Roche Faurio

Roche Faurio

Je laisse le soin à mes deux compagnons, journalistes de leur état de faire le compte rendu de notre ascension de la Roche Faurio que nous avons réalisé pour se préparer à l’ascension du Mont Blanc. Rien à dire mes deux artistes ont été impériaux et ont su dominer leurs démons sur l’impressionante arête sommitale de Roche Faurio!

Récit de Denis

Le compte à rebours pour le Mont-Blanc commence donc pour nous par la Roche Faurio (3730m). Nous ne connaissons pas vraiment ce sommet, nous sommes confiants. On s’attend à une simple balade en haute montagne pour nous mettre en jambe… La veille à table, Nico nous explique laconiquement « Demain la Roche Faurio c’est une course à dominante neige avec un petit bout d’arête à la fin, pas bien méchant »

Heureusement, que nous ne savions pas ! Au début, tout se passe bien. A l’aube, Il ne fait pas froid. Nous sommes la cordée de tête et Nico fait la trace dans les 20 cm de neige fraîche. Nous traversons sans souci nos premiers ponts de neige au dessus des crevasses. Le ciel est toujours bouché et nous ne voyons pas le sommet de la montagne. Mais, après 2 heures d’effort, cela va se corser. La Roche Faurio porte bien son nom, on aurait pu s’en douter !

Le final est une arête de rocher, vertigineuse, sur une trentaine de mètres. Ça se corse pour nous deux. Nous admirons Nico qui sautille d’un bloc à l’autre comme s’il était sur un trottoir malgré 500 mètres de vide de chaque côté. Assurés par ses soins, nous rampons à sa traine comme des lézards, « accrochés aux rochers comme des moules dans le bassin de Thau » dira Ludo.

Nous sommes pathétiques. Nos jambes flageolent. Nos crampons ripent sur le rocher et nous avons du mal à maintenir nos prises. Après une vingtaine de mètres, Nico nous pose la bonne question : « Les gars, vous n’êtes pas obligés d’aller au sommet. Si vous ne le sentez plus, on retourne en arrière, aucune obligation d’aller là haut si ça vous amuse pas. Rassurez-vous, le Mont Blanc sera de toute façon moins dur techniquement » ajoute t-il pour ne pas nous faire perdre la face. Nous nous regardons avec Ludo. On ne sait plus quoi faire. Abandonner à la première peur, ce ne serait pas bon pour la suite. Nous devons vaincre nos démons, la peur de glisser, le vertige. « Putain, mais c’est vraiment haut ce truc ». Il faut se raisonner. Notre guide a enroulé la corde sur un béquet. Il ne peut rien nous arriver, au pire une petite glissade «  Allez, je lui dis, on va au sommet. » sans réfléchir vraiment à ce que je viens de proposer.

A force de fermer les yeux, nous avons fini par rallier l’arête sommitale. Mais nous ne profitons pas du moment ni de la vue, toujours bouchée. Cela se voit dans nos regards, nous redoutons déjà la descente par le même itinéraire escarpé. C’est bizarre une montagne. Le but est d’atteindre le pic puis tout de suite de le redescendre tellement cela file la frousse.Finalement la descente passe bien plus vite que prévu et mieux que la montée. L’esprit de l’alpiniste monterait-il en nous?

Cette mise en bouche sera déterminante pour le succès de notre apprentissage. Nous avons vaincu la peur sur La Roche Faurio, même si cela ne fait pas de nous de grands alpinistes. Notre guide a su être à l’écoute pour nous donner confiance. Tout va bien.

Au retour, les autres cordées arrivées derrière nous nous saluent : «  merci d’avoir fait la trace. C’est bon là-haut ? » Oui, c’est bon, ça passe ! Nous pouvons relever la tête. Nous n’avons pas lâché l’affaire.

