Salsa pour 3 étoiles

Salsa pour 3 étoiles

2h30. J2 commence bien tôt. On s’ébroue. Pfoudi!

3h15 : après un copieux p’tit déj, on s’élance vers la brêche de la Meije. Dans combien de temps seront nous de retour ici?

Salsa pour 3 étoiles - Vue d'ensemble

Le regel est très bon ça porte nickel! De l’autre côté de la brêche, versant nord, ça brasse forcément un peu plus, la neige est encore poudreuse, 30cm par endroit… On rejoint la rimaye de la face nord sans trop de souci mise à part quelques furtives explorations sous-glaciaires, vite enrayées. Vers 5h30, on est devant la rimaye bien impressionnante : un mur surplombant de neige peu consistante. Ju fait une timide tentative dans l’axe de la voie mais finalement l’issue sera à l’aplomb du départ du Z, 200m plus à droite. Juste un court mur de glace à franchir. Ensuite nous nous déportons vers la gauche pour remonter la rampe mixte à gauche du départ du Z. En 3 très grandes longueurs de mixte (M4 max), nous rejoignons les premières difficultés, un dièdre sombre.

Ce dièdre n’est finalement pas très dur, un genre de V+ en crampons. Les conditions mixtes de la face nous imposent en effet de rester en crampons bien que nous ayons les chaussons au fond du sac. A la sortie de ce dièdre on se rapproche très sérieusement de la Directe Nord. Par crainte de se retrouver dans cette voie, je me laisse embarquer trop à gauche dans une dépression sous un grand « couloir » rocheux. Le problème c’est que cette option nous embarque dans une grande muraille verticale d’une centaine de mètres et ça c’est pas très bon. Un peu de désescalade et tout rentre dans l’ordre. Il faut en fait prendre une goulotte évidente légèrement à droite. A ce moment de  l’ascension on se trouve environ 50-100m à gauche de la Directe.

La goulotte est magnifique! Entre 50cm et 2m de large et jusqu’à 80° de raideur. Nous la remontons en corde tendue avec un piolet chacun… Tout va bien, ça avance! La goulotte vient buter sur un ressaut raide. Nous remontons une cheminée verticale de 30m (6a) puis nous sortons vers la droite en direction d’un bitard bien caractéristique. Quelques doutes sur l’itinéraire : faut dire que les topos sont pas d’une clarté sybilline!

Finalement on prend la bonne option en s’engageant vers ce bitard et en remontant le mur raide au dessus, le crux de la voie (6b, 1 piton en place). Le piton ne se voit que le nez dessus. Pour ma part en tête, j’artife un pas, au niveau du piton. Ju passe en libre. A la sortie du crux, encore un cablé indique qu’on est pas les premiers à passer par là! Dernière longueur de salsa pour rejoindre la vigie par une espèce de traversée ascendante à droite, au plus simple. Il est 12h, on atteint la petite vigie…

La, la course n’est pas finie. La Directe réserve encore quelques beaux morceaux de varappe que les conditions nous imposent de gravir en crampons. Un dièdre en V+ au dessus de la petite Vigie puis on arrive sur les passages clés de la Directe. Une première longueur en bon V ou une petite zipette coûtera à Ju, un peu de la peau de ses doigts. Quand à moi, c’est guère mieux, dans le 6a+ au dessus, sans m’y attendre le moins du monde, je zippe un mètre au dessus du relais choyant lamentablement sur le relais jusqu’à 2m en dessous. Le contact viril entre le rocher et mon fondement sera ressenti jusqu’à la semaine suivante! Semaine pendant laquelle tout matière molle pour poser mes fesses sera la bienvenue!

Enervé comme un cheval blessé, l’égo fracturé par cette chute, je repars illico dans la longueur, artifant dans les règles ce passage clé…. M’enfin quoi on va pas se laisser emmerder par un bout de caillou!

Au dessus quelques longueurs nous attendent encore. Pas toujours évidentes à protéger, ça ne déroule pas vraiment même si c’est pas extrême. En chaussons c’est du IV pas plus mais les dalles en crampons, c’est un peu comme comme faire de la couture avec des gants de boxe, ça prend du temps!

Finalement il est 16h quand nous saluons la vierge du Grand Pic. La joie explose! C’est le panard d’être là et de jour! On ne savait pas trop à quelle sauce on allait être mangés dans cette voie, on s’en tire pas trop mal, c’est de bonne augure pour la suite…

Comme durant les 5 jours de ce trip, le ciel est limpide d’un bleu haut alpin si caractéristique. le doigt de Dieu nous salue. La vue sur les alentours est d’anthologie. On savoure ces instants volés. A la Meije, on est pas complètement paumés : du réseau dans la face et du réseau au sommet. J’en profite pour rassurer Marie qui une fois de plus se demande ce que son énervé de petit ami est encore aller chercher là haut! (Je me le demande parfois aussi après coup mais quand je suis là haut, je sais pourquoi j’y suis!)

