Arrr! La face nord de l’Eiger! Un des piliers de la mythologie alpine! Une face chargée d’histoires, pas toujours très funkies… Un des derniers 3 grands problèmes des Alpes résolu en 1938 par Heckmair, Vörg, Kasparek et Harrer au cours d’une ascension épique de 4 jours, un exploit hallucinant pour l’époque… Aujourd’hui, le parcours de cette face voie reste une étape immanquable pour les amateurs d’histoire et de face nord.
Parti rejoindre Seb en Suisse initialement pour faire du ski, il faut se rendre à l’évidence : on a un créneau idéal pour l’Eiger! La face est encore bien enneigée et l’isotherme assez bas, tout ce qu’il faut pour ne pas se prendre la moitié de la montagne sur la tête! On s’attend à ce que pas mal d’alpinistes aient la même idée que nous mais nous ne verrons finalement qu’une mystérieuse cordée 2h derrière nous sortie de nulle part, peut être du Stollenloch, un tunnel qui sort à 500m dans la paroi au pied de la Rote Fluh (désolé mais c’est pas nous qui donnons les noms).
On monte à la Kleine Sheidegg par le train au milieu des tours opérators indiens, coréens et autres… Le soir le dernier train redescend tout ce petit monde et cette gare d’altitude retrouve tout son calme. Bivouac 4 étoiles dans de belles pelouses non loin de là.
Réveil 1h. Encore! On s’y fait, ça commence à faire moins mal! 3h à l’attaque pour 450m de socle où alternent passages de gradins et névés. C’est finalement la partie où il y a le plus de recherche d’itinéraire. Ce n’est jamais très difficile, nous grimpons décordés car nous aurions de toute façon de la peine à nous assurer correctement dans ce terrain. Au levé du jour, nous arrivons sous la fissure difficile que nous gagnons en tirant une longueur… Quel bonheur d’être en ces lieux mythiques. On savoure. A notre droite la Rote Fluh, un ressaut de 250m déversant, donne vraiment le tournis. 500m plus bas, les alpages sont éclairés par les premiers rayons du soleil. Folle ambiance. Passée la fissure difficile, nous tirons à corde tendue jusqu’au début de la traversée Hinterstoisser.
C’est cette traversée qui scella en 1936 le destin tragique de Kurz, Hinterstoisser, Rainer et Angerer, 4 prétendants à la conquête de cette face nord, au cours d’un des plus célèbres drames de l’histoire alpine. Hinterstoisser réussit à vaincre cette traversée très délicate à l’époque grâce à une manoeuvre de corde et une bonne dose d’audace. Une fois les 4 compagnons passés, il tirèrent la corde se coupant toute retraite possible par ce passage là. Plus tard, obligés de rebrousser chemin suite à des chutes de pierres qui blessèrent l’un d’eux, ils ne parvinrent pas à repasser ce passage et finirent pas tous mourir en tentant une descente directe… Franz Kurz expirera à bout de force pendu à sa corde à quelques mètres des sauveteurs venus les secourir depuis le Stollenloch. Sinistre.
Aujourd’hui, la traversée est équipée de cordes fixes comme pas mal de passages et avec une paire de chaussons, l’escalade n’y serait pas très difficile… On ne peut s’empêcher d’être impressionné par l’audace et le grain de folie des premiers à déflorer ce passage…
S’ensuit une longue section de névés entrecoupée par une goulotte de 100m avec une 20aine de mètres à 80°. C’est marrant de faire de la glace, ça faisait belle lurette! Au bout du névé (Deuxième névé), un court passage mixte à droite du Fer à repasser (si, si) nous mène au Bivouac de la mort (brrr…) point où furent aperçus pour la dernière fois Karl Mehringer et Max Sedlmayr en 1935 au cours d’une tentative assez (trop?) poussée. Ici, la paroi se redresse sérieusement. La voie emprunte la rampe, une belle ligne de faiblesse très logique.
