Hivernale à l’Olan, voie Couzy-Desmaison

Hivernale à l’Olan, voie Couzy-Desmaison

Une hivernale! Berk! Mais pourquoi aller trainer ses guêtres dans une face N froide et austère au coeur d’un massif désertifié?? Et en plus dormir la dedans? Gratuitement? Pour le plaisir? C’est du masochisme!!

Et pourtant, en prenant soin de réunir quelques ingrédients de base, l’expérience hivernale des faces N peut être source d’un véritable plaisir!

Quels sont ces ingrédients?

Tout d’abord prenez un anticyclone indestructible et faite le durer sur plusieurs semaines et automatiquement commenceront à germer dans les caboches d’Alpins des embryons d’hivernales envolées.

Ensuite trouvez (à moi que ce soit lui qui vous trouve) un comparse fiable, relativement entrainé, disponible, motivé, avec qui vous avez déjà vécu de solides expériences et si possible doté d’un minimum de sens de l’humour. Bref un authentique compagnon de cordée!

Faites correspondre vos agendas, prévenez votre compagne… Et le tour est joué!

Avec Seb ces ingrédients étaient déjà tous réunis, ne manquait plus que l’agenda! Et en ce jeudi 3 février 2011, alléluïa! Nous partons!

Faire son sac pour la Couzy desmaison

Rasoir électrique, déodorant, game boy...

Notre choix s’orientera vers la Couzy-Desmaison à l’Olan. Il a neigé quelques centimètres en début de semaine sur l’Est et le Nord du massif et des projets comme la Russemberger au Pic sans nom ou la Devies à l’Ailefroide risquent de devenir d’authentiques galères dans les passages dalleux déjà peu protégeables en été…

A l’Olan, il n’a pas neigé et la face est quasiment verticale sur 500m!

L’approche par le vallon est un vrai régal malgré le poids des sacs… Première visite hivernale de ce vallon pour Seb et totale découverte pour moi, je suis sous le charme…

Au bout d’une petite heure de ski, la face NW apparait à nos yeux donnant soudainement toute sa dimension au projet!

La face NW de l'Olan apparait

Le vallon de Font Turbat barée par L'Olan

Au pied de la face NW de l'Olan

Face NW de l'Olan, un bel assemblage minéral

Le refuge est atteint en trois bonnes heures et sera pour nous seuls ce soir! Le luxe!

Le refuge d'hiver de Font Turbat

Refuge d'hiver de Font Turbat, charmant!

Vendredi 4 février : entrée! une heure d’approche en ski jusqu’à la rimaye et c’est parti pour deux journées bien remplies. L’avantage de la face NW de l’Olan en hiver c’est qu’une bonne partie du socle s’évite par le couloir central.

Ca grimpe quand même au dessus de la rimaye, avec un premier ressaut de glace de 15m pour ouvrir le bal suivi d’un deuxième ressaut d’environ 40m en grade 4. Les broches ne seront pas inutiles!

A la sortie du deuxième ressaut en repartant, alors que je l’assure du haut, Seb se ramasse le contenu d’une baignoire d’eau glacée fourbement retenue par une fine couche de glace. Cette douche froide a bien failli geler notre projet mais après inspection du bonhomme, il semblerait que son caleçon et son tee shirt soit sec, ouf!

On quitte le couloir peut avant qu’il ne bute sur le rocher et l’ascension continue alternant pentes neigeuses et passages mixtes. Jusqu’au pied de la muraille.

Au pied de la muraille de la face NW de l'Olan

C'est au pied du mur qu'on voit le mur

Le début de la muraille se contourne à droite par une « rampe » mixte.

Nico à la sortie du mixte de la Couzy Desmaison

La fin de l'apéritif est proche

Pour la petite histoire nous sommes partis involontairement sans topo, ce qui nous a valu quelques tergiversations très chronophages.

Cette photo par exemple est un flagrant délit de fourvoiement. Nous quittons la « rampe » au pied de la face trop tôt, ce qui me vaudra un petit pendule suivi d’un bon passage athlétique! Il aurait fallu remonter encore la « rampe » et traverser une 50aine de mètres plus haut.

Nico dans une grande traversée mixte

Larguer les amarres dans cet océan minéral

Zoom sur nico dans une grande traversée mixte

Alpiniste en proie à un profond questionnement

Une longueur plus tard, notre coeur balancera encore entre moults options que par pure curiosité scientifique Seb essaiera les unes après les autres! Encore deux longueurs exigeantes et nous accostons sur un névé suspendu dans la face sur lequel du bas nous avions pas mal spéculé espérant y trouver un confortable bivouac. Mixtus, divinité des faces N, nous a entendu, cet endroit 4* sera un des seuls beaux bivouac que nous croiserons dans la face.

