Suite de nos aventures avec Frank et les belles réalisations se poursuivent!! Ce coup ci, c’est la goulotte Grassi à l’Ailefroide Occidentale qui reçoit la visite de nos crampons.

L’automne est généralement la saison idéale pour les grandes courses de mixte dans les Alpes : des accès pas trop compliqués et à pied, des journées encore assez longues, des températures pas trop hivernales…

Après le récent passage perturbé et le retour de l’anticyclone, il semblerait que quelque chose de bon se profile… Hésitation : Mont-Blanc ou Ecrins. Finalement c’est l’option locale (pour moi) qui l’emporte. Nous partons sans aucune information sur les conditions en montagne, au feeling. Rapidement la vue des grandes faces nord du Glacier noir nous envoûte. La montée au col de la Temple (avant de basculer sur Temple Ecrins) nous laisse le temps de se tordre le cou dans tous les sens pour admirer ces grandes faces effrayantes et fascinantes.

2015-10-10 18.21.39-1 Les faces nord

Pour cette première journée de longue approche, nous prenons bien le temps. Nous dosons chaque pas pour conserver le maximum d’influx pour le lendemain. Col de la Temple, soleil couchant et volutes de nuage qui dansent autour de nous. Féérique. Les lumières d’automne sont vraiment magiques.

Ailefroide Occidentale - Soleil couchant sur la face NWGoulotte Grassi - Soleil couchant sur le Pic sans nom Ailefroide Occidentale - Soleil couchant sur la face NW

Arrivée au refuge de nuit. Nos frontales font briller les yeux des chamois qui profitent d’une montagne quasiment vierge de présence humaine. En ce samedi soir, nous perturbons la solitude d’un alpiniste qui prendra le lendemain la destination du Pic Coolidge.

Nous ne profiterons pas longtemps des couvertures du refuge puisqu’à 2h sonne le réveil. Dur! Ne sachant pas exactement à quelle sauce on allait être cuisiné on préfère mettre le maximum d’heures de jours dans notre besace, ça peut servir.

Deux mois après la Devies-Gervasutti avec Ju me revoilà à l’approche de cette face. La neige récente recouvrant un peu les éboulis rend l’approche moins pénible.

Nous remontons le couloir du Glacier long. Les conditions y sont globalement bonnes. Quelques passages avec la glace pas loin quand même histoire de chauffer un peu les mollets!

Comme il fait encore nuit à l’attaque de la goulotte (7h), nous prenons l’option qui shunte la première longueur en poursuivant 50m dans le couloir puis en ascendance à gauche. Un pas de désescalade (un piton) permet de rejoindre la goulotte.

Une fois dans la goulotte, les bonnes conditions se confirment. L’ambiance est sublime dans ce canyon perdu dans cette grande face…

Goulotte Grassi - Juste avant le premier crux Goulotte Grassi - On devine le premier mur raide

Nous remontons un couloir jusqu’au crux de la voie : une goulotte d’abord pas trop raide puis une section renfougne de 6-7 m pas vraiment protégeable (du moins sur broches) où je m’amuse quelques minutes à faire péter un bouchon de neige. Charme de la renfougne : pas plus de 10cm d’amplitude pour planter le piolet, pas mal pour retravailler le swing du poignet!

Ensuite les longueurs suivantes c’est moins raide, 70° max, la glace est bonne et bien brochable.

Goulotte Grassi - Après le premier crux Goulotte Grassi - Longueur à 65°

Après une section pente de neige on vient buter sur le deuxième passage clé, qui fait un peu moins de 10m. La glace est fine mais bonne… Puis une goulotte / couloir.

Goulotte Grassi - Après le deuxième crux

On s’écarte un peu de l’itinéraire au dessus en partant à droite sur la vire dite horizontale, avant de revenir à gauche. Du coup on fait un peu de mixte (M4).

Goulotte Grassi - A la sortie du passage mixte

Une courte désescalade pour récupérer dans l’axe de la goulotte précédente une pente de neige qui se prolonge en couloir.

Quelques pentes et courts passages mixtes plus tard, on sort en bordure de la plaque de glace. On suit le bord de la plaque qui finit par un couloir jusqu’à l’arête faîtière. Sur cette partie, les conditions sont un peu moins optimales, du couscous posé sur la caillasse. On travaille le pédalage. 100m de pas top sur les 1250m, on accepte la sanction!

La sortie sur l’arête, plein ciel et plein soleil nous arrache des petits cris de jouissance!

Goulotte Grassi - Sortie sur l'arête sommitaleGoulotte Grassi - Ailefroide Occidentale - Sur l'arête

La goulotte ne sort pas directement au sommet. Nous pourrions attaquer directement la descente mais pour bien faire les choses on poursuit l’arête jusqu’au sommet, petit parcours qui dans ces conditions bien enneigées nous demande encore un peu d’énergie…

Echouage au sommet. Les doutes de la veille et l’excitation du jour laissent place à la plénitude… Nous savourons ensemble ces bons moments. Notre histoire de cordée s’étoffe et la confiance est au beau fixe. Ca fonctionne!

On se prélasse et on se restaure une petite heure sur notre perchoir… avant d’attaquer la deuxième journée! La descente de l’Ailefroide occidentale n’est pas ce qui se fait de plus court et déroulant! D’abord retour en arrière sur l’arête, puis désescalade des rochers, des pentes et couloirs avant d’attaquer une longue section morainique (ta mère) jusqu’au refuge du Sélé. Et comme on se voit bien dans une bonne couette dans la vallée, on enquille jusqu’en bas.

Je prends un peu d’avance sur Frank pour régler un petit détail logistique : la récup de la bagnole au Pré de Madame Carle! Avec une arrivée à 20h à Ailefroide un dimanche soir au mois d’octobre le stop c’est pas gagné d’avance. Je furète dans le village. Pas âme qui vive. Je me serais bien vu les fesses posées sur un fauteuil propulsé par un moteur à explosion. 200m après le bled, déjà résigné à ce petit supplément de marche, l’intervention divine en laquelle je plaçais beaucoup d’espoir se manifeste… Derrière un bloc une pale lumière apparaît. Je m’approche. C’est une frontale, même deux. Sous ces frontales, des humains. Et autour de ces humains, un véhicule. Je tape au carreau. En plus de partager la condition d’êtres humains bipèdes, il s’avère que les deux lascars débusqués sont également guides de haute montagne dans les Dolomites. Le temps de partager un coup de rouge, de leur laisser finir leur repas et me voilà sur le fauteuil propulsé tant convoité!

Encore bravo Frank!

Détails techniques pour ceux que ça intéresse : niveau TD-TD+ (M4 max et 4+ en glace). 1200m  (dont 500m de couloir). 7-8 broches (on en avait 6 ça passe!). Quelques camalots (j’avais pris la totale des micro au rouge mais ça a pas beaucoup servi, un jeu plus réduit est suffisant). Câblés inutiles. 2 lames éventuellement pour protéger le premier crux (si glace pas bonne) et bétonner certains relais.

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