain au réveil, aucune amélioration. Et crétin que je suis, je vais encore attendre 24 heures de plus avant d’aller enfin aux urgences à Briançon. Mais c’est déjà trop tard pour agir efficacement… Les premières heures sont les plus importantes pour les gelures. Un réchauffement rapide est très douloureux mais occasionne moins de séquelles qu’un réchauffement lent qui entraine la mort des cellules.
10 jours de doute, en attendant de connaître la vrai ampleur de ces gelures. Avis partagé des médecins. Finalement je m’en sortirai avec un bon second dégré et pansements gras pendant un mois. Deux ans après, je n’ai quasiment pas de séquelles excepté un petit doigt (le plus touché) régulièrement insensible et une sensibilité accrue au froid!
Quelques précautions de base m’aurait permis d’éviter ça : des bons gants, une meilleure hydratation, enlever les dragonnes des piolets et surtout ne pas laisser le froid s’insinuer et prendre le temps de se réchauffer régulièrement. Comme j’étais pas frileux, je me croyais vraiment à l’abri! Quel orgueil. Une bonne leçon…

Voie Fourastier – Ailefroide

Voie Fourastier – Ailefroide

Depuis Marseille et Montpellier, nous hésitons longtemps avec JEan avant de venir dans les Alpes. La météo annoncée le vendredi n’est pas idéale pour se lancer dans une grande face Nord comme la voie Fourastier à l’Ailefroide. Nous sommes prêts à renoncer.

Samedi matin, rebondissement : la prévision météo s’améliore et semble nous ouvrir un court créneau pour Dimanche avec retour du mauvais dans l’après midi. Concertation, hésitation : et pis zou, allez, allons-y!

On arrive en fin d’aprèm à Ailefroide où l’on s’envoie au passage premier de Corvée, une grande voie Cambon pas trop vilaine. Quand j’y pense restrospectivement, nous étions bien affamés de montagne!

On monte « dormir » au pré de Madame Carle. Plutôt que dormir je dirais passer quelques heures en position horizontale à essayer de calculer l’incalculable, de prévoir l’imprévisible, de faire 20 fois son sac dans la nuit tout en se disant qu’on ferait bien mieux de dormir.

la face Nord d'ailefroide orientale et de la pointe Fourastier

La face Nord de la Pointe Fourastier

1h du matin, départ du Pré de madame Carle afin de monter tranquillement au pied de la face. Et effectivement, il est de bon ton de conserver quelques forces pour cette belle envolée!

A notre grande surprise la nuit est parfaitement étoilée et l’air piquant. Bon regel, c’est de bonne augure pour la suite!
La voie débute par des pentes de neige polystirène à 70°, improtégeable ça va de soi mais quel bonheur à grimper. Ce ne devrait pas rester très longtemps en condition. Sur les bords, l’eau n’est pas loin!

Pas de glace dans les goulottes de la branche droite du Y. Ca passe en plusieurs endroits toujours dans la neige polystyrène.
Après c’est plus la même, la pente est chargée de neige récente humide et pas encore bien transformée. Du coup on s’enfonce jusqu’à mi mollet. C’est pas le goulag mais à la longue ça use.
L’ambiance près du sérac est vraiment sympatique. Rien à craindre dans la Fourastier on est jamais exposé à ce monstre.
Dans le haut de la pente, les conditions se dégradent sournoisement. La pente se redresse ljusqu’à 50° et la neige ne porte plus du tout. On vient buter sous le dernier ressaut.
La fameuse rampe de mixte se dessine environ 50m à notre gauche. La neige est toujours aussi mauvaise et avant de partir dans le mixte on s’aperçoit non sans un brin d’émotion que la neige sur laquelle nous tenons est directement plaquée sur le rocher à 50°. Gloups!

La première longueur de mixte (20m) est laborieuse et c’est peu que de le dire. Dans la plus pure tradition du mixte foireux! La même mauvaise neige, des pas très délicats sur les pointes avant des crampons, les piolets gratonnant à l’aveuglette d’hypothétiques prises. Le tout, sinon ça serait pas drôle, 10 mètres au dessus du dernier point, un camalot foireux coincé entre deux plaques soudées par le pseudogel, ce camalot protégeant le relais constitué par les deux jambes du compère qui commence à sérieusement se demander ce qu’il fout là! Quelques vulgaires insanités plus tard, j’arrive à faire un relais correct.

