Raid à ski Ubaye – Val Maira – Val Varaita
Sans transition je quitte Sylvain et le groupe freerando pour une escapade plus sauvage avec Antoine, Vincent, Ugo et Quentin pour 7 jours de ski de rando la plupart du temps en itinérance.
Je connais déjà Antoine qui était venu seul l’an dernier pour 4 jours de folie dans les Cerces. Cette année il a recruté quelques potes pour vivre une plus longue aventure.
Comme à mon habitude, j’aime attendre les derniers instants pour choisir la destination et coller au plus juste aux conditions de la montagne. A 48h du départ, la météo est sans appel, tempête de ciel bleu prévu pour une semaine. Une invitation au voyage qui ne se refuse pas ! Je propose à la bande d’aller se percher aux confins de l’Ubaye et du Piémont, en jouant à saute mouton sur la frontière franco-italienne.
Comme je ne connais pas tout le groupe et que l’expérience du ski de rando des uns et des autres est variée, j’ai fait le choix d’une formule semi-itinérante c’est-à-dire qu’il y a des journées « obligatoires » où nous faisons la jonction entre deux refuges et des journées facultatives où nous restons au même refuge, en gros une sur deux…
Jour 1 : mise en route à Miéjour – nuit à Fouillouse
C’est au fin fond d’une des plus paumée vallée française que nous nous retrouvons pour démarrer ce trip de 7 jours. Depuis Saint-Paul, nous partons juste au dessus pour une rando « à la journée ».
Bon 3 fois rien, juste 1000m pour s’échauffer ! Et a peu près autant de conversion pour franchir une zone tricky dans les bois… Nos efforts seront généreusement récompensés par un sandwich avalé au sommet et 500m d’une poudre à faire pâlir de jalousie Pablo Escobar !! Nous rejoignons ensuite Fouillouse où nous passons la nuit chez l’ami guide Odilon qui tient le gîte des Granges. Une dernière soirée sans pâtes avant de basculer en italie.
Jour 2 : traversée Fouillouse – Campo Base par le col de la Stroppia et l’Infernetto. Nuit à Campo Base
Rien que les noms déjà ça te cale une atmosphère !
Aujourd’hui est une journée « obligatoire », pas question de caler en route, nous allons dormir en Italie ! Départ un peu tardif du gîte en direction de la Stroppia. La montée est paisible jusque sous le col… les 200 derniers mètres nous offrent un petit assortiment de conversion où chacun prendra la liberté de développer son style ! Nous voilà en Italie. Le casse dalle s’impose car la journée n’est pas finie. Nous redescendons quelques centaines de mètres dans un vaste vallon avant de remonter sur le col de l’Infernetto, seul passage raisonnable vers le refuge de Campo base. Une remontée qui laissera quelques traces !
Sans pitié pour mes compagnons, je les cueille dès leur arrivée au col pour se lancer dans un court passage raide. Le jour commence à décliner, pas question de chômer. Aujourd’hui, pas de justice. La descente sera notre pénitence… dans une neige mariant avec subtilité la croûte et le champ de zastrugis (reliefs de neige faits par le vent)… le tout dans une semi-pénombre. Infect ! La nuit nous cueille à l’arrivée au refuge. Pile poil !
Il en faut plus pour entamer le moral de l’équipe qui retrouve vite ses repères au refuge autour des légendaires pastas italiennes, de quelques remontants et de jeux de carte ! Nous voilà à Campo Base pour deux soirs.
Jour 3 : montée à l’Eighier – nuit à Campo Base
Journée de « repos » aujourd’hui. Certains optent pour un repos actif, ski aux pieds, d’autres se laissent aller à plus de douceur… de toute façon on redort à Campo base ce soir, no pression.
Pour l’équipe skieur, l’objectif du jour est un sommet pile au dessus du refuge avec peu de distance et un dénivelé efficace. L’idée c’est de viser la neige transformée dans les pentes sud un peu raide. Aucune envie de renouveler la douloureuse expérience de ski de la veille !