Durant  ces ascensions, l’état que j’expérimente me vaudrait d’être classé illico parmi les grands névrosés si je le décrivais à un psychiatre de la vallée! Passés la calme torpeur du matin, toutes mes pensées sont d’abord désordonnées, brêves, chaotiques, mélange d’idées chroniques, de bouffées émotives, de préocupations concrètes du quotidien, d’airs de musiques débiles qui tournent en boucle, de calembours douteux et d’embryons de grandes réfléxions métaphysiques sur le pourquoi du comment? Tout ça se mélange joyeusement à la recherche d’itinéraire, aux bribes de conversation avec son partenaire (quand on le croise!), à la contemplation du paysage et aux problèmes gestuels qui se posent…  Une véritable ratatouille mentale! Sans compter la sournoise lourdeur qui comprime la plupart du temps ces boyaux qui refusent de se vider avant le milieu de la voie. Il peut très bien m’arriver de penser en serrant une petite réglette dans un passage difficile, à l’annonce de covoiturage qu’il faudrait que je dépose tout en sifflotant toutouyoutou… Complètement désuni! Un vrai bordel la dedans!

Heureusement, au cours de la montée, j’ai toujours l’impression que cette ensemble s’épure, que ma pensée devient plus harmonieuse, plus efficace, plus unie avant de cesser d’exister au sommet, dans un pur moment d’allégresse et de plénitude! J’ai l’impression que chaque ascension est un cheminement inconscient qui triture au plus profond de moi, de façon quasi chirurgicale, une sorte d’alchimie étrange qui imperceptiblement me transforme… Pas facile à décrire.

Ouhlà! Flagrant délit de disgression, j’arrête là!

On est bien content d’attaquer la descente par la voie normale de jour, c’est toujours mieux! Première succession de 4 rappels jusqu’au Glacier carré. C’est pas fluide : corde qui coince, on s’emploie! Nous ne sommes pas au bout de nos peines : quasiment tous nos rappels vont foirer dans la grande muraille dont 2 bloqués : yihah! On se régale… Pour garder la forme j’expulse quelques jurons sous l’oeil amusé de Ju, un peu plus calme! Et rebelote dans le Duhamel…. Et p****** de b***** de m*****!

Heureusement plus de rappels ensuite (sauf le pas du crapaud), juste de la désescalade jusqu’au Promontoire qu’on rejoint vers 21h30.

Soupe et bon petit gueuleton de ravioli avant la dose de génépi qui nous rend plus bavard! Première étape accomplie et avec du temps pour se reposer, c’est bon ça! bilan de l’état des bonhommes : Ju s’est bien steacké les doigts et moi ce soir je ne peux pas poser le cul autre part que sur du mou! Nous verrons demain si nous sommes en état de continuer. Je m’endors sur le bouquin de Chapoutot sur la Meije après avoir lu 5 fois la même ligne sans la comprendre….

La suite…

Pic Sans Nom – Voie Cambon-Francou

Pic Sans Nom – Voie Cambon-Francou

Après toutes ces tempêtes de beau temps et l’insolente douceur qui s’est emparée de nos latitudes ces temps-ci des graines de projets n’ont pas manqué de germer dans nos jardins intérieurs (pfff, ça commence fort!).

Le plus dur dans les projets d’envergure c’est de réunir tous le panel de conditions : celle de la montagne, de la météo et surtout des humains qui s’y jettent ! Déjà faut-il qu’une cordée se constitue ! Après moult coups de fils aux habituels, c’est l’échec… Personne. C’est finalement Tom qui m’appelle juste avant que je le fasse avec les mêmes projets. C’est beau ça ! Comme il a pas neigé depuis un bail dans les Alpes du Sud, on opte pour une face rocheuse et comme on en veut une bien paumée, on choisit le Pic sans nom par la voie Cambou – Francon. Bigre !

Après un chaleureux we dans le Sud de la France avec des apéros à rallonge et des séances plages et sable fin, changement radical de style donc !

Comme disait si bien je sais plus qui, Cambon je crois d’ailleurs, « une hivernale c’est avant tout un putain de gros sac ! ». C’est vrai. A 7h à notre rdv au tunnel de Pelvoux, on déballe tout ce qu’on doit embarquer dans nos modeste 35l de sac à dos. Boudi ! Il nous faudra une bonne heure pour boucler le tout !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Une hivernale c'est avant tout un putain de gros sac!

Mais une hivernale au Glacier noir c’est aussi « une putain de longue approche » ! D’abord bien bavards, on plonge petit à petit dans la méditation…. Après quelques heures de ski enfin le Pic sans nom est en vue. Waaah ! C’est magnifique là bas en hiver, on se sent loin ! A force d’avoir le nez fourré dans les topos on finit par tout relativiser : la face paraît pas si grande que ça, il n’y a pas tant de longueurs dures que ça, là ça devrait bien roulé… Une fois au pied, le projet reprend toute sa dimension. On regarde la taille de sa main comparé aux 1000m de face. Ca va en faire des mouvements pour se hisser tout là haut avec tout notre barda !