La deuxième longueur (25m) est moins exigeante mais présente aussi son lot d’émotion avec quelques blocs en pélerinage pour le glacier noir.
La troisième longueur c’est la longueur typique où on a l’impression d’en bas que ça s’arrange, que « ça a l’air protégeable et pas trop dur » alors que c’est la pire. Jean y passera je pense une des plus mauvaises heure de sa vie. Deux passages se révèlent déversant mais le plus dur n’est pas de s’y engager mais de se rétablir avec rien de mieux que cette fichue neige molle sans aucune tenue, les pointes avant des crampons gratonnant des réglettes déversantes. Expo cette affaire!  « Chapeau bas, fallait le faire » « Non, non, fallait bien le faire » « ouais,  il aurait peut être mieux fallu ne pas le faire » « Bon, et maintenant tu crois que ça va le faire? ». Quelques petites réflexions après ces 25 mètres pas près d’être oubliés.

Sans trop de difficultés, les derniers 30m jusqu’à la brêche sont avalés. Dans la bagarre du mixte, le décor a changer sans que nous nous en apercevions. Le ciel est bouché, il tombe quelques flocons et le plafond nuageux descend. Deux options: finir tant bien que mal ce que l’on a commencé en sortant à la Pointe Fourastier pour aller chercher la descente normale. Ou alors s’engager  dans la descente du couloir issu de la brêche dont on a vaguement le souvenir d’avoir lu ou entendu quelque part que ça se faisait.
Il fait froid, le mixte a déposé sur l’arète deux alpinistes entamés et la météo n’est pas très prometteuse. Va pour la descente de la brêche.
Aucun problème dans la descente, ça fait plaisir. On y laissera quelques sangles pour reéquiper des relais . Pas toujours évident à trouver ces relais avec la neige. Attention quand même, pour installer le deuxième relais de rappel, on est descendu quasiment en bout de corde (60m) et on a pas vu de relais avant (peut être sous la neige), donc mefi si votre corde est un peu courte!

La remontée pour récupérer la voie normale de l’Ailefroide Orientale fut l’occasion de visiter une belle crevasse, cachée sous un vieux paquet de neige humide. Brassage en règle pour rejoindre les vires. Et la pluie vient rajouter sa touche personnelle à cette aventure en train de se transformer en calvaire.

Ce fut long jusqu’à Ailefroide, trempés jusqu’à l’os.

Et à l’arrivée rien d’autre nous attend vu que la voiture se trouve au Pré de Madame Carle. Il est 20h, un dimanche soir sous la flotte. Le stop c’est pas gagné. Jean le vaillant s’enfile donc en digestif les 5 km jusqu’au Prè.
Longue journée, où la surdose de fatigue, de moment scabreux et le retour humide finissent quand même par contrebalancer le plaisir d’être en montagne!!
Sans parler des 5 heures de route pour rejoindre nos matelas respectifs avant de partir bosser quelques petites heures après!
Bref, l’alpinisme au WE a ses limites.

Couloir NW du Pic Sans Nom

Couloir NW du Pic Sans Nom

Couloir NW du Pic Sans Nom : ça c’est de la belle course!

L'itinéraire du couloir Nord Ouest Pic sans Nom

Le couloir NW tracé, à droite le coup de Sabre et le couloir du Col du Glacier Noir

Vendredi soir on bivouaque sur le glacier noir au pied du couloir histoire de bien s’imprégner de l’ambiance de la vallée, une des plus envoutantes des Ecrins.

Une trace semble s’élever dans le couloir, du moins sur la partie que l’on voit, ça nous met en confiance. Les conditions ont l’air bonnes! on se couche donc serein…
… 3h du matin le réveil nous arrache à notre courte somnolence et l’on s’extirpe difficilement de nos plumeux emballages. Une étoile filante salue notre geste. Un bon signe c’est toujours ça de pris! Superstition quand tu nous tiens!