Avant de poser le camp, nous fixons une longueur de corde au dessus du bivouac afin d’attaquer au plus tôt le lendemain. Un bon V+ que je prend plaisir à grimper sans le sac!

dernière longueur du premier jour au dessus du bivouac

Dernière longueur du premier jour, le soleil sera pas pour aujou'hui!

Le soleil est tout proche mais nous resterons dans l’ombre toute l’ascension!

Quelques travaux de terrassement plus tard, nous voilà confortablement installés. Petit gueuleton et coup de génépi avant une bonne petite nuit, au delà de nos espérances. Chose relativement incroyable, en réglant le réveil, je m’aperçois que le téléphone capte à cet endroit improbable, alors que j’ai parfois des problèmes de réseau à Briançon…

Seb au bivouac

En voilà un que la milice ne viendra pas déloger!

Samedi 5 février : plat de résistance! La journée attaque au petit jour par la remontée des cordes fixées la veille. De quoi bien se réchauffer! La longueur du dessus grimpe pas mal encore (V) et nous dépose au pied de l’artif. Nous découpons ce passage très aérien en trois petites longueurs.

Seb dans la deuxième longueur d'artif de la Couzy Desmaison

Seb se régale dans l'artif du bas

A la sortie de l’artif, après une grande traversée à gauche, le cheminement n’est pas évident et l’absence de topo nous conduira dans quelques variantes pas évidentes. Avant l’artif du haut de la face, j’ai notamment rendu visite à une fissure verticale, jugée IV+ du bas, qui s’avèrera être un bon VI scabreux où les quelques bacs en place n’attendaient que mon passage pour rompre tous lien avec la roche mère!

Longueur avant l'artif du haut de la couzy desmaison

Flagrant délit de fourvoyage

Cette longueur nous dépose à quelques encablures d’un dièdre bien caractéristique. D’après la gardienne de Font Turbat, un petit éboulement a modifié l’itinéraire. Nous avons grimpé en artif une fine fissure déversante 20m à gauche du dièdre qui débute après une 10aine de mètres en V. A gauche de cette fissure, un ou deux pitons indiquent quelques passages.

Seb se régalera dans cette fissure accueillante pour les camalots, enfin surtout le 0.4, ce qui obligera Seb à le récupérer plusieurs fois. Quelques pitonnages et le tour est joué! Y a plus qu’à déséquiper!

Nico dans l'artif du haut de la Couzy desmaison

Dans la longueur d'artif du haut

Nico plein gaz dans l'artif du haut

Suspendu plein gaz!

Nico dans l'artif du haut de la Couzy desmaison

Un p'tit clou, des p'tit clous, toujours des p'tits clous!

Sortant de l’artif, c’est quand même pas fini! Encore deux braves longueurs (c’est fou comme le V+ en hiver nous parait 7b), à l’itinéraire rusé nous attendent.

La longueur après l'artif du haut

V+ Desmaison certifié conforme

Le vent s’est bien levé durant la journée et refroidit bien l’ambiance. Et le soleil à quelques mètres de nous nous nargue! Toute la face est au soleil sauf nous bien à l’ombre d’un éperon (visible sur la photo ci-dessous : zone d’ombre tout en haut de la face).

La face NW de l'Olan au soleil du soir

Du soleil partout sauf à l'ombre!

Enfin en bout de longueur, Seb goutera le luxe de quelques secondes de soleil, pas volées!

Quelques rochers brisées faciles nous sortent de la face à la tombée de la nuit. Grande joie!

Court moment d’extase… Et bien vite les questions terre à terre reviennent. Qu’est ce qu’on fait? Bivouac ici ou descente? Le vent bien soutenu ne nous motive guère au bivouac et nous attaquons donc la descente par l’arête Nord que en alternant désescalade et rappels. Au hasard de l’errance du faisceau de la frontale nous apercevons de temps à autres des brins de génépis, bien déséchés, comme nous! Enfin, sortis des difficultés de l’arête, nous nous octroyons une bonne pause réhydratation avant d’entamer la descente de la brêche de l’Olan.

Récup des skis sous la rimaye. Un peu de friraillde jusqu’au refuge. Un réchaud qui ronronne. Un poèle qui nous enfume et bientôt on s’échoue sur les matelas pour un repos bien mérité.