Notre objectif pour ce premier jour d’approche est de bivouaquer au dessus de la première dalle en 6a en franchissant la dalle avant la nuit. Nous franchissons d’abord le premier ressaut par un placage de glace sympathique.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Placage de glace pour passer le premier ressaut

Nous attaquons la face vers 16h par un fourvoyage en beauté ! On part du bon endroit mais je tire trop vers la droite attiré par une belle ligne de faiblesse qui se révèle être la voie du souvenir…

Pic sans Nom - Cambon Francou - A l'attaque de la voie

Ca commence bien ! Une heure de perdue… Nous nous retrouvons de nuit dans la fameuse dalle ! Le premier grimpe en chaussons et le second en grosses. C’est notre stratégie ! Ben c’est pas du gâteau en grosses cette dallouse… Pas facile non plus pour le premier même en chaussons avec la nuit et les protections qui s’éloignent ! Bravo Tom! Vers 20h30 nous gagnons le pied du dièdre. Niveau bivouac on a rien vu d’extraordinaire… Où nous sommes il y a de quoi « dormir » assis et faire fondre de l’eau à l’abri d’éventuel chute de morceaux de Pic sans Nom. C’est pas Byzance, c’est pas le goulag non plus… La longue danse du bivouac démarre. Tout attacher. Ne rien faire tomber. Faire de l’eau. Ne rien faire tomber. Faire de l’eau. Terrasser. Et encore de l’eau… Mais qu’il est mou ce réchaud ! Il a un souci c’est clair ! On se « couche » vers minuit bien motivé par ce qui nous attends le lendemain. J’ai une place assise côté hublot. Tom aussi, mais il n’est calé que par les sacs et la corde, sorte de hamac improvisé!

Pic sans Nom - Cambon Francou - Yeap!Pic sans Nom - Cambon Francou - Bivouac mono-étoile

Chacun part dans son monde. Toujours étranges et fascinantes ces nuits de bivouac. Le temps se distord complètement et sans dormir vraiment on s’abandonne à une sorte de rêve éveillé entrecoupé parfois de bien réelles réalités comme ce caillou indélogeable qui martyrise inlassablement mon postérieur !

Ce long moment hypnotique prend fin à 5h30… Allah wakbar ! On y va ! Le temps de faire quelques pas de danse et à 7h nous attaquons la varappe. Pour simplifier les manips, nous grimperons par blocs de longueurs, le premier en chaussons et sans sac et le second en grosses avec un sac. Le deuxième sac est hissé.

J’attaque par une première longueur de 50 mètres splendides. Un beau dièdre en 6a bien protégeable avec un passage plus dur au milieu (6c) protégé par 3 pitons.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Le dièdre dément en 6a/A1 (ou 6c)

On s’en échappe par la droite pour aller faire relais au pied d’un deuxième dièdre. Un régal malgré des onglées qui nous font bien jongler, la grimpe à main nue simplifie bien la tâche ! Revers de la médaille de notre stratégie : le hissage… Toujours parfait dans la théorie, toujours très chiant dans la pratique.

Deuxième longueur du jour, un splendide dièdre oblique de 40m, plein gaz et un bout de traversée vers un pilier. Complètement mystifiant ! Ca grimpe pas mal quand même peut être 6a+. Tout ça évidemment est très sympathique pour Tom qui avec un sac bien encombrant et en grosses savoure !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Le deuxième dièdre en 6a+

Dans la longueur suivante, qui traverse pas mal, le hissage devient niveau bac +8 et on perd pas mal de temps. Mais on s’en sort.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Dans un V+, la raideur est au rendez-vous

Pour les 100m suivants, on abandonne la stratégie, on porte un sac chacun. Une longueur de 5 et une rampe facile et nous v’là non loin de la deuxième section clé : une fissure cheminée de 80m. Il est 11h45, on s’octroie une bonne pause et on inverse l’ordre de la cordée.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Sommet en ombres

La raideur de la paroi à cette endroit de la face est renversante ! La voie emprunte la seule faiblesse, partout autour c’est vertical et compact ! Dans la fissure cheminée, il faut bien s’employer et ça protège un peu moins bien qu’en bas. Pour faciliter le hissage, on fractionne les 80m en trois longueurs. Bien exigeante pour tous les deux cette section mais on se régale, c’est classe !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Accalmie dans la grimpe, on profite du cadre!

Pic sans Nom - Cambon Francou - Dans la fissure cheminée de 80m, ça grimpouille!Pic sans Nom - Cambon Francou - Et c'est plus délicat à protéger

Il est 15h et les plus grosses difficultés techniques sont derrière nous… On arrive bientôt dans la transition entre le granit et le gneiss ou la face devient moins raide, ça devrait rouler un peu plus. On rejoint un système de goulottes et de pente de glace qu’on ne quittera presque plus jusqu’à l’arête .

Pic sans Nom - Cambon Francou - Dans les longueurs mixte du haut

Le fumage de mollet est en marche. Les pentes de glace c’est vraiment l’horreur ! C’est monotone et ça rame ! Au milieu, un passage en rocher me cause un peu de souci. Bonne idée d’avoir oublié les pitons dans la seule longueur où ils m’aurait vraiment servi ! Brrr !

Au dessus, c’est glace et encore glace en traversée ascendante… usant.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Supplice mollesque

Pic sans Nom - Cambon Francou - Fusion des mollets

La nuit nous attrape. Une dernière longueur de mixte en traversée et nous rejoignons l’arête… ainsi qu’une petite terrassounette propice au bivouac. Il est 20h, l’heure de la traditionnelle danse du bivouac. Le confort augmente légèrement ce soir, on est presque allongés mais avec des gros cailloux comme matelas. Par contre ça manque un peu de place et nous testons là la parfaite cohésion de la cordée, tout mouvement d’un des membres de la cordée ayant immédiatement un impact sur l’autre…

Pic sans Nom - Cambon Francou - Dodo!