Nous bénéficions d’excellentes conditions dans la rampe (neige dure et glace) que nous gravissons en 3 longueurs. La 3ème longueur est le passage clé de l’ascension avec un départ bien raide en mixte (M5) et le passage de 2 bouchons de neige. Longueur magnifique dans ces conditions. On se régale!
A la sortie de la rampe, on traversée de 50m par la Vire délitée (en neige pour nous!) puis on grimpe la Fissure pourrie (5b, bien assainie avec le temps!) avant de faire une longue traversée aérienne (la Traversée des Dieux) jusqu’à l’Araignée (un névé duquel partent plusieurs couloirs). L’Araignée est en glace, ça chauffe les mollets! On remonte ensuite facilement une sorte de goulotte qui mène au pied des Fissures de sorties. Lors de la première, c’est en attaquant ces fissures de sorties qu’Heckmair chute sur Vörg et arrache le relais avant que tout le monde ne s’arrête miraculeusement. Suite à cet évènement, les 2 compagnons s’envoient cul sec un flacon d’amphétamines que leur avait glissé dans la trousse à pharmacie un médecin!
Encore une longueur qui grimpe, un petit rappel pendulaire et on arrive au bivouac Corti encore un lieu chargé d’histoire puisque c’est ici que Corti fut sauvé au moyen d’un câble tendu depuis le sommet (après la bagatelle de 8 bivouacs dans la face)! Son compagnon de cordée Longhi qui avait déroché un peu plus bas dans les traversées n’a pu être sauvé. Corti avait continué avec une cordée d’allemands pour aller chercher du secours mais il a été frappé par une pierre et « abandonné » par les allemands au bivouac… Les allemands furent retrouvés tout froid 2 ans plus tard un peu à l’écart de la voie normale… Charmant!
Au dessus de ce bivouac (pas 4 étoiles quand même), un long couloir rocheux noir que nous parcourons en corde tendue mène à l’arête sommitale. Encore 200m d’arête neigeuse et le sommet de l’Eiger nous tend les bras! Dans une brume fantasmagorique nous nous embrassons, heureux d’avoir concrétisé sans accroc ce rêve d’alpiniste. On jouit de ces instants de bonheur, bien peinards tout là haut!
La descente est rapidement expédiée (1h30) grâce à la neige encore bien présente sur le versant ouest pour finir devant des chopes de bière et un excellent repas à la Kleine Sheidegg. La vie est belle!
Michel,
ce message pour vous féliciter!
ça y est vous avez réglé les 3 grands problèmes des alpes!
Vous risquez de tourner en rond maintenant… plus rien à faire, vous avez fait le tour de la question. Maintenant vous avez pu vérifier par vous même que toutes ces faces nord se ressemblent: des goulottes scabreuses, des piles d’assiettes, des itinéraires glauques qui n’en finissent pas… quel défi à présent? courrir sur la mer de glace en tong? descendre le glacier blanc en luge (à moteur)? faire le couturier en palmes?
En tous cas je suis heureux que vous ayez repéré cet itinéraire car je vous engage pour réaliser la première en babouches; je suis sûr que cela n’a jamais été fait!
Soyez assuré de ma gartitude et de mon admiration.
Votre meilleur client,
Christian.
Ps: je n’aurai pas d’argent pour faire des courses avec vous cet été (ma femme m’a quitté pour un autre, et ma boite m’a licencié) : pouvez vous m’avancer une face nord des Jorasses et un Pilier du Freney je vous rend tout ça dès que les assedic m’ont payé?
Mon pauvre Christian! Décidément votre vie est encore plus sordide et scabreuse que les plus glauques faces nord des Alpes… Vous entassez les galères comme une mauvaise pile d’assiette de schistes délabrées… j’en suis vraiment désolé pour vous.
Heureusement vous m’avez! Voyez tout le mal que je me donne pour repérer pour vous tous ces itinéraires! Soyez sans crainte quand à la question financière, vous savez qu’il y a toujours moyen de s’arranger pour réaliser ensembles vos plus beaux rêves (avez vous déjà hypothéqué votre maison?).
