Après deux bonnes journées de repos suite à notre virée hivernale à la Couzy-Desmaison à l’Olan, et après avoir vidé trois fois le frigo, j’ai des fourmis dans les jambes. C’est le terrible effet face Nord : j’ai l’impression de pouvoir casser un mur à coup d’épaule! Plutôt que d’essayer cette stupide activité, je préfère mettre à profit cette énergie pour me hisser avec mes deux enclumes en haut du Piaget aux Agneaux, un vieux projet.
Des calories, il en faut déjà pas mal pour accéder au pied de cette magnifique face NW des Agneaux, l’accès depuis le Casset est relativement « plat ». Mais c’est tellement beau. Sortir seul en montagne donne une dimension vraiment particulière à cet espace. Dans la régularité du mouvement, les pensées et préocupations s’évaporent progressivement et l’on finit par être complètement « présent » et disponible à ce qui est offert. Dans cet état de légèreté, j’atteinds le bas du couloir Piaget. La méditation est interrompue car à présent tout redevient matériel : attacher les skis au sac, boire, manger un bout, faire la trace. Pas l’ombre d’un passage dans le Piaget. J’enfonce à mi-mollet et dans certaines zones de gobelet je fais le morceau de poulet dans la couscoussière, jusqu’au bassin Un peu usant mais très prometteur pour la descente. Tout en remontant, je suis irrésistiblement attiré par un couloir plus à droite que le Piaget, (Transhumance hivernale). Je me sens en forme et je choisis de le remonter avant de remonter le Piaget. Je me demande si ce couloir aboutit à l’arête, ça serait vraiment classe. Malheureusement, 30m de mixte dispersent tous mes espoirs… L’enneigement n’est pas des plus exceptionnel cette année. Je m’arête sur une bonne plateforme et m’octroie une petite pause.
Première descente, passage court et raide pour descendre la plateforme (55°) puis 52° sur une 50aine de mètres (mesuré à l’inclinomètre sur l’Arva, c’est pratique!). Ensuite la pente faiblit, 45° encore sur 150m puis 40° là où l’on rejoint le Piaget. La neige est d’une qualité indécente, j’ai de la face plane plein les narines!
Arrivé au niveau du Piaget, je décide de traverser vers les trois Fils du Métèque, la ligne à gauche du Piaget que nous avions (probablement) ouvert à la montée 5 ans auparavant avec Jade Zaouit et Steve Van Stuphen, les potes de Montpellier (voir l’ouverture des Trois Fils du Métèque). Vu de loin, le couloir m’a semblé entièrement skiable à l’exception d’une courte section. Finalement tout sera skiable à l’exception des 3 derniers mètres. Le ski est plus technique que dans Transhumance avec un passage à 45° de la largeur des skis et un mêtre de mixte que je désescalade ski au pied. La encore grande qualité de neige, y a pas de raison. Je refais la jonction avec le Piaget.
Car après tout j’étais quand même venu pour le Piaget initialement. J’entame la remontée et la remontée m’entame. 50m sous l’arête, une courte section de brassage dans les gobelets porte l’estocade à ma motivation. J’ai 2500m de déniv’ dans les pattes dont 1100m à tracer à pied dans le raide, basta!
Je savoure chacun des virages de cette dernière descente. Je rebascule dans les trois Fils du Métèque pour en skier le bas, un peu plus raide et étroit que le bas du Piaget. La qualité de la neige aujourd’hui est irréprochable, chaque courbe est un poème!
Je sors finalement de la face nord ouest après complètement euphorisé par ces descentes d’anthologie. Et je ne suis pas en reste car la suite est encore plus qu’excellente. Je skie sur le fil de la moraine d’Arsine, toujours dans la poudre… A partir de la cabane d’Arsine, la neige est transformée. Tant mieux d’ailleurs car je traverse sans difficulté le long plat. En redescendant mon regard est attiré par un couloir dans les Pics du casset, No Fiesta. Mais je ne savais pas encore que j’irais le skier dès le lendemain!