Voie Fourastier – Ailefroide
Depuis Marseille et Montpellier, nous hésitons longtemps avec JEan avant de venir dans les Alpes. La météo annoncée le vendredi n’est pas idéale pour se lancer dans une grande face Nord comme la voie Fourastier à l’Ailefroide. Nous sommes prêts à renoncer.
Samedi matin, rebondissement : la prévision météo s’améliore et semble nous ouvrir un court créneau pour Dimanche avec retour du mauvais dans l’après midi. Concertation, hésitation : et pis zou, allez, allons-y!
On arrive en fin d’aprèm à Ailefroide où l’on s’envoie au passage premier de Corvée, une grande voie Cambon pas trop vilaine. Quand j’y pense restrospectivement, nous étions bien affamés de montagne!
On monte « dormir » au pré de Madame Carle. Plutôt que dormir je dirais passer quelques heures en position horizontale à essayer de calculer l’incalculable, de prévoir l’imprévisible, de faire 20 fois son sac dans la nuit tout en se disant qu’on ferait bien mieux de dormir.
1h du matin, départ du Pré de madame Carle afin de monter tranquillement au pied de la face. Et effectivement, il est de bon ton de conserver quelques forces pour cette belle envolée!
A notre grande surprise la nuit est parfaitement étoilée et l’air piquant. Bon regel, c’est de bonne augure pour la suite!
La voie débute par des pentes de neige polystirène à 70°, improtégeable ça va de soi mais quel bonheur à grimper. Ce ne devrait pas rester très longtemps en condition. Sur les bords, l’eau n’est pas loin!
Pas de glace dans les goulottes de la branche droite du Y. Ca passe en plusieurs endroits toujours dans la neige polystyrène.
Après c’est plus la même, la pente est chargée de neige récente humide et pas encore bien transformée. Du coup on s’enfonce jusqu’à mi mollet. C’est pas le goulag mais à la longue ça use.
L’ambiance près du sérac est vraiment sympatique. Rien à craindre dans la Fourastier on est jamais exposé à ce monstre.
Dans le haut de la pente, les conditions se dégradent sournoisement. La pente se redresse ljusqu’à 50° et la neige ne porte plus du tout. On vient buter sous le dernier ressaut.
La fameuse rampe de mixte se dessine environ 50m à notre gauche. La neige est toujours aussi mauvaise et avant de partir dans le mixte on s’aperçoit non sans un brin d’émotion que la neige sur laquelle nous tenons est directement plaquée sur le rocher à 50°. Gloups!
La première longueur de mixte (20m) est laborieuse et c’est peu que de le dire. Dans la plus pure tradition du mixte foireux! La même mauvaise neige, des pas très délicats sur les pointes avant des crampons, les piolets gratonnant à l’aveuglette d’hypothétiques prises. Le tout, sinon ça serait pas drôle, 10 mètres au dessus du dernier point, un camalot foireux coincé entre deux plaques soudées par le pseudogel, ce camalot protégeant le relais constitué par les deux jambes du compère qui commence à sérieusement se demander ce qu’il fout là! Quelques vulgaires insanités plus tard, j’arrive à faire un relais correct.
La deuxième longueur (25m) est moins exigeante mais présente aussi son lot d’émotion avec quelques blocs en pélerinage pour le glacier noir.
La troisième longueur c’est la longueur typique où on a l’impression d’en bas que ça s’arrange, que « ça a l’air protégeable et pas trop dur » alors que c’est la pire. Jean y passera je pense une des plus mauvaises heure de sa vie. Deux passages se révèlent déversant mais le plus dur n’est pas de s’y engager mais de se rétablir avec rien de mieux que cette fichue neige molle sans aucune tenue, les pointes avant des crampons gratonnant des réglettes déversantes. Expo cette affaire! « Chapeau bas, fallait le faire » « Non, non, fallait bien le faire » « ouais, il aurait peut être mieux fallu ne pas le faire » « Bon, et maintenant tu crois que ça va le faire? ». Quelques petites réflexions après ces 25 mètres pas près d’être oubliés.
Sans trop de difficultés, les derniers 30m jusqu’à la brêche sont avalés. Dans la bagarre du mixte, le décor a changer sans que nous nous en apercevions. Le ciel est bouché, il tombe quelques flocons et le plafond nuageux descend. Deux options: finir tant bien que mal ce que l’on a commencé en sortant à la Pointe Fourastier pour aller chercher la descente normale. Ou alors s’engager dans la descente du couloir issu de la brêche dont on a vaguement le souvenir d’avoir lu ou entendu quelque part que ça se faisait.
Il fait froid, le mixte a déposé sur l’arète deux alpinistes entamés et la météo n’est pas très prometteuse. Va pour la descente de la brêche.
Aucun problème dans la descente, ça fait plaisir. On y laissera quelques sangles pour reéquiper des relais . Pas toujours évident à trouver ces relais avec la neige. Attention quand même, pour installer le deuxième relais de rappel, on est descendu quasiment en bout de corde (60m) et on a pas vu de relais avant (peut être sous la neige), donc mefi si votre corde est un peu courte!
La remontée pour récupérer la voie normale de l’Ailefroide Orientale fut l’occasion de visiter une belle crevasse, cachée sous un vieux paquet de neige humide. Brassage en règle pour rejoindre les vires. Et la pluie vient rajouter sa touche personnelle à cette aventure en train de se transformer en calvaire.
Ce fut long jusqu’à Ailefroide, trempés jusqu’à l’os.
Et à l’arrivée rien d’autre nous attend vu que la voiture se trouve au Pré de Madame Carle. Il est 20h, un dimanche soir sous la flotte. Le stop c’est pas gagné. Jean le vaillant s’enfile donc en digestif les 5 km jusqu’au Prè.
Longue journée, où la surdose de fatigue, de moment scabreux et le retour humide finissent quand même par contrebalancer le plaisir d’être en montagne!!
Sans parler des 5 heures de route pour rejoindre nos matelas respectifs avant de partir bosser quelques petites heures après!
Bref, l’alpinisme au WE a ses limites.