par admin | 30 Mai 2012 | Alpinisme, Ecrins, Face Nord, Massif
C’est en compagnie du 2 loustics de premier choix, Ju et Seb, que nous partons pour une petite expédition punitive du côté du Glacier Noir. Les faces nord sont encore bien plâtrées et dans l’espoir de trouver du rocher sec, on se dirige vers ce qu’il y a de plus raide et d’un peu moins nord : la facette WNW du Pic sans nom…
Comme la plupart des aventures en montagne, l’histoire démarre d’abord par un rituel étrange qui consiste à étaler toute sorte d’objets sur le maximum de surface avant de les faire rentrer dans des sacs au final toujours trop lourds… La lourdeur des sacs, l’horaire de départ tardif seront autant de bonnes excuses pour ne pas aller bivouaquer trop haut comme on avait pu l’évoquer en concoctant le plan tranquillement au fond d’un canapé. Bivouac sur le Glacier noir donc au pied du Coup de Sabre…
…. réveil 1h. Ouch ça fait mal ça! Vague impression d’avoir dormi 1/4 d’heure. On nage dans le paté. Une trace sympathique puis un regel correct nous permettent de gagner sans trop de difficultés le pied de la face. Une petite longueur de rochers brisés faciles mène à un névé qui vient buter sous une première zone raide. C’est là que commence l’escalade. La première longueur est très prometteuse : une belle fissure (5c, 30m) qui part juste à gauche du pied d’une coulée noire caractristique. Beau rocher, protection assez faciles à placer, ça roule. Deuxième longueur dans le même ressaut : on est parti à gauche pour emprunter une cheminée (1 pas de 5 dans la cheminée, rocher moyen). Y a sûrement mieux à faire mais le reste était mouillé! On remonte ensuite une sorte de vague éperon 50m à droite d’un grand surplomb (5a) avant de rejoindre à gauche le surplomb (1 pas de 6a). Rocher couci-couça à tendance mi figue mi raisin. Bref, passées ces 2 longueurs, on arrive à la vire Chapoutot ou démarre le vraiment très raide!
Toute l’équipe est en pleine forme malgré quelques errements intestinaux. Pendant que le leader grimpe concentré, ça s’fend la poire au relais. C’est un des avantages d’être trois!
L’ambiance devient vraiment prenante dans ce ressaut de 300m vertical. Les 2 premières longueurs sont en rocher moyen mais à notre suprise passent assez facilement en libre (6b max). Ensuite on rentre dans le haut de gamme avec 2 longueurs d’anthologie (6b+ et 6c+) et un beau 6a avant de finir sur l’arête. Finit l’artif dans cette voie!
Le final sur l’arête est de toute beauté avec des conditions plus enneigées qu’au mois de mars lors de notre parcours de la voie Cambon Francou en face Nord avec Tom!
Enfin on gagne ce joli petit bout de sommet où on s’accorde une bonne pause.
Descente rapido jusqu’au bivouac (1h30) grâce au couloir, bien enneigé… et un retour en vallée pour l’apéro, bien au delà de nos espérances!
Merci aux 2 affreux pour ces bons moments de rigolade.
Quelques précisions sur la voie :
– attention voie schizophrène! Des longueurs magnifiques sur un rocher de rêve, mais aussi du bon foutras Oisanesques même dans du raide… Il faut aimer l’Oisans. Mais l’ambiance dans la facette est hallucinante et la raideur assez atypique dans nos contrées.
– très peu d’équipement en place. Prévoir un jeu de camalot du 0,1 au 3 en doublant les tailles moyennes (du 0,1 au 0,5). Quelques microfriends. 3-4 pitons variés (cornière, lame, universel, extra plat).
– tout passe en libre (6c+ max). La longueur donnée en A2 est probablement la plus dure à libérer en tête puisqu’il faut pitonner. Nous avons mis 12h de la base au sommet. Cotation globale : ED, 550m.
– relais tout confort. Excellent bivouac à la vire Chapoutot pour les amateurs de sacs lourds
par admin | 27 Fév 2012 | Alpinisme, Ecrins, Face Nord
Après toutes ces tempêtes de beau temps et l’insolente douceur qui s’est emparée de nos latitudes ces temps-ci des graines de projets n’ont pas manqué de germer dans nos jardins intérieurs (pfff, ça commence fort!).
Le plus dur dans les projets d’envergure c’est de réunir tous le panel de conditions : celle de la montagne, de la météo et surtout des humains qui s’y jettent ! Déjà faut-il qu’une cordée se constitue ! Après moult coups de fils aux habituels, c’est l’échec… Personne. C’est finalement Tom qui m’appelle juste avant que je le fasse avec les mêmes projets. C’est beau ça ! Comme il a pas neigé depuis un bail dans les Alpes du Sud, on opte pour une face rocheuse et comme on en veut une bien paumée, on choisit le Pic sans nom par la voie Cambou – Francon. Bigre !