Le réchaud est toujours aussi peu performant. A 22h s’en est assez, on a pas assez bu mais on est dézingué, donc dodo. La longue rêverie reprend. Nombreux regards à la montre. Regards perdu dans les étoiles. Regards intérieurs aussi. Un bout de sommeil profond. Du dialogue intérieur à nouveau et des airs à la con qui tourne en boucle dans le cerveau… Pas besoin d’Ipod…

5h30. Extirpation du sac très douloureuse. Il fait quand même bien froid ce matin !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Larve en voie de métamorphose

Je récupère un sac de neige et replonge dans ma couche pendant que Tom se charge de faire fondre le tout. 1h30 pour 2 litres, quand la vitesse vous manque! Plongés dans nos pensées, on contemple l’illumination des Ecrins et du Mont Blanc aux lumières du levant. Je suis heureux d’être là à vivre ce petit moment d’extase.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Réveil féerique!

Pic sans Nom - Cambon Francou - Waaah...

Pic sans Nom - Cambon Francou - La Barre se dore déjà au soleil

Vers 8h, après la danse du pliage de bivouac, on attaque. Aujourd’hui, il ne reste « que » 300m d’arête et la descente. Un pas bien corsé m’accueille à la sortie du bivouac dans la froidure matinale pour contourner le premier ressaut. Ensuite, on reste tout le long proche du fil de l’arête avec des passages de toute beauté.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Sur l'arête bien classe

On savoure le panorama qui se dégage petit à petit. A notre droite les 500m verticaux de la face NW du Pic sans nom sont vraiment impressionnant. Nous remettons les crampons 50m sous le sommet…

Pic sans Nom - Cambon Francou - Summit en vue

Pic sans Nom - Cambon Francou - Yihah!

Vers 11h nous nous échouons bien heureux sur le mini-dôme neigeux du Pic sans nom. La joie explose ! Les pensées pour pleins d’êtres chers vivants, disparus ou pas encore nés m’envahissent… Petit coup de téléphone pour rassurer la vallée. On est au soleil là haut avec un bon sandwich et on savoure ce moment que l’on sait unique. C’est vraiment trop bon de pouvoir en profiter et ne pas fuir sitôt arrivé le sommet si difficilement atteint !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Les compères, heu-reux!

Davaille ! Il est 12h, c’est pas qu’on est mal ici mais on a encore un peu de pain sur la planche. La descente jusqu’au sommet du couloir NW est vite avalée puis on engage la descente du couloir par un mixte entre rappel (sur lunules surtout) et désescalade.

Pic sans Nom - Cambon Francou - Couloir NW, pas skiable...

Pic sans Nom - Cambon Francou - La face NW du Pic sans nom

Sous les 2 couloirs, un rappel nous sera encore nécessaire pour passer une raide section de glace. Une petite demi-heure de marche et nous sommes aux skis vers 17h, dans un état de lyophilisation bien avancé !

Pic sans Nom - Cambon Francou - Récupération des skis

Si pour moi, l’arrivée au ski sonne un peu comme la fin des difficultés, il n’en est pas de même pour Tom qui a opté pour des skis d’approche… Passons les détails, une paire de skis d’approche est à vendre ! Nous arrivons à la voiture à 19h30… On enfourne tout le barda dans les voitures et on se vautre dans le premier bistrot que l’on croise. Le serveur n’en revient pas de voir deux gars siffler deux tournées de coca en 3 minutes !

Bien atomisés, nous reprenons chacun la destination de nos doux foyers où les bivouacs sont quand mêmes plus confortables, la compagnie plus féminine et l’eau déjà fondue !

Merci Tom pour cette belle aventure et merci à Robin pour les infos sur la voie. Voici le topo de Robin Revest (photo prise en été 2011)

Pic sans nom - Le topo de Robin Revest - Juillet 2011

Pour ceux que ça intéresse :

– la voie Cambon Francou est un itinéraire magnifique et très complet. La première partie réserve de beaux morceaux de grimpe bien protégeables dans une ambiance bien gazeuse. La deuxième partie, que nous avons trouvé surtout en glace offre de beaux petits passages en goulottes. Un peu de neige dans ces passages soit permettre de gagner pas mal de temps et de jus! Enfin le dernier bout d’arête est de toute beauté avec des passages qui grimpent encore (5a max)…

– nous avons vu quelques chutes de pierres dans la face mais rien d’alarmant. Par contre il est clair que vu la structure de la partie sommitale, un iso bas ou un enneigement suffisant de la partie sommitale est indispensable pour aborder la face dans de bonnes conditions de sécurité.

– nous avons grimpé avec un brin de joker (60m) et un brin de ice line qui nous servait de brin de hissage et de corde de secours. Le premier en chaussons et le second en grosses.

– en matos : on avait 10 pitons variés, on en a mis deux et pas dans la même longueur. 2 lames et 2 cornières sont suffisants. Un jeu de camalot complet du 000 au 2 en doublant 2 ou 3 petites tailles. Etrier inutile. On avait 5 broches, 8 auraient été mieux pour gagner du temps dans le haut. Crochet abalakov pour la descente.

– timing : sur les 3 jours, nous avons grimpé environ 20h avec un bon fourvoyage de 1h le premier jour et des petites galères de hissage bien chronophages (probablement 2h30 de perdu). Les pentes de glace nous ont pris aussi beaucoup de temps. La descente nous a pris 5h du sommet aux skis.