De retour au refuge des Ecrins, nous nous payons une bonne bière à 4,5€ pièce. Mais, à cette altitude, elle les vaut. Deux gorgées plus tard nous rigolons déjà bêtement en se remémorant les moments sur l’arête « Quelle tête on faisait là haut ? hein Nico. Ah, Ah, Ah! Franchement, quelle frousse on a eu. A des moments, on ne pouvait ni avancer ni reculer ». Nous en pleurons tout en mangeant un bon plat de pâtes à la carbonara servi par Katarina, la serveuse slovaque.

L’après midi passe ensuite à toute vitesse. Nous plongeons la tête la première dans des récits de montagne édités par la maison Guérin. Il y en a une bonne dizaine sur les étagères du refuge. Ce sont des beaux bouquins à la couverture rouge avec plein d’aventures à vous foutre froid dans le dos. Je me fais peur en lisant le livre de Walter Bonatti «  K2 : la vérité »  ou celui de Jean-Christophe Lafaille intitulé «  Prisonnier de l’Annapurna ». Avec un peu de recul, la petite frousse en haut de la Roche Faurio paraît bien ridicule.

A 19h00, Jeannot donne la messe du jour « Demain, c’est du beau » et de conclure « plier vos couvertures, ça nous aidera à garder le sourire. » avant de recevoir une standing ovation par les 130 alpinistes qui remplissent le refuge. Une bonne douzaine de cordées font le Dôme des Ecrins demain. Cette cohue relative nous rapproche de l’ambiance Mont Blanc.

Mont Blanc : Traversée Miage – Bionnassay

Mont Blanc : Traversée Miage – Bionnassay

Après les trois semaines d' »expédition » avec Jade dans les Ecrins et le retour à la Meije quelques jours avant, je me sens plutôt en forme.

Fabrice est motivé aussi par un beau projet. Après mon but l’an dernier au Mont-Blanc, j’ai bien envie de récidiver mais par un itinéraire moins couru que la voie normale.

Nous ne mettons pas longtemps à nous décider pour la traversée royale. Faut pas l’appeler comme ça il parait, mais c’est quand même plus court que la traversée Miage – Bionnassay – Mont-Blanc – trois Monts à la descente!

Deux amis de fabrice se joignent à nous.

J1 : nous montons dans la grisouille jusqu’au « refuge » des Conscrits, une belle usine à gaz! Quelques doutes sur la météo quand même! Carpe diem, nous misons au moins sur les Dômes de Miage!

J2 : nous sommes quelques cordées à nous élancer (sans trop d’élan non plus) le matin en direction de l’Aiguille de Bérangère (pas vue la Bérangère). Ensuite, c’est un vrai régal. On est quasi constamment sur le fil des Dômes de Miage avec en fond d’écran le Mont-Blanc et tout l’itinéraire du lendemain… La classe. La plupart des cordées qui ont partagé notre petit déjeuner se sont arrêtés à l’Aiguille Bérangère ou font « seulement » les Dômes de Miage. Du coup passés les Dômes, on retrouve une certaine solitude. Petite pause sur les rochers où j’aurais un éclair de génie : poser mon casque sur le côté rond, pour être sur qu’il ne soit pas trop stable! Le casque trop content de pouvoir enfin vivre sa destinée s’est lancé dans une folle descente versant italien. J’ai voulu m’opposer à cette cruelle déchirure mais j’ai bien vite compris que cela risquait de nuire à mon espérance de vie… Je crois même mettre dit pendant une seconde qu’un jour j’irai le rechercher… Oui, oui, bien sur…

… le deuil du casque est rapidemment fait avec un bon sandwich entre les mains et on se remet en route vers le refuge Durier. De loin, le refuge parait tout petit. Plus on se rapproche, plus on se rend compte que le refuge est vraiment tout petit! Une vrai petite boite d’allumettes, accrochée à la montagne dans laquelle s’entassent les alpinistes… Heureusement nous ne sommes pas très nombreux, une petite quinzaine d’allumettes. Mais cela impose déjà au gardien de faire plusieurs services sur sa petite table pour6 personnes. La météo est nickel pour le lendemain avec un peu de vent… Le soir devant une bière, on se fait tous les scénarios pour le lendemain

J3 : nous faisons parti du deuxième wagon de petits déjeuner. Finalement c’est bien plusieurs services… ça décale les départs sur la trav’. Du coup nous ne seront jamais génés de la journée ni par nos prédécesseurs ni par nos poursuivants!