Nous sommes au pied du couloir. Une bonne trace nous mène jusqu’au premiers courts ressauts de glace. On troque raquettes et bâtons contre crampons et piolets. La trace se poursuit dans la pente intermédiaire. Du pain béni pour nous! Au pied du coup sabre, malheureusement nos chemins vont diverger. Pour nous la belle pente vierge à 40° et ses 50 cm de fraîche. On remet les raquettes pour un petit brassage en règle. 150 m avant le début du couloir, il faut se résoudre à nouveau à abandonner les raquettes pour les crampons si l’on ne veut pas s’ exploser définitivement les mollets et surtout s’offrir un retour express au bivouac!
5h30. Nous arrivons au pied du couloir à proprement parler. Une plateforme a visiblement été aménagée par des prédécesseurs (mais hormis cette plateforme aucune trace!).

Le couloir attaque par la longueur la plus difficile: un ressaut de glace d’une trentaine de mètres avec des passages verticaux bien protégeables (4-5 broches bien utiles!). Les brumes matinales qui stagnaient encore dans nos esprits endormis s’évaporent. Ensuite on brasse dans 20 à 30 cm de peuf jusqu’en haut ou bien sur des sections de glace à s’en pétarder les mollets. Les derniers 50 m (en dénivelé) sont encore plus chargé de neige (50 cm) et l’on débouche péniblement à la brèche dans une tempête de beau temps, à 9h du matin. Nous sommes heureux d’être là, un peu éprouvés par la débauche d’énergie laissée dans la neige mais optimiste pour la suite… l’horaire est tenu! La montée au Pic sans Nom nous prendra encore deux bonnes heures. Un petit fourvoyage de ma part nous permettra de s’offrir quelques pas de mixtes plutôt épicés et vertigineux à quelques mètres seulement de confortables pentes de neige… Ben reprend les choses en main.

11h. Nous sortons sur le petit dôme tout pointu du Pic sans Nom! On s’embrasse! Grande joie! Quelques brumes nous cachent la plénitude du paysage mais que l’on se sent bien!

… 12h: non pas qu’on s’y emmerde, mais va falloir penser à redescendre. Surtout qu’elle a pas bonne réputation cette descente, la bougresse. On désescalade comme promis le couloir sud issu du sommet. Le plus bas possible jusqu’à la vire (au fait une grande bande de neige bien inclinée!). Ensuite, la pénible traversée vers la droite (en regardant la face) commence (surement moins pénible que quand c’est tout sec). La neige est soupeuse mais porte encore assez. Attention vu du dessus, on a plusieurs fois l’impression que la pente de neige rejoint le glacier de Sialouze. Trompeuse illusion d’optique: l’ensemble de la face repose sur un contrefort vertical voire surplombant d’environ 50m. Donc traverser au maximum vers la droite jusqu’à une sorte de goulet. Repérer des relais en place. Il est parait il possible de continuer de traverser au delà de ce goulet. On a pas essayé, trop content de pouvoir s’extraire poliment et rapidement (pensait-on) de cette face. Quelques malheureux démêlés avec la corde me rappelèrent des doux instants passés avec Tibo sur la traversée de la Meije à dénouiller amoureusement à chaque rappel le bout de ficelle réfractaire. La corde pas coupée ou comment perdre très connement du temps et de l’énergie nerveuse! Bref, un premier rappel sur un bon piton permet d’accéder à une autre rappel 30m plus bas sur 1 piton plus becquet puis 40m plus bas, avant le gouffre déversant, un autre relais sur une plaquette et un piton. 45 m de fil d’araignée plus bas, on s’affale sur le glacier de Sialouze: il est 14h.

Les difficultés sont derrière nous (qu’on se le dise!) il ne peut plus rien nous arriver d’affreux maintenant!
Or le sort n’en décidera pas ainsi, la descente jusqu’à Ailefroide sera un véritable enfer! Dans les pentes en dessous de la bosse de Sialouze, les raquettes tordent pieds et genoux, on s’enfonce jusqu’à mi cuisse parfois et lorsque l’on remonte le pied, bien souvent la raquette qui va avec n’est plus là! Au diable donc les raquettes et jusqu’à Ailefroide il faudra bien se résigner à cette marche interminable et usante…. 19h: hagard et titubant, frais comme des baleineaux échouées sur la plage, nous parvenons dans un dernier râle à la voiture…dans le brouillard quelques flash.. une pizza à Vallouise…on remonte à l’autre voiture laissée à madame Carle…merci m’dame…et c’est là que nous nous échouons dans une profonde torpeur malgré le manque flagrant de confort vu que les affaires de bivouac sont sagement restées au pied du couloir…

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