 

 

Cervin – Face Nord – Voie Schmidt

Cervin – Face Nord – Voie Schmidt

Et voilà ! Ce qui devait arriver arriva : après un beau passage perturbé et un violent anticyclone, les faces nord sont en conditions. Classique créneau du mois d’octobre que nous sommes nombreux à guetter…

Ayant eu vent d’une répétition de la voie Bonatti en face Nord du Cervin, apparemment en bonnes conditions, l’idée de gravir le Cervin par la voie historique des frères Schmidt n’a pas mis longtemps à germer dans mon petit esprit d’alpiniste tourmenté… Le créneau semble se maintenir plusieurs jours encore… Un petit message à Jibé qui guide un client au Mont-Blanc le we : « Rappelles dès que tu peux, j’ai un projet qui devrait te plaire! » et en attendant sa réponse, je pars à la collecte d’informations sur cette voie. Après quelques recherches peu fructueuses coup de bol! Des connaissances viennent de parcourir l’itinéraire… Un coup de fil et nous voilà armés d’un topo bien détaillés et plein de bons conseils !

Jibé descendu de son Mont-Blanc ne met pas plus d’une demi seconde à s’enthousiasmer pour le projet. Affaire conclue, on part au Cervin !

Pour l’approche, nous faisons l’impasse sur la richissime capitale de l’alpinisme Suisse et ses nombreuses remontées mécaniques : Zermatt. Rouler 5h, payer un parking, prendre un taxi, monter dans une benne à 50€… Tout cela est beaucoup trop pour nous modestes haut alpins. N’existe-t-il pas un autre moyen de rejoindre la Hornlihütte ? Après quelques recherches, une option bien plus convenable nous apparaît : nous partirons côté italien par le Valtournenche depuis la station de Breuil-Cervinia, nous rejoindrons le bivouac Bossi au pied de l’arête de Furggen et par une grande traversée sous la face est du Cervin nous joindrons la Hornlihütte…. 4h de marche au programme contre 1h côté Zermatt mais 4h de route économisée aller retour, c’est pas mal !

Nous voilà donc en début d’après midi au pied de la face sud du Cervin, probablement un des plus esthétique tas de caillou des Alpes et du monde, un des plus connus en tous cas c’est sur : Paramount pictures et Toblerone n’y sont pas pour rien !

Cervin - La face Sud, côté italien

Cette pyramide parfaite, élancée, bien individualisée au milieu des sommets du Valais domine toutes les Alpes… Le Cervin illumine par sa beauté. Malheureusement cette beauté dissimule un terrible secret : dès lors qu’on y regarde d’un peu près, on se rend compte que les dieux du beau rocher ne se sont pas penchés sur le berceau de cette montagne. Les finitions ont été bâclées. Dommage ! Mais voilà au moins un sommet qui fait ensuite apprécier les courses sauvages des Ecrins…

En 3h de ballade nous gagnons le col de Furggen et par un petit bout d’arête facile le bivouac Bossi au pied de l’arête de Furggen ou Furggengratt comme qui disent ceux de là bas. Cette arête est la plus difficile des quatres arêtes du Cervin. A tel point que pour résoudre ce « problème », la partie haute a été d’abord descendu en rappel avant d’être remontée par les premiers ascensionnistes…

En allant vers le bivouac Bossi, j’échappe de peu à une tragédie, cocasse certes mais non moins tragique. Alors que nous sommes tout proche du bivouac, sur une arête très facile mais bordée par deux précipices, nous repérons un chamois quelques mètres devant nous en plein sur l’arête. Il ne semble pas très vif le bestiau. Nous continuons à avancer vers lui pensant qu’il finira par détaler comme tous les animaux de cette race, on y prête guère d’attention. Jibé reste sur l’arête tandis que je passe en contrebas pour m’éviter un facile pas d’escalade (feignant en plus). Soudain dans mon champ de vision apparaît un élément insolite. Je ne mets que peu de temps à comprendre qu’il s’agit du chamois, qu’il n’a plus de contact avec la terre ferme et que sa trajectoire en quasi chute libre imposée par l’implacable loi de la gravité de Newton croise la mienne au point exact où je me trouve. Je vais pas me prendre un chamois sur la gueule quand même ! Dans un réflexe animal je fais un grand bond de cabri pour éviter le kamikaze qui percute une fois ou deux le rocher et finit par se rétablir avec visiblement une patte HS. Il finira sa fuite désordonnée dans le précipice, j’espère qu’il est mort sur le coup ! Quand à moi, je suis bien heureux que ma vie ne ce soit pas achevée dans ces conditions. C’eût été original comme fin mais une fin quand même…

Pour rejoindre la Hornlihütte, nous descendons une courte pente de glace à 45° sur 50m et prenons pied sur la partie haute du Furgggletscher. Aucune difficulté jusqu’à la cabane du Hornli mais une exposition maximale au sérac de la face est pendant une minute (en courant)…

Cervin - La traversée sous la face Est, vilains séracs!