Après un chaleureux we dans le Sud de la France avec des apéros à rallonge et des séances plages et sable fin, changement radical de style donc !
Comme disait si bien je sais plus qui, Cambon je crois d’ailleurs, « une hivernale c’est avant tout un putain de gros sac ! ». C’est vrai. A 7h à notre rdv au tunnel de Pelvoux, on déballe tout ce qu’on doit embarquer dans nos modeste 35l de sac à dos. Boudi ! Il nous faudra une bonne heure pour boucler le tout !
Mais une hivernale au Glacier noir c’est aussi « une putain de longue approche » ! D’abord bien bavards, on plonge petit à petit dans la méditation…. Après quelques heures de ski enfin le Pic sans nom est en vue. Waaah ! C’est magnifique là bas en hiver, on se sent loin ! A force d’avoir le nez fourré dans les topos on finit par tout relativiser : la face paraît pas si grande que ça, il n’y a pas tant de longueurs dures que ça, là ça devrait bien roulé… Une fois au pied, le projet reprend toute sa dimension. On regarde la taille de sa main comparé aux 1000m de face. Ca va en faire des mouvements pour se hisser tout là haut avec tout notre barda !
Notre objectif pour ce premier jour d’approche est de bivouaquer au dessus de la première dalle en 6a en franchissant la dalle avant la nuit. Nous franchissons d’abord le premier ressaut par un placage de glace sympathique.
Nous attaquons la face vers 16h par un fourvoyage en beauté ! On part du bon endroit mais je tire trop vers la droite attiré par une belle ligne de faiblesse qui se révèle être la voie du souvenir…
Ca commence bien ! Une heure de perdue… Nous nous retrouvons de nuit dans la fameuse dalle ! Le premier grimpe en chaussons et le second en grosses. C’est notre stratégie ! Ben c’est pas du gâteau en grosses cette dallouse… Pas facile non plus pour le premier même en chaussons avec la nuit et les protections qui s’éloignent ! Bravo Tom! Vers 20h30 nous gagnons le pied du dièdre. Niveau bivouac on a rien vu d’extraordinaire… Où nous sommes il y a de quoi « dormir » assis et faire fondre de l’eau à l’abri d’éventuel chute de morceaux de Pic sans Nom. C’est pas Byzance, c’est pas le goulag non plus… La longue danse du bivouac démarre. Tout attacher. Ne rien faire tomber. Faire de l’eau. Ne rien faire tomber. Faire de l’eau. Terrasser. Et encore de l’eau… Mais qu’il est mou ce réchaud ! Il a un souci c’est clair ! On se « couche » vers minuit bien motivé par ce qui nous attends le lendemain. J’ai une place assise côté hublot. Tom aussi, mais il n’est calé que par les sacs et la corde, sorte de hamac improvisé!
Chacun part dans son monde. Toujours étranges et fascinantes ces nuits de bivouac. Le temps se distord complètement et sans dormir vraiment on s’abandonne à une sorte de rêve éveillé entrecoupé parfois de bien réelles réalités comme ce caillou indélogeable qui martyrise inlassablement mon postérieur !
Ce long moment hypnotique prend fin à 5h30… Allah wakbar ! On y va ! Le temps de faire quelques pas de danse et à 7h nous attaquons la varappe. Pour simplifier les manips, nous grimperons par blocs de longueurs, le premier en chaussons et sans sac et le second en grosses avec un sac. Le deuxième sac est hissé.
J’attaque par une première longueur de 50 mètres splendides. Un beau dièdre en 6a bien protégeable avec un passage plus dur au milieu (6c) protégé par 3 pitons.
On s’en échappe par la droite pour aller faire relais au pied d’un deuxième dièdre. Un régal malgré des onglées qui nous font bien jongler, la grimpe à main nue simplifie bien la tâche ! Revers de la médaille de notre stratégie : le hissage… Toujours parfait dans la théorie, toujours très chiant dans la pratique.
Deuxième longueur du jour, un splendide dièdre oblique de 40m, plein gaz et un bout de traversée vers un pilier. Complètement mystifiant ! Ca grimpe pas mal quand même peut être 6a+. Tout ça évidemment est très sympathique pour Tom qui avec un sac bien encombrant et en grosses savoure !
Dans la longueur suivante, qui traverse pas mal, le hissage devient niveau bac +8 et on perd pas mal de temps. Mais on s’en sort.
Pour les 100m suivants, on abandonne la stratégie, on porte un sac chacun. Une longueur de 5 et une rampe facile et nous v’là non loin de la deuxième section clé : une fissure cheminée de 80m. Il est 11h45, on s’octroie une bonne pause et on inverse l’ordre de la cordée.
La raideur de la paroi à cette endroit de la face est renversante ! La voie emprunte la seule faiblesse, partout autour c’est vertical et compact ! Dans la fissure cheminée, il faut bien s’employer et ça protège un peu moins bien qu’en bas. Pour faciliter le hissage, on fractionne les 80m en trois longueurs. Bien exigeante pour tous les deux cette section mais on se régale, c’est classe !
Il est 15h et les plus grosses difficultés techniques sont derrière nous… On arrive bientôt dans la transition entre le granit et le gneiss ou la face devient moins raide, ça devrait rouler un peu plus. On rejoint un système de goulottes et de pente de glace qu’on ne quittera presque plus jusqu’à l’arête .
Le fumage de mollet est en marche. Les pentes de glace c’est vraiment l’horreur ! C’est monotone et ça rame ! Au milieu, un passage en rocher me cause un peu de souci. Bonne idée d’avoir oublié les pitons dans la seule longueur où ils m’aurait vraiment servi ! Brrr !
Au dessus, c’est glace et encore glace en traversée ascendante… usant.
La nuit nous attrape. Une dernière longueur de mixte en traversée et nous rejoignons l’arête… ainsi qu’une petite terrassounette propice au bivouac. Il est 20h, l’heure de la traditionnelle danse du bivouac. Le confort augmente légèrement ce soir, on est presque allongés mais avec des gros cailloux comme matelas. Par contre ça manque un peu de place et nous testons là la parfaite cohésion de la cordée, tout mouvement d’un des membres de la cordée ayant immédiatement un impact sur l’autre…
Le réchaud est toujours aussi peu performant. A 22h s’en est assez, on a pas assez bu mais on est dézingué, donc dodo. La longue rêverie reprend. Nombreux regards à la montre. Regards perdu dans les étoiles. Regards intérieurs aussi. Un bout de sommeil profond. Du dialogue intérieur à nouveau et des airs à la con qui tourne en boucle dans le cerveau… Pas besoin d’Ipod…
5h30. Extirpation du sac très douloureuse. Il fait quand même bien froid ce matin !
Je récupère un sac de neige et replonge dans ma couche pendant que Tom se charge de faire fondre le tout. 1h30 pour 2 litres, quand la vitesse vous manque! Plongés dans nos pensées, on contemple l’illumination des Ecrins et du Mont Blanc aux lumières du levant. Je suis heureux d’être là à vivre ce petit moment d’extase.
Vers 8h, après la danse du pliage de bivouac, on attaque. Aujourd’hui, il ne reste « que » 300m d’arête et la descente. Un pas bien corsé m’accueille à la sortie du bivouac dans la froidure matinale pour contourner le premier ressaut. Ensuite, on reste tout le long proche du fil de l’arête avec des passages de toute beauté.
On savoure le panorama qui se dégage petit à petit. A notre droite les 500m verticaux de la face NW du Pic sans nom sont vraiment impressionnant. Nous remettons les crampons 50m sous le sommet…
Vers 11h nous nous échouons bien heureux sur le mini-dôme neigeux du Pic sans nom. La joie explose ! Les pensées pour pleins d’êtres chers vivants, disparus ou pas encore nés m’envahissent… Petit coup de téléphone pour rassurer la vallée. On est au soleil là haut avec un bon sandwich et on savoure ce moment que l’on sait unique. C’est vraiment trop bon de pouvoir en profiter et ne pas fuir sitôt arrivé le sommet si difficilement atteint !
Davaille ! Il est 12h, c’est pas qu’on est mal ici mais on a encore un peu de pain sur la planche. La descente jusqu’au sommet du couloir NW est vite avalée puis on engage la descente du couloir par un mixte entre rappel (sur lunules surtout) et désescalade.
Sous les 2 couloirs, un rappel nous sera encore nécessaire pour passer une raide section de glace. Une petite demi-heure de marche et nous sommes aux skis vers 17h, dans un état de lyophilisation bien avancé !
Si pour moi, l’arrivée au ski sonne un peu comme la fin des difficultés, il n’en est pas de même pour Tom qui a opté pour des skis d’approche… Passons les détails, une paire de skis d’approche est à vendre ! Nous arrivons à la voiture à 19h30… On enfourne tout le barda dans les voitures et on se vautre dans le premier bistrot que l’on croise. Le serveur n’en revient pas de voir deux gars siffler deux tournées de coca en 3 minutes !
Bien atomisés, nous reprenons chacun la destination de nos doux foyers où les bivouacs sont quand mêmes plus confortables, la compagnie plus féminine et l’eau déjà fondue !
Merci Tom pour cette belle aventure et merci à Robin pour les infos sur la voie. Voici le topo de Robin Revest (photo prise en été 2011)
Pour ceux que ça intéresse :
– la voie Cambon Francou est un itinéraire magnifique et très complet. La première partie réserve de beaux morceaux de grimpe bien protégeables dans une ambiance bien gazeuse. La deuxième partie, que nous avons trouvé surtout en glace offre de beaux petits passages en goulottes. Un peu de neige dans ces passages soit permettre de gagner pas mal de temps et de jus! Enfin le dernier bout d’arête est de toute beauté avec des passages qui grimpent encore (5a max)…
– nous avons vu quelques chutes de pierres dans la face mais rien d’alarmant. Par contre il est clair que vu la structure de la partie sommitale, un iso bas ou un enneigement suffisant de la partie sommitale est indispensable pour aborder la face dans de bonnes conditions de sécurité.
– nous avons grimpé avec un brin de joker (60m) et un brin de ice line qui nous servait de brin de hissage et de corde de secours. Le premier en chaussons et le second en grosses.
– en matos : on avait 10 pitons variés, on en a mis deux et pas dans la même longueur. 2 lames et 2 cornières sont suffisants. Un jeu de camalot complet du 000 au 2 en doublant 2 ou 3 petites tailles. Etrier inutile. On avait 5 broches, 8 auraient été mieux pour gagner du temps dans le haut. Crochet abalakov pour la descente.
– timing : sur les 3 jours, nous avons grimpé environ 20h avec un bon fourvoyage de 1h le premier jour et des petites galères de hissage bien chronophages (probablement 2h30 de perdu). Les pentes de glace nous ont pris aussi beaucoup de temps. La descente nous a pris 5h du sommet aux skis.
par admin | 19 Août 2011 | Alpinisme, Ecrins, Massif, Raid
4h30 : le chat du refuge vient me réveiller de ses doux ronronnements. Plutôt pas désagréable comme réveil. 4h45 : j’attends mes amis à table pour le petit déj’ mais ça ne semble pas trop bouger. Je vais faire un tour dans le dortoir et découvre une bande de marmottes récalcitrantes. Boules Quiès et fatigue de la veille, personne ne bouge. Une mutinerie? Soyons indulgent, nous ne sommes pas pressés aujourd’hui, nous n’avons qu’à rallier le Pré de Mme Carle. Une rigolade pour nous si habitués à coupler les journées! Nous nous levons si tôt car le gardien ne fait qu’un service de petit dej’ en même temps que les prétendants au Pic Coolidge. On le comprend.
Nous démarrons tranquillement au petit jour la montée vers Temple Ecrins. Les organismes sont rouillés. On y va piano piano. Sous le col quelques névés que nous franchissons sans crampons puis enfin le Col de la Temple, point culminant de notre tour. Fini donc les montées! Nous y sommes accueillis par un franc soleil. On s’accorde une bonne grosse pause pour savourer ces instants merveilleux en se dorant la pilule. D’ici, le bassin du Glacier Noir est magnifique. Détendus, l’ambiance est à la rigolade…
Si les montées sont finies, il n’en est pas de même pour la descente. Pas moins de 1500m jusqu’au Pré de Madame Carle, de quoi satisfaire les guiboles. La descente du Col de la Temple demande un peu d’attention comme au Col du Sélé mais en moins dur. On rejoint le Glacier Noir, pour un peu de tourisme glaciaire. La descente du Glacier à cette période n’est pas de tout repos. Hormis la première partie, le Glacier Noir est un vaste tas de caillou, parfois mouvants (!) où il faut bien surveiller où on laisse trainer ses pieds. Et c’est long! L’ambiance est sacrément austère au milieu de toutes ces faces Nord de plus de 1000m. Mes compagnons me regardent incrédules quand je leur explique que régulièrement des êtres humains trainent dans ces hautes parois. Enfin nous arrivons à la jonction des deux parties du glacier Noir. Une main courante rive gauche permet de franchir un court ressaut dalleux dégagé par le retrait glaciaire. L’occasion pour tous de découvrir les joies de la double moulinette débrayable avec double demi cabestant et noeud de mule. Encore quelques blocs et nous gagnons la magnifique moraine rive gauche du Glacier Noir au niveau des Balmes de François Blanc. Après les champs de blocs parcourus, ce final aérien et facile quelques dizaines de mètres au dessus du Glacier est un vrai moment de suspension…
Enfin c’est l’arrivée des braves au refuge de Cezanne où une opération bière-tarte-glace est organisée illico. L’occasion de faire le bilan sur les journées passées ensembles. Place aux commentaires!