Mont Blanc : Traversée Miage – Bionnassay

Mont Blanc : Traversée Miage – Bionnassay

Après les trois semaines d' »expédition » avec Jade dans les Ecrins et le retour à la Meije quelques jours avant, je me sens plutôt en forme.

Fabrice est motivé aussi par un beau projet. Après mon but l’an dernier au Mont-Blanc, j’ai bien envie de récidiver mais par un itinéraire moins couru que la voie normale.

Nous ne mettons pas longtemps à nous décider pour la traversée royale. Faut pas l’appeler comme ça il parait, mais c’est quand même plus court que la traversée Miage – Bionnassay – Mont-Blanc – trois Monts à la descente!

Deux amis de fabrice se joignent à nous.

J1 : nous montons dans la grisouille jusqu’au « refuge » des Conscrits, une belle usine à gaz! Quelques doutes sur la météo quand même! Carpe diem, nous misons au moins sur les Dômes de Miage!

J2 : nous sommes quelques cordées à nous élancer (sans trop d’élan non plus) le matin en direction de l’Aiguille de Bérangère (pas vue la Bérangère). Ensuite, c’est un vrai régal. On est quasi constamment sur le fil des Dômes de Miage avec en fond d’écran le Mont-Blanc et tout l’itinéraire du lendemain… La classe. La plupart des cordées qui ont partagé notre petit déjeuner se sont arrêtés à l’Aiguille Bérangère ou font « seulement » les Dômes de Miage. Du coup passés les Dômes, on retrouve une certaine solitude. Petite pause sur les rochers où j’aurais un éclair de génie : poser mon casque sur le côté rond, pour être sur qu’il ne soit pas trop stable! Le casque trop content de pouvoir enfin vivre sa destinée s’est lancé dans une folle descente versant italien. J’ai voulu m’opposer à cette cruelle déchirure mais j’ai bien vite compris que cela risquait de nuire à mon espérance de vie… Je crois même mettre dit pendant une seconde qu’un jour j’irai le rechercher… Oui, oui, bien sur…

… le deuil du casque est rapidemment fait avec un bon sandwich entre les mains et on se remet en route vers le refuge Durier. De loin, le refuge parait tout petit. Plus on se rapproche, plus on se rend compte que le refuge est vraiment tout petit! Une vrai petite boite d’allumettes, accrochée à la montagne dans laquelle s’entassent les alpinistes… Heureusement nous ne sommes pas très nombreux, une petite quinzaine d’allumettes. Mais cela impose déjà au gardien de faire plusieurs services sur sa petite table pour6 personnes. La météo est nickel pour le lendemain avec un peu de vent… Le soir devant une bière, on se fait tous les scénarios pour le lendemain

J3 : nous faisons parti du deuxième wagon de petits déjeuner. Finalement c’est bien plusieurs services… ça décale les départs sur la trav’. Du coup nous ne seront jamais génés de la journée ni par nos prédécesseurs ni par nos poursuivants!

Petit prélude en neige. On arrive au levé du soleil dans la section rocheuse.Le rocher est pas des meilleurs partout mais c’est bref. On rejoint ensuite le fil jusque sous l’aiguille de Bionnassay. Comme on est toujours pas certains d’être tous assez en forme pour aller jusqu’au Mont-Blanc, on shunte l’aiguille de Bionnassay… Avec le recul c’est con quand même, il devait rester même pas 50m! C’est pas ça qui nous aurait fait basculer dans le rouge.

Mais peut-être aussi que toute notre attention était captée par ce qui nous attendait passé l’aiguille : ce fil de neige tendu entre l’Italie et la France, cette arête de neige suspendue sur des rebords de 800m, ce passage qui fait la légende de cette traversée, une des plus belle des Alpes… Un poil de tension. Comment être indifférent à ce vertigineux chemin? Sur environ 100m, il faut marcher vraiment sur le fil et assurer ses pas… La stratégie d’assurage, tout le monde la connait : sauter de l’autre côté de l’arête si votre compagnon trébuche… Très efficace mais intellectuellement peu stimulant.

Démontrant là un évident manque de curiosité quand aux techniques alpines, aucune des cordées que nous sommes aujourd’hui sur ce rasoir de neige ne tentera l’aventure.

Arrivé au Dôme du Goûter, on évalue la fraicheur des troupes. C’est variable mais tous le monde est open pour continuer. Pour ma part, je vis dans la montagne quasiment en continu depuis un mois, je suis parfaitement entrainé et acclimaté : en bref j’ai la patate… c’est un vrai plaisir d’être là fringuant, surtout quand je repense à l’année passée!

La montée sur l’arête des Bosses se passe bien même si ça commence à caler légèrement pour certain membre de l’équipage. ça rale, ça souffle, ça dit que ça peut pas, mal à la tête… Puis finalement, à l’arrachée, nous sortons tous au sommet, bien heureux! Il est 10h45. On profite d’un sommet quasiment désert. Le pied… Le vent finit quand même par nous chasser.

A part mal de casque et nausées pour deux de nous quatre, tout baigne. Il est tôt, nous avons largement le temps de redescendre par les Trois Monts jusqu’à l’aiguille du Midi. D’autant plus qu’en redescendant, les effets de l’altitude s’atténueront.

La « descente » des trois Monts comporte au fait deux faux plats montants un peu longuets. Quand on commence à être dans le rouge ça compte! Le passage de la rimaye du Maudit est complètement folklo. Tout ce que je déteste en haute montagne : la connerie humaine transposée à la haute altitude. Un embouteillage sans communication, où tout le monde veut tirer son épingle du jeu au détriment des autres. Après avoir attendu sagement notre tour pour descendre proprement en rappel et s’être rendu compte qu’on se faisait gratter sans scrupules par tous les nouveaux candidats, nous avons nous mêmes fait les veaux et balancé notre corde dans le « tas ». Pas très fier avec le recul.

Deux membres de notre équipage commencent à sérieusement ramper et la remontée des 200m de l’arête de l’aiguille du Midi sera pour eux un vrai calvaire, la croix en moins…

Le retour vers la vallée est surréaliste. Bienvenue à Chamonix où en quelques minutes on passe du monde des glaces à celui des marchands de glace. Choc brutal après trois jours en montagne mais qu’est ce qu’on est heureux!

Cette traversée de Bionnassay est probablement une des plus belles façon de gravir le Mont Blanc dans un niveau de difficulté raisonnable. La montée en 3 jours permet de peaufiner son acclimatation et de mettre dans sa besace au passage les très esthétiques Dômes de Miage.

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