Nous arrivons à la cabane en passant d’abord par le camping. Beaucoup de monde bivouaque. Je dis à JB : « Franchement, les gens qui bivouaque à côté d’un refuge non gardé, moi j’applaudis! ». Nous ne tarderons pas à comprendre pourquoi tout le monde à son duvet et son tapis de sol…

Par ces belles conditions, il y a du monde à la cabane… nous nous installons dehors pour cuisiner les bons petits plats que l’on a acheté dans une supérette italienne… Horreur ! Chaque portion demande 15min de cuisson et 500ml d’eau… On est parti avec très peu de gaz et il n’y a pas d’eau autour du refuge ! Il y a plus approprié comme nourriture… A force de laisser tremper, notre tambouille devient comestible. Les deux suisses-allemands qui mangent d’appétissantes saucisses juste à côté de nous rigolent en voyant nos grimaces…

Un camarade de promotion descend de la face nord et nous apporte des infos de toute première fraicheur et un peu de gaz. C’est tout bon ! Merci Guillaume et bravo pour la trilogie.

Au moment d’aller se coucher, nous comprenons que la Hornlihütte si elle brasse des milliers de personnes (et de k€) en été est très spartiate et dégueulasse hors saison. Bien qu’en début de saison non gardée, un gros tas de détritus s’entasse déjà dans un coin du refuge. Le local d’hiver est conçu pour 15 personnes, 15 matelas, 15 couvertures par une de plus ! Donc une place pour les 15 premiers, après c’est le plancher et la tête sur le sac… Evidemment tout est réservé depuis belle lurette. Nous voilà bien cons ! Par un grand coup de bol et une très noble attention de la part de deux alpinistes grecs avec qui nous avions sympathisé nous obtenons un matelas et une couverture pour nous deux. La nuit va être torride !

Cervin - Ambiance féline à la Hornlihütte, grrr!

2h : « hein ? qu’est-ce qui se passe ? C’est quoi ce bordel ? Ah putain pas la lampe dans les yeux! ». 3 alpinistes mettent un joyeux bordel en cherchant leurs affaires aux quatre coins du refuge à grand coup de frontales.. Sympathique… On avait prévu de se lever « tranquillement » à 3h. Vers 2h30 on craque, c’est trop le bordel. Allez on se lève !

3h05 : zou, c’est parti. Nuit noire, pas de lune. Il ne fait pas froid.
3h40 : on est au pied de la barre qui donne accès au glacier suspendu. La corde fixe bien fine pendouille au dessus de la rimaye dans un mur vertical de 10m. Pas très engageant. On se bouscule pas pour attaquer. Finalement c’est Jibé qui s’y colle !

Cervin - Voie Schmidt - La corde fixe : comme réveil matin c'est pas mal!

Après ces 10m, on traverse sur la droite puis on remonte 80m à 50° à glace avant de prendre pied sur le glacier. On traverse un long moment sous la face nord quasiment jusqu’au départ de la voie Bonatti avant de revenir sur la gauche. Ce large crochet est rendu obligatoire du fait de la présence de grosses mémères dont les glaciers suisses ont le secret.

4h50 : nous passons la rimaye pour attaquer les 300m de pentes qui débutent la voie. Les conditions sont bonnes : neige polystyrène, bonne trace, nous évoluons rapidement jusqu’au pied de la rampe. Grâce aux indications que nous avons, nous savons qu’il ne faut pas s’engager tout de suite dans la rampe mais traverser d’abord 25m puis monter en direction de la rampe. Nous tirons à corde tendue dans la rampe sur environ 100m.

Cervin - Voie Schmidt - Dans la rampe, ça gambade!

L’escalade dans cette goulotte de glace n’est pas difficile dans ces conditions. Quand c’est sec ça doit pas être la même ! Pitons et relais par ci par là. Jibé prend le relais dans le haut de la rampe après avoir traversé une partie sèche, on quitte la rampe qui se raidit et s’assèche (relais au milieu).

Cervin - Voie Schmidt - Encore quelques mètres et on quitte la rampe

Je pars en traversée vers une épaule de neige où il y a un piton puis continue de traverser avant de remonter droit dans une goulotte avec un passage de mixte au milieu et à la fin. Un relais m’attend, c’est parfait. Grande longueur de 80m. J’ai la lambada dans la tête, ça craint.

Cervin - Voie Schmidt - Passage mixte à la sortie de la "goulotte"

Du relais on a une très belle vue sur l’échappatoire qui mène à la cabane Solvay. Le bas est en excellentes conditions mais le haut est tout sec. Une cordée s’est fait treuillée il y a deux jours en voulant s’échapper. Peut être un échappatoire plus difficile que la voie?

Cervin - Voie Schmidt - L'"échappatoire" vers Solvay bien fourni mais très secs dans le haut!

Jibé repart en traversée horizontale sur 20m avant de monter droit jusqu’au pied de la cascade de glace. Avant d’arriver au relais, 3m de mixte pimente un peu la longueur.

Cervin - Voie Schmidt - Grande traversée pour rejoindre la "cascade"

Encore une belle longueur de 75m ! On avance bien, ne rencontrant aucune difficulté notable. On s’attend toujours à tomber sur un os… je pars dans la cascade avec un court passage presque vertical. Lorsque la cascade devient fragile, je traverse à l’horizontale à droite sur 30m. Relais en bout de corde (50m) mais toujours pas de grosses difficultés. Tant mieux !

Cervin - Voie Schmidt - Jib dans la "cascade"

L’ambiance face Nord est au rendez-vous, le froid en moins.

Cervin - Voie Schmidt - Une belle ambiance!

Ensuite Jib bascule derrière l’éperon qui borde le relais et remonte une large goulotte qui finit en cascade de glace. On s’échappe vers la droite au moment où la goulotte devient cascade par du mixte facile. Relais sur broche.