Amitiés montagnardes
PS : votre ex-femme vous passe bien le bonjour.
PSS : tong, palmes, babouches… Serait-ce déjà l’été par chez vous?
Bonjour,
je suis tombé par hasard sur vos commentaires en recherchant sur Google une paire de palmes d’alpinisme.
En effet, je suis à la recherche de ce type de matériel car je compte établir un nouveau record en face nord Cervin.
Je constate que vos messages datent de 2012. Et bien sachez qu’en 2016 beaucoup de choses ont changées.
Ueli Steck gravit la face nord de l’Eiger en 2h22mn, Kilian Jornet est monté au sommet du Mont blanc 5 fois en moins de 12h (en courant), Hansjörg Auer a de nouveau escaladé « à travers le poisson » dans la Marmolada en solo intégrale mais cette fois ci avec les mains liées dans le dos et du papier de verre glissé dans les chaussons, et pour finir Adam Ondra viens d’ouvrir une toute nouvelle voie en Antarctique cotée 13c+.
Face à ses performances inouie, j’ai donc décidé de me lancer moi même dans une entreprise de grande ampleur, un défi sans précédant, un exploit qui me ferra rentré dans les livres d’histoires du monde entier, faisant tomber Achille lui même dans les oubliettes. Mon projet est donc de gravir la face nord du Cervin. Mais cela ne s’arrête pas la vous vous en doutez. Avant cela je souhaiterait me faire ôter un poumon et un rein pour prouver que c’est possible. Ensuite l’ascension se déroulera en hiver. Je ne porterais aucun vêtements, autrement dit, je serais nu. Pour augmenter la difficulté, j’ai bricolé un frigo sur lesquels j’ai fixé des sangles de sac à dos. Oui Monsieur, c’est avec un frigo sur le dos que je compte faire l’ascension. Mais ce n’est pas tout! Le frigo sera remplis de sachets de parmesan, ce qui aura pour effet d’alourdir encore un peu plus la charge. Mais qu’importe, et je ne suis pas la pour me plaindre (surtout quand on a l’étoffe d’un héros), je suis là pour vos palmes d’alpinisme, car oui, vous l’aurait compris, le bouquet final, la cerise sur le gâteau, le clou du spectacle, l’apothéose de mon exploit … c’est que je serais doté de palmes aux pieds.
Contactez moi au plus vite svp c’est pour cet hiver!
Prenez la chance de participer (à votre mesure) à cette aventure folle! Vous pourrez conter pendant de longues nuits de veillées à vos enfants et petits enfants, et eux même le raconteront à leurs enfants et petits enfants qui ensuite à leur tour le raconteront à nouveaux encore et encore puis encore et toujours jusqu’à la fin du soleil, que vos palmes ont servies à réaliser le plus grand exploit de toute l’histoire de l’humanité.
Merci de m’avoir lu
(enfin c’est vous qui devriez me remercier, une chance comme celle là ne se présente qu’une fois dans une vie)
Je trouve votre idée de première intéressante mais elle manque un peu d’envergure à mon sens… Peut-être quelques légers ajustements pourraient donner un peu plus d’ambition au projet? Les états modifiés de conscience sont l’avenir Victor! Réalisez l’ascension sous substance! Ce ne sont pas les possibilités qui manque… Vous pouvez optez pour du naturel (psilocybe, peyotl, ayahuasca, ibonga, datura) ou du chimique (LSD, coca-cola, verlan cette fabuleuse substance qui vous désynchronise totalement). Plutôt que de vous enlever un rein et un poumon, ce qui est somme toute assez banal, inversez les et faites vous greffer les pieds à la place des mains et vive Versailles. Quant à votre frigo la moindre des choses seraient de le remplir de bière (envisagez vous de hisser un congélateur pour les magnums? Quid de l’alimentation électrique?)! Dernier conseil : les palmes d’alpinisme ne sont pas une bonne idée : optez pour du napalm d’alpinisme. Cela boostera votre aura auprès du grand public.
Bien à vous