Déjà un petit moment que nous parlions avec Nico d’aller faire une petite voie d’artif au Verdon. Ce qu’il y a de génial avec cette activité, c’est qu’elle est complètement à contresens des pratiques « outdoor » actuelles où ça va vite, c’est fun sous le soleil! Pour l’artif, tout est lent, fastidieux et une bonne journée bien pourrie sera idéale. C’est là le plaisir de l’artificier : lors de s journées pluvieuses, pendant que les grimpeurs de libre se morfondent chez eux où au fond d’une obscure grotte poisseuse ou salle résineuse, lui s’épanouit telle une fleur sous la rosée matinale! Aux premières gouttes de pluie, il remplit à ras bord son sac de hissage, le plus lourdement possible car il aime cela. Il ne prend pas une, ni deux mais trois cordes! Il ramasse tous les objets en métal qui trainent chez lui et même du bois! Tout l’atelier y passe…. Au diable la liberté et l’esthétique épurée du grimpeur de libre qui dans une casi nudité danse sur le rocher pour la beauté du geste… Au diable la grimpe à main nue… Au diable les lolottes, les arquées, les carres externes, les mouv’ dynamiques, la fluidité et tout le tintouin… Non là on est dans le lourd, le méthodique, le bricolage, le lent, le technologique. Plus question d’effleurer le rocher en ne laissant comme seule trace de son passage une perle de sueur : non là il est question d’entrer dans un corps à corps avec le minéral, le pénétrer avec toute cette ferraille, jouer avec sa résistance, opposer aux forces de gravité tout un attirail d’outils…
Enfin donc du pourri nous est promis par Météo France. On remplit la voiture de tout notre matos plus celui qu’on a gratté à droite à gauche et on file dans le Verdon, petit paradis de l’artificielle. Nous choississons de gravir une voie pas trop difficile, « Pourquoi j’ai mangé mon père? » à la Paroi Rouge. Nous y serons abrité sur les 3/4 de l’itinéraire en cas de pluie. Elle se déroule une 100 de mètres à droite de la Castapiagne, la voie mythique du secteur, voie d’artif référence des années 1970, libéré partiellement en solo autoassuré par Jérôme Rochelle (hallucinant!) puis complètement par Graou avec un équipement partiel sujet à polémique. Mais c’est une autre histoire…
Vu les contraintes de timing que nous avons, notre plan est de gravir les trois premières longueurs le soir en arrivant, bivouaquer à la voiture et terminer la voie le lendemain matin. Arrivée vers 17h au Belvédère du point Sublime au milieu d’une foule de préestivants, randonneurs, kayakistes, grimpeurs, rafteurs et autres on s’engouffre dare dare dans le tunnel du sentier Martel. Cette endroit est quand même vraiment insolite, l’engouement pour le Verdon se comprend!
A la sortie du tunnel, la Paroi rouge apparait d’un coup avec ses 200m complètement surplombants! L’oeil d’abord effrayé finit par trouver ses repères. En y regardant mieux, les lignes de faiblesse se dessinent… Pourquoi j’ai mangé mon père emprunte une fissure évidente qui permet de rejoindre une beaume. De la beaume ensuite, une fissure quasi horizontale mène dans un bombé gris d’environ 20m puis la sortie se couche jusqu’à gagner les jardins sous le sommet de la falaise.
La première longueur est vite négociée : c’est du libre. Un pas de 6b puis tranquille jusqu’au relais. Là on s’organise tranquillement parce que l’artif c’est avant tout de l’organisation! J’attaque la deuxième longueur une belle longueur à dominante fissure. Très peu de matériel en place (3 pitons en tout). Je négocie la première partie avec un seul pitonnage. Camalots et petits petits aliens se coincent pas trop mal dans les trous agrandis par les multiples pitonnages – dépitonnages qu’a connu la voie. La deuxième partie de la longueur avant le relais est plus compacte. Un pitonnage délicat, un couplage alien piton, 2 pas sur crochets qui permettent de « sauter » deux pitonnages. C’est déjà plus fin! L’avantage du crochet c’est le gain de temps indéniable pour le premier comme pour le second. L’inconvénient c’est que plus le nombre de pas sur crochets augmente, plus la dernière bonne protection s’éloigne! Un choix… 1h15 pour cette longueur qui vaut A2 (A2 moderne). Pas simple les cotations en artif puisque trois choses au moins sont à prendre en compte : la difficulté technique intrinsèque d’un pas