Dimanche 5 février : le dessert! Descente du refuge, on regrettera pas les skis! y a plus qu’a se laisser glisser! Il ya même quelques bons virages de poudre à prendre!

Au retour de la Couzy desmaison à ski

Rentrer maison moi

Portrait des lascars après la Couzy desmaison

La cordée : pochtrons ou alpinistes heureux?

Arête Sud de l’Olan

Arête Sud de l’Olan

Un semaine après notre virée à la traversée des Aiguilles de Sialouze et à l’éperon Renaud aux Tenailles de Montbrison, nous reconstituons avec Tibo et benoit le trio de choc!

L’arête Sud de l’Olan. Je ne sais pourquoi notre choix s’est porté vers cette voie un peu abandonnée… Au refuge déjà où nous sommes allé boire quelques coups avant de rejoindre notre bivouac, le gardien accueille hilare notre projet d’ascension : « c’est marrant ça fait deux fois en 20 ans qu’on me parle de cette arête, et les deux fois c’est cette année! ». Normal après tout puisque le précédent a lui en avoir parlé ben c’était moi lors d’une précédente visite!

Au final c’est un itinéraire qui mérite une visite : le rocher demande un peu d’attention par endroit mais est globalement bon à très bon, avec des belles petite section de grimpe se prêtant plutôt bien à la pose de camalots

Vu l’enneigement (face platré la veille par 10cm de fraiche), nous avons préféré rejoindre l’arête S au plus haut en passant par le glacier de l’Olan mais il est possible d’attaquer l’arête bien plus bas en passant par le pas de l’Olan pour aller chercher une vire en face W de l’arête.

Jusqu’à la brèche Escarra tout s’est déroulé à merveille, malgré un peu de lenteur due à la neige et au froid.

La descente du couloir issu de la brèche s’avère impossible vu les conditions de neige. Nous optons donc pour une descente en rappel en se disant qu’on rencontrera forcément un relais vu qu’on doit pas être les premiers à redescendre. Et bien que nenni!! La descente a été bien fastidieuse à chercher des becquets acceptables sous la neige.

Comble de bonheur, absorbés par l’action (et probablement un peu atteint par la fatigue) nous avons loupé la vire de la voie normale et donc continué notre descente hasardeuse jusqu’au bout du couloir qui aboutit au dessus d’une barre rocheuse verticale voire surplombante qui domine le glacier. Et là paroxysme de la suprême béatitude, non content de ne pas savoir du tout comment poursuivre la descente, nous trouvons opportun de ne pas parvenir à rappeler cette fichue corde celle ci-étant par ailleurs purement et simplement coincée.

Chance dans notre malheur, étant donné que nous n’avons pas pu tirer la corde d’un seul centimètre, nous disposons des deux brins pour remonter. Le couloir à cette endroit présente plusieurs ruptures de pente nette que les grimpeux nomment « surplomb » d’où une remontée sur corde pas piquée des vers (avec une corde détrempée et donc des autobloquants qui coulissent mal). Finalement la corde été coincée uniquement par le frottement de la corde trempée sur la sangle de relais (on avait cru bon d’économiser un maillon rapide, l’avarice et la paresse sont deux péchés!).

Bilan : il commence à se faire presque huit heures du soir, on est au dessus d’une barre de plus de 50m à vue de nez et pas le moindre becquet pour y faire relais. ça sent donc pas très bon. Finalement par une grande traversée puis une désescalade un peu foireuse sous le départ du pilier Anne, un becquet candidate… après moult tergiversations de groupe portant notamment sur la solidité du becquet, sur la hauteur qui nous sépare du glacier et sur certains aspects météorologiques et temporels nous parvenons à la conclusion que la meilleure solution pour éviter de passer une nuit à grelotter vachés à ce pauvre becquet au lieu de boire des bières et manger des pâtes dans la vallée, c’est de fixer la corde pour descendre 100m d’un coup avec, en plus de l’abandon de notre bonne vieille corde, un petit passage de nœud dans une zone que nous suspectons très verticale.

C’est donc la queue entre les jambes que je me lance dans ce rappel et ô miracle! Allah est grand! La corde caresse délicatement la lèvre de la rimaye. Que d’érotisme! J’en verse une larme d’émotion. Donc grand bousculement dans le programme : pas d’abandon de corde et tout le monde sur le glacier un quart d’heure après!

Longue et éprouvante descente jusque dans la vallée mais heureux de vider quelques bières en pensant à la bien pénible nuitée qui nous pendait au nez!

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