A peine rentré d’une semaine délirante dans le massif des Ortles, c’est une nouvelle découverte qui m’attend en compagnie de Frank et Antoine : la Valpelline où nous jouerons pendant 3 jours à saute mouton entre Valais suisse et Val d’Aoste Italien… des frontières plus faciles à passer là haut que sur la route!
Avec Frank et Antoine, nous n’en sommes plus à nos galop d’essai, tout roule! Nous avons déjà quelques belles aventures au compteur, la confiance et la complicité sont bien installées entre nous! Tant mieux, cela permet de faire face tranquillement aux petits imprévus, comme cette route fermée 4km plus tôt que prévu! Bilan du premier jour : une longue approche jusqu’à Prarayer, puis jusqu’au refuge Nacamuli qui nous garantit une solitude quasi parfaite… Avec Antoine, on continue au dessus du refuge pour aller se dérouiller les guiboles dans une petite moquette premier choix après une tentative peu fructueuse dans un couloir vers la Pointe Kurz!
L’accueil à Nacamuli par Petro et Cesare vaut le détour… La ligne téléphonique plus qu’intermittente rend très aléatoire toute tentative de réservation… Les joviaux et flegmatiques gardiens nous accueillent donc à la volée, persuadés de ne voir personne pour plusieurs jours (ce qui ne les dérangent visiblement pas!). Ici c’est le gardien qui te demande la météo! Ou qui propose de t’accompagner le lendemain (si tu te lèves pas trop tôt)! Et qui te cuisines en 2 temps 3 mouvements un parfait risotto (en entrée bien sûr) en chantant à tue tête dans sa cuisine… Du bel accueil quoi! On est loin des préoccupations (trop) commerciales de certains gardiens.
Deuxième jour : aujourd’hui nous faisons une petite incursion en Suisse! On grimpe à la Pointe Kurz, antécime du Mont-Brulé, par des pentes faciles puis un peu plus raides sur la sortie, skis sur le sac obligatoire. Pas âme qui vive autour de nous. Les sommets environnants nous apparaissent au gré de la danse aléatoire des nuages. L’ambiance et les lumières changeantes nous assurent le spectacle du jour. Nous hésitons quelques instants sur les options de descente, toutes attirantes… Finalement on opte pour le versant suisse pour rejoindre le haut Glacier d’Arolla. Après un début de descente décapé par le vent, à rider les zastrugis on bascule sous l’œil de la Vierge dans d’excellentes pentes en poudreuse… et c’est pas pour nous déplaire! Les bons virages s’enchaînent et nos cris de joie viennent rompre le parfait silence qui règne en ces hauts lieux!
On repeaute pour traverser le glacier et gagner le Col Brulé. On se sent bien petits et bien seuls dans l’Alpe aujourd’hui. Un luxe que nous apprécions en silence après l’euphorie de la descente!
Petite pause restauratrice au Col Brulé… Un nuage est venu se blottir sur la Tête de Valpelline et la Dent d’Hérens. Suspens paysager! En attendant nous sommes repassés en Italie… Et la bonne poudreuse nous attend pour la courte descente sur le Haut Glacier de Tsa de Tsan, un nom tout droit sortie d’un récit mythologique… Entre temps le nuage a pris le large et plutôt que de descendre directement sur le refuge Aosta nous nous offrons un petit extra de 500m à la Tête de la Valpelline… Un point de vue exceptionnel d’où l’on peut embrasser en un coup d’œil quelques un des plus hauts et prestigieux sommets des Alpes : Dent d’Herens, Cervin, Dent-Blanche, Zinalrothorn, Obergabelhorn, Weisshorn, toute la clique des 4000m de Saas Fee et j’en passe! On reste un petit moment là haut à se laisser envahir par la beauté qui nous entoure… avant de dévaler vers le Col de la Division d’abord par des pentes décapées (mais pas désagréables à skier) puis dans de bonnes zones de poudreuse.
Intermède alpin pour descendre sous le col de la division, crampons et piolet de rigueur, avant de se laisser glisser jusqu’au refuge Aosta dans une neige de plus en plus changeante. Accueil pittoresque par Diego et sa maman qui nous reçoit chaleureusement sans savoir que nous venions, les réseaux télécoms n’étant pas le fort du secteur! Ce soir nous partageons le refuge avec un sympathique groupe de 4 mené par Guillaume, jeune guide français avec qui nous ferons cause commune le lendemain. La soirée se déroule un peu comme la précédente : séance hydratation d’abord à la tisane puis à la bière avant un bon festin de féculents smade in Italie. Le génépi de Diego est là pour pousser tout ça heureusement!
Déjà 3 jours que nous vivons sans contact avec la vallée ni aucune information sur la météo. On fait donc à l’ancienne, en levant le nez et en tentant de trouver une logique à la valse des nuages. Aujourd’hui le plafond semble un peu plus bas que les autres jours… Nous ne monterons pas au sommet de la Dent d’Hérens, c’est maintenant une certitude, même si le projet n’était déjà plus qu’une vague probabilité! Nous partons pour l’épaule de la Dent d’Hérens à plus de 4000m d’altitude. Départ commun avec l’autre groupe. Diego nous salue chaleureusement et me confie une petite bouteille de génépi! Vers 3400m nous nous encordons, le glacier des Grandes Muraille n’est certes pas le plus effrayant des glaciers de cette partie des Alpes mais de belles crevasses nous entourent et nous entrons bientôt dans le nuage. Le GPS sort du fond du sac et a droit à son heure de gloire. Au dessus de 3600m les conditions deviennent plus sévères. Le vent se renforce. La visibilité est quasi nulle. Les deux cordées du jour font le choix d’aller se réfugier au Bivouac Perelli à 3840m pour attendre une hypothétique amélioration. Spectacle amusant que ces 7 alpinistes réfugiés dans cette bicoque battue par les vents, à cheval sur une arête bien gazeuse, passant le temps en se racontant quelques blagues à la salacité plus ou moins douteuse…
Après ce petit intermède d’une heure, sans amélioration notable du climat, nous prenons la décision de redescendre. Nous faisons cause commune avec Guillaume, l’autre guide, pour unir nos compétences et gérer la descente avec le maximum de sécurité. Une belle coopération! Nos compagnons font l’expérience du ski encordé, une première pour tout le monde! Évidemment on fait pas du très grand ski mais en tous cas on progresse en sécurité dans ce terrain un peu crevassé… Sous 3600m, la visibilité s’améliore et on peut se lâcher un peu plus
Plus bas les pentes ont quand même déjà chauffé et le ski d’abord bon devient de plus en plus nautique… et il faut pousser un peu sur les bâtons pour venir à bout du vallon sous le refuge d’Aosta. Une petite flemme vers Déré la Vieille me fera choisir l’option rive droite qui n’est pas un bon plan du tout : plus exposé et pas plus court que le repeautage rive gauche. Une décision absurde mais sans conséquence que Frank et Antoine ont la délicatesse de ne pas me reprocher!
De Prarayer nous attend encore une bonne petite séance de ski de fond pour rejoindre la bagnole quelques kilomètres plus loin. On pose le cerveau!
Virée fantastique dans cette sauvage Valpelline qui a bien tenu ses promesses… Un plaisir de partager ça avec deux vaillants compagnons!