Cervin - Voie Schmidt - La deuxième "goulotte" et Jibé à droite sur l'éperon

J’ai toujours la lambada dans la tête. Encore 30m dans des pentes de neige et glace puis débute 150m de louvoiement dans des placages de glace entrecoupés de courts passages rocheux.

Cervin - Voie Schmidt - Dans les placages mixtes du haut, faut louvoyer!

On remonte en ascendance vers la droite. Rien de difficile mais il faut bien choisir son passage. On croise deux goujons tout neufs et un sous pull pris dans la glace. Traces d’un secours ? Ensuite nous rejoignons l’arête de Zmutt et le soleil. Nous avalons les 100 derniers mètres de l’arête de Zmutt en cavalant !

Cervin - Voie Schmidt - Jib en finit avec l'arête de Zmutt

13h10 : Yihhah ! Arrivée au Cervin italien pour la première fois pour nous deux ! La joie explose ! On savoure pleinement pendant plus d’une heure le bonheur d’être là haut (seuls!) suspendus au dessus des Alpes. Il fait bon. La vue est exceptionnelle, on voit très bien les Ecrins ! On va quand même jusqu’au Cervin Suisse à 5min de là, plus haut de quelques centimètres.Cervin - Voie Schmidt - Arrivée au sommet!

Cervin - Voie Schmidt - Los gringos

14h15 : on s’est bien détendu. L’euphorie a laissé place à un sentiment de plénitude. On resterait bien là haut… Je n’ai plus la lambada et je pense à ceux qui me savent ici et qui s’inquiétent surement un peu. J’enverrais bien un petit texto mais le téléphone ne passe pas. quel scandale! La longue descente qui nous attends nous oblige à se reconcentrer. De 4478m jusqu’à la voiture à 2000m, ça nous fait un bout de chemin. Pour la descente, c’est l’arête du Lion qui a notre faveur. Nous ne savons pas du tout si c’est plus court que la Hornli mais ce qui est sur c’est que c’est au soleil, que c’est du côté de la frontière où nous avons la voiture et que si l’on doit redormir en montagne tout mais pas la Hornlihütte! Comme la Hornligratt, la cresta del Leone est très équipée. Dans les parties non équipées, c’est difficile de se perdre, il suffit de chercher les traces de crampons. De toute façon on et jamais bien loin de l’arête. Le plus dur est d’arriver à tenir les cordes fixes, câbles, chaines et échelles qui aident à descendre les passages les plus raides.

Cervin - Voie Schmidt - L'échelle Jordan à la descente de l'arête du Lion

16h : nous voilà au refuge Carrel où nous avions envisagé éventuellement de dormir si nous sortions tard. Rien à voir avec la Hornlihütte : le refuge est super clean avec un grand dortoir pour 20 personnes. Moins de 10 personnes ce jour y dorment. Nous faisons une petite pause dans ce lieu exceptionnel suspendu entre la Suisse et l’Italie avec un panorama exceptionnel sur la Dent d’Hérens et le groupe Dent Blanche – Weisshorn… On replonge ensuite sous le refuge dans une nouvelle courte succession de verticaux cordages. Fin des difficultés mais nous sommes à 3700m, la descente est loin d’être terminée. Entre le refuge Carrel et le refuge du Duc des Abruzzes ça ne déroule pas du tout. Eboulis mal calibrés, désescalade facile, chemin caillouteux : on ne peut pas laisser l’esprit vagabonder… On passe prêt d’un glacier suspendu (en état de mort apparente, le malheureux vit ses derniers instants) et le glou glou de l’eau nous rappelle que nous avons très soif. Petite pause soupe d’une demi heure bien regénératrice. Vers 18h30 nous atteignons le refuge du Duc des Abruzzes. Une piste monte jusque là. Secrètement on espère pouvoir faire du stop jusqu’à Breuil… pas de voiture finalement mais encore une heure de marche à bon pas sur un chemin nettement moins exigeant qu’auparavant. On peut mettre le pilote automatique.

19h30 : retour au camp de base, une petite twingo.
19h31 : chaussures sacs et fringues enlevées
20h : pizzeria trouvée
20h05 : bière avalée
20h30 : pizza engloutie
23h15 : Briançon atteint !

Un bien beau voyage dans cette voie historique finalement pas très difficile lorsqu’elle est en bonnes conditions. Attention en cas de sécheresse de certains passages, il ne faut pas trop miser d’espoir dans le caillou ! Merci Jibé et aux divers comparses pour leurs infos.

Et surtout un gros coup de chapeau aux frères Schmidt qui ont ouvert cet itinéraire le 31 et le 1er août 1931 résolvant par là le premier des trois derniers grands « problèmes » des Alpes (face nord des Jorasses, de l’Eiger et du Cervin). Après un bivouac au 2/3 de la face, il sortirent dans la foudre et la tempête avant de redescendre par l’arête du Hornli jusqu’àau bivouac Solvay où lemauvais temps les bloque encore deux jours… Pour donner une idée des bonshommes, il faut savoir qu’ils étaient partis de Münich à vélo avec tout le barda de montagne sur le dos!

Eperon Frendo

Eperon Frendo

Journée en deux temps aujourd’hui!