La montagne et les refuges semblent étrangement désertée en ce mois de janvier et c’est pas pour nous déplaire. Heureusement que les bouquetins sont là pour nous faire un peu d’animation !
Nous montons sous l’impressionnante falaise de la Croix Provençale, haut lieu de l’escalade en Val Maïra. Les couches de vêtements tombent les unes après les autres. Un vrai mois de janvril qui nous laisse espérer une neige de qualité printanière.
Après avoir foulé le sommet de l’Eighier, on redescend 100m plus bas pour honorer l’herbe d’une sieste. Non pas qu’on soit faignant mais il faut attendre que la neige se réchauffe bien. C’est ride mais c’est comme ça !
Tout le monde s’abandonne à cette épreuve sans sourciller.
Notre attente sera récompensée par une très belle descente en moquette… qui nous motivera même pour remonter !
Chacun se réconcilie avec le skieur qui vit en lui et qu’il croyait mort la veille dans un champ de croûte !
Ce soir somme tous les soirs à venir nous sommes seuls au refuge. Le gardien nous concocte un repas aux petits oignons… et on prolonge la soirée au rhum et aux cartes. La vie est belle !
Jour 4 : traversée vers le Val Varaita par le Col de Bellino – Nuit au refuge de Mélézé
Journée « obligatoire » aujourd’hui ! Un bon 1300m de dénivelé et de la distance, il va falloir être brave ! Les tracas épidermiques liés aux frottements répétés dans les chaussures commencent à peser lourd dans la balance pour certains. Heureusement l’ambiance est au beau fixe dans la montagne comme dans le groupe, ça aide à supporter !
Au col de Bellino, un petit vent glacial nous motive à différer la pause pique nique. Nous entamons la descente sur le Val Varaita d’abord dans de vastes champs de neige froide tantôt lisse, tantôt poudreux. Après quelques centaines de mètres, nous rentrons dans le lit de la rivière et nous skions son fond. Descente magique dans cet improbable half pipe naturel… un peu plus bas, le half pipe s’escarpe un peu plus et devient un canyon. Je pars en reconnaissance avant d’inviter la bande à me suivre. Le passage clé dit du vagin glacé du jour nous vaudra une belle montée de catécholamine ! Celui que nous dénommerons V. pour respecter son anonymat manque de peu de chuter dans le passage exposé, toute chute ayant eu pour conséquence de se faire aspirer dans un trou d’eau gelée sous une cascade avec peu d’espoir d’en sortir vivant… heureusement le bougre retrouve son équilibre après quelques oscillations et moi ma respiration !
Poursuite sans encombre dans le canyon jusqu’aux alpages au dessus de Mélézé. Dans cette profonde vallée, on profite des derniers rayons de solaire pour s’envoyer paninis, saussiflard et tutti quanti !
Une courte remontée pas prévue pour trouver le pont mettra en avant le caractère profondément animal de certains membres du groupe, prêt à mordre dans l’adversité !
Glissade tranquilou jusqu’au refuge où on peut s’abandonner une fois de plus à nos habituelles activités d’après-ski.
Jour 5 : Monte la Vigna – Nuit au refuge de Mélezé
L’option « 0 » calorie dépensée fait de plus en plus d’adeptes pour les journées facultatives.
Comme avant hier, on vise la moquette dans les raides versant sur qui surplombent le refuge. Encore une journée sans croiser âme humaine qui vive mais foison de chamois. Notre sommet du jour (Monte la Vigna) s’atteint par un court passage en arête, skis sur le sac.
On ski un couloir un peu raide en versant SE, parfaitement revenu ! Un régal.
Après une descente comme celle là, c’est dur d’en rester là. On remonte vers le col de la Reisassetto pour éventuellement basculer de l’autre côté.