Petit prélude en neige. On arrive au levé du soleil dans la section rocheuse.Le rocher est pas des meilleurs partout mais c’est bref. On rejoint ensuite le fil jusque sous l’aiguille de Bionnassay. Comme on est toujours pas certains d’être tous assez en forme pour aller jusqu’au Mont-Blanc, on shunte l’aiguille de Bionnassay… Avec le recul c’est con quand même, il devait rester même pas 50m! C’est pas ça qui nous aurait fait basculer dans le rouge.

Mais peut-être aussi que toute notre attention était captée par ce qui nous attendait passé l’aiguille : ce fil de neige tendu entre l’Italie et la France, cette arête de neige suspendue sur des rebords de 800m, ce passage qui fait la légende de cette traversée, une des plus belle des Alpes… Un poil de tension. Comment être indifférent à ce vertigineux chemin? Sur environ 100m, il faut marcher vraiment sur le fil et assurer ses pas… La stratégie d’assurage, tout le monde la connait : sauter de l’autre côté de l’arête si votre compagnon trébuche… Très efficace mais intellectuellement peu stimulant.

Démontrant là un évident manque de curiosité quand aux techniques alpines, aucune des cordées que nous sommes aujourd’hui sur ce rasoir de neige ne tentera l’aventure.

Arrivé au Dôme du Goûter, on évalue la fraicheur des troupes. C’est variable mais tous le monde est open pour continuer. Pour ma part, je vis dans la montagne quasiment en continu depuis un mois, je suis parfaitement entrainé et acclimaté : en bref j’ai la patate… c’est un vrai plaisir d’être là fringuant, surtout quand je repense à l’année passée!

La montée sur l’arête des Bosses se passe bien même si ça commence à caler légèrement pour certain membre de l’équipage. ça rale, ça souffle, ça dit que ça peut pas, mal à la tête… Puis finalement, à l’arrachée, nous sortons tous au sommet, bien heureux! Il est 10h45. On profite d’un sommet quasiment désert. Le pied… Le vent finit quand même par nous chasser.

A part mal de casque et nausées pour deux de nous quatre, tout baigne. Il est tôt, nous avons largement le temps de redescendre par les Trois Monts jusqu’à l’aiguille du Midi. D’autant plus qu’en redescendant, les effets de l’altitude s’atténueront.

La « descente » des trois Monts comporte au fait deux faux plats montants un peu longuets. Quand on commence à être dans le rouge ça compte! Le passage de la rimaye du Maudit est complètement folklo. Tout ce que je déteste en haute montagne : la connerie humaine transposée à la haute altitude. Un embouteillage sans communication, où tout le monde veut tirer son épingle du jeu au détriment des autres. Après avoir attendu sagement notre tour pour descendre proprement en rappel et s’être rendu compte qu’on se faisait gratter sans scrupules par tous les nouveaux candidats, nous avons nous mêmes fait les veaux et balancé notre corde dans le « tas ». Pas très fier avec le recul.

Deux membres de notre équipage commencent à sérieusement ramper et la remontée des 200m de l’arête de l’aiguille du Midi sera pour eux un vrai calvaire, la croix en moins…

Le retour vers la vallée est surréaliste. Bienvenue à Chamonix où en quelques minutes on passe du monde des glaces à celui des marchands de glace. Choc brutal après trois jours en montagne mais qu’est ce qu’on est heureux!

Cette traversée de Bionnassay est probablement une des plus belles façon de gravir le Mont Blanc dans un niveau de difficulté raisonnable. La montée en 3 jours permet de peaufiner son acclimatation et de mettre dans sa besace au passage les très esthétiques Dômes de Miage.

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