Premier volet : l’éperon Frendo en face N de l’aiguille du midi avec Manu, Antoine et Tibo. On part à la deuxième benne…  Avec les chaleurs annoncées aujourd’hui, l’idée est de ne pas trop trainer pour avoir les moins pires conditions dans la partie neigeuse de l’itinéraire ! C’est donc un véritable sprint vertical qu’on entreprend dans cette très belle classique. Finalement on sort sur l’arête sommitale à 13h, 4h30 après avoir franchi la rimaye et avec la gorge un peu sêche!

Deuxième volet : à peine remi de notre petit footing matinal, Hughes me propose un petit saut en parapente biplace depuis le Plan de l’Aiguille. C’est mon baptême de l’air! La sensation au décollage est hallucinante : j’ai vraiment l’impression de me faire arracher à la terre! Après une petite ballade au dessus du Glacier des Bossons et au pied des aiguilles de Cham, Hughes me fait un petit cours de pilotage avec Chamonix sous les pieds. Deux trois acrobaties plus tard, c’est l’atterissage… Je suis un peu retourné du ventre mais bien heureux d’avoir vécu ça. Encore un grand merci Hughes!

Goulotte Chancel Molinatti – Pic de Bonvoisin

Goulotte Chancel Molinatti – Pic de Bonvoisin

Après quelques temps « loin » des montagnes, il est temps d’aller faire un petit tour là haut pour se remettre en forme. Seb est motivé comme toujours. Les idées de projets ne manquent pas mais qu’est ce qui peut être le plus judicieux en ce moment?
On tombe d’accord pour aller faire un petit tour dans le vallon des Bans où en mars 2010 on avait pris un but implacable dans Ca renfougne, une goulotte du versant Sud des Bans qui ce jour là ne renfougnait pas du tout (neige inconsistante). Nous étions montés là haut au prix d’une abominable marche d’approche dans le vallon d’Entre les Aygues, fermé au Villard, donc très loin!

Scénario beaucoup plus tranquille cette fois ci puisque la route est ouverte jusqu’au parking d’été. Nous avons en projet de gravir la Chancel Molinatti au Pic de Bonvoisin, une goulotte naguère classique, apparemment moins fréquentée aujourd’hui (ça reste à vérifier). Cette goulotte présente comme Ca renfougne aux Bans la particularité de n’être visible qu’au tout dernier moment, une fois au pied. Le premier jour quand nous arrivons au refuge, nous n’en savons donc pas beaucoup plus sur nos chances de réussite! Le suspens est entier…

Après une après midi et une nuit royale au refuge des Bans, rien que pour nous, nous partons au petit jour pour les 1000m d’approche qui nous séparent de la Chancel Molinatti. La neige porte bien, tant mieux d’ailleurs puisqu’on est à pied.

Jusqu’au dernier moment, la Chancel Molinatti se dérobe à nos yeux.

8h : nous atteignons le pied de la goulotte. Le constat au premier coup d’oeil n’est pas des plus optimistes. La deuxième longueur parait en neige inconsistante. Nous montons voir quand même pour examiner ça de plus près.

La première longueur est vite avalée par Seb, alternant glace facile et pentes de neige.
Nous voilà au pied du mur qui effectivement n’a pas l’air très consistant. Finalement ça passe après moult nettoyage pour trouver des protections correctes (sur camalots). Mais un pas reste bien obligatoire à la sortie du crux, ambiance ramping vertical! Je fais relais après ce passage. Seb fera le sanglier encore sur 5-6m au dessus avant d’atteindre un couloir en neige.

Longueur 3 : très belle petite longueur en glace et mixte facile. Nous sommes partis sur la droite. En excellente conditions ça doit passer à gauche aussi.

Longueur 4 : pentes de neige avec un court mur mixte

Longueur 5 : une belle longueur de glace, difficile dans le conditions où on l’a trouvé. 5+, fragile.

Cette dernière longueur marque a fin des difficultés. De là il est possible de redescendre la voie en rappel, les relais sont en place (pitons). Mieux vaut prévoir de changer les ficelous!

Pour nous aujourd’hui, l’issue est vers le haut. Aucun de nous n’a encore gravi le Pic de Bonvoisin et nous sommes motivés. De la fin des difficultés, nous avons bifurqué dans un couloir à gauche au lieu de continuer droit vers la brêche. Cela nous a permis de rejoindre la face NE (voie Constant). Par une pente de neige et et une 20aine de mètres de mixte facile nous débouchons sur l’arête sommitale du Bonvoisin. Le point culminant n’est pas très marqué, un point légèrement plus élevé sur cette arête plate (mais très esthétique avec la neige). Nous savourons…

Pour la descente, nous optons pour l’option versant SE qui nous parait la plus directe et la plus sure aujourd’hui. Du sommet nous empruntons sur 10m l’arête à main droite (SE) qui donne sur un couloir. C’est ce couloir que nous avons descendu d’abord en désescalade (45° et court passage à 60° en glace) puis à la fin en deux rappels (60m sur becquet et 15m sur piton) pour prendre pied sur un large névé. A l’extrémité S du névé, en remontant un peu, un rappel de 40m nous dépose dans un couloir qui permet de faire la jonction avec le glacier des Bruyères.

De là, on descend rapidemment jusqu’au refuge, sur les fesses en mode luge. On arrive au refuge à 19h, comblés par cette belle petite journée… Il nous reste de quoi faire un bon gueuleton ce soir et du gaz. Le refuge est toujours aussi désert : redormons là!

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