Mais avant toute chose, une sieste s’impose et une petite bande d’herbe sous le col nous invite à se prélasser…
C’est fout comme une sieste peut nous apporter des réponses ! Je me réveille avec une idée de descente tout autre. Nous restons sur le versant sud mais basculons dans une vallée cachée où les pentes sud ouest devrait nous offrir du bon ski à cette heure avancée du jour.
Bingo, grande braderie sur la moquette !
Ski excellent jusqu’en bas en contournant (ou pas!) quelques rochers. Bière, pastas, Rhum et tout le tralala pour célébrer cette dernière journée en italienne
Jour 6 : Tête de Malacoste – Nuit au refuge de Maljasset
La plus obligatoire des journées obligatoires ! On est à quelques kilomètres à vol d’oiseau de notre point d’arrivée mais s’il nous fallait passer par la route, c’est au moins 300km de voiture qu’il nous faudrait faire !
Certains pieds sont en piteux état mais il feront encore bien l’affaire pour une journée !
La fatigue de la semaine se fait globalement sentir mais est compensée par l’habitude prise au rythme méditatif de la montée… encore une fois on évolue dans des vallons magnifiques où l’on ne croise que des cabanes d’alpages et des bouquetins.
On regagne le pays natal en même temps que le Col de Malacoste à 3100m. Les moins fatigués et ampoulés montent 100m plus haut jusqu’à la Tête de Malacoste. La récompense est sublime aujourd’hui. Le paysage s’ouvre de toute part et si le monde avait un bout, nous nous y sentirions !
Aujourd’hui l’orientation de la descente ne laisse pas espérer de neige printanière… il nous faut donc jouer la carte poudreuse.
Le vallon d’abord large plonge d’un coup vers le nord dans un couloir d’une centaine de mètre. La neige est au rendez-vous, c’est parti pour une petite razzia de poudre agréablement tassée et sans traces, même après plus de 3 semaines sans neige !! Autant dire que ça skie pas tous les jours dans ce coin !
Moment d’ivresse pour nous dans la montagne. Toutes ces journées passées avec pour seule préoccupation avancer, glisser, manger et rigoler nous rendent parfaitement habiles à jouir profondément de l’instant présent. On se délecte de chaque virage !
Les bonnes choses ont une fin et les bonnes vallées un fond… et même si ce fond est un peu plat, on est comblé par cette journée de grâce !
On retrouve Maljasset, un petit hameau niché aux confins de la Haute-Ubaye. Un petit bout de nulle part pourtant on a l’impression de retrouver la civilisation !
Nous passons une soirée de plus seuls en refuge… et pour les activités du soir, on reste fidèles à nos habitudes !
Jour 7 : Couloir de l’Eyssilloun
Last but not least.
On avait laissé à Maljasset une voiture pour pouvoir rejoindre Fouillouse. L’idée s’est avérée excellente !
Pour finir ce séjour on part tenter notre chance dans un joli couloir au dessus de Fouillouse. Si sur le papier la journée est un cran en dessous des autres par le dénivelé, la montée jusqu’à l’entrée du couloir est bien raide et attaque comme il faut les dernières réserves du groupe ! Les conditions nivologiques nous permettent de « jouer » sans trop de scrupules dans des pentes un peu raides. Faut bien qu’il y ait un avantage à pas avoir de neige fraîche !
Finish en beauté dans le couloir en bonne neige froide… en dessous c’est moins bon alors on se décale sur les contrepentes pour retrouver de la popow de premier choix. Même chose dans la forêt en dessous sur quelques centaines de mètres. Top ! Le bas s’alourdit nettement mais ça tombe bien on est plus très loin du fond de la vallée… et les cuisses lâchent leurs dernières réserves dans la bataille !
Fin de ce magnifique trip !
Bravo à tous pour cette première expérience d’itinérance à ski… le pari était osé mais vous l’avez relevé avec le même brio que certaines annonces au tarot ! Et dans la bonne humeur en plus… Ce fut un grand plaisir pour moi de vous guider durant cette semaine, on remet ça quand vous voulez !