Depuis notre dernière virée avec Seb à la Meije il y a un mois (voir Mitchka – le retour), on s’est bien tourné les pouces tous les deux. L’envie d’une belle virée en montagne nous titille. Seb me propose d’aller faire un tour sur le Glacier Noir plus précisément dans la goulotte Marchal Ombre en face Nord de l’Ailefroide Orientale. La voie s’appelle aussi la Hardy-Parks du nom des ouvreurs. Les premiers répétiteurs, Jean Burgun, Jérome Para et Christophe Moulin pensaient réaliser une première en novembre 2005 en parcourant cette ligne. Le nom de la voie est un hommage à Marchal Musemeci, mort en 2003 dans une chute de sérac vers les Grands Mulets.

Nous ne sommes pas super entrainés, loin s’en faut. Mais on le sait depuis nos précédentes expériences : notre cordée fonctionne, c’est l’essentiel. Ajoutez à cela une bonne dose de curiosité et nous voilà partis, à 3h du mat du Pré de Madame Carle.

Nous remontons la longue moraine du bas du glacier noir en bavardant comme des concierges. Passée la corde fixe du verrou, on accède au deuxième étage du glacier noir, au pied de toutes ces mythiques face Nord. Le lieu en impose, chacun s’enfonce dans sa matinale méditation. C’est à peu prêt là que je me rend compte que j’ai oublié l’appareil photo après avoir dit plusieurs fois à Seb que je le prenais. Dommage.

Passé le pied du Coup de Sabre, nous nous encordons.

La rimaye  à 3200m est atteinte vers 8h après avoir contourné quelques abyssales crevasses. 200m de pentes de neige entrecoupés de quelques courts passages mixtes concluent cette longue marche d’approche. La section difficile ne fait « que » 300m mais quand on voit l’horaire annoncé par Moulin pour la voie (12h), on est forcément méfiant.

J’ouvre le bal. Après une dizaine de mètres faciles en glace à 70°, une traversée en arc de cercle vers la droite nous permet de rejoindre la goulotte à proprement parler. La traversée présente un pas techniquement bien difficile, en dalle (avec les crampons miam, miam!) bien protégeable avec un camalot rouge. Une fois la goulotte rejoint, je fais relais sur deux becquets pour faire monter Seb.

Seb enchaine. Le pas juste au dessus du relais n’est pas commode du tout et demandera à mon acolyte un peu d’acharnement! Il s’engouffre ensuite dans la branche de droite de la goulotte. C’est diablement raide tout ça et ça engage pas mal. Chaque geste est calculé d’autant qu’une courte section présente du rocher moyen. Ambiance sanglier dans un magasin de porcelaine. A la sortie, Seb trouve un bon emplacement de relais sur deux becquets.

Je repars dans une section mixte soutenue et de plus en plus difficile. Je passe du temps à trouver des protections correctes. Tel le bouquetin grattant la neige pour trouver de quoi survivre, je déblaie de grands volumes de neige à la recherche de la fissure qui voudra bien acceuillir un piton ou un coinceur. Travail assez fastidieux mais finalement payant puisque je trouverai au bout d’une demi heure une protection satisfaisante pour me lancer dans le petit pas déversant qui cloture ma longueur.

Au dessus, une très belle petite longueur avec du mixte plus facile. Très classe. A la sortie, Seb fait un relais sur broches, enfin de la glace!

De là je m’engage à gauche dans un passage qui sera bien moins débonnaire que prévu avec un passage demandant de la détermination. Au dessus c’est moins dur mais soutenu. C’est dans cette longueur que je comprendrai que le pied-main, ce geste qui nous ravit si souvent en escalade est à proscrire lorsque l’on porte des crampons. Bilan : ongle sectionné et beaucoup de sang de perdu! Je fais relais sur un piton plus un becquet. Lorsque Seb me rejoint, on fait une petite pâuse infirmerie. Entre le mal de bide de Seb et mes exploits de charcuterie, la trousse de premiers soins n’aura pas été un poids inutile aujourd’hui!

La longueur du dessus fait un grand crochet à droite avant de revenir dans la goulotte.

Encore une très belle longueur de glace puis du mixte facile et nous voilà dans les pentes sommitales alternant glace et neige posée sur le rocher. On arrive à conserver toujours une protection pour la cordée. Sortie à la brêche vers 18h, c’est pas pire. A priori, ce soir c’est dodo au Sélé, pas dehors, tant mieux!

On passe au sommet de l’Ailefroide Orientale et sans s’arrêter, on plonge dans la descente sur le refuge du Sélé. C’est quand même l’inconvénient de ces voies dures : on se pose jamais! Toute cette énergie pour gagner un sommet que l’on s’empresse de fuir (voir pour exemple la Ginat aux Droites, la Colton Mac-Intyre aux Grandes Jorasses, la Couzy-Desmaison à l’Olan, et j’en passe)!

Enfin bon c’est pour la bonne cause. Comme ça on descend les vires de la voie normale d’Ailefroide avec le maximum de lumière.

On connait tous les deux cette descente donc aucun souci. Nous sommes rapidemment rendus au refuge du Sélé où l’on se bricole un repas avec ce que l’on peut pendant que Seb me raconte l’histoire de Pschit qui après l’ouverture de la goulotte éponyme juste à côté de Marshal ombre a rampé jusqu’au Sélé avec une jambe cassée. Il se serait fait une soupe avec les miettes trouvés dans le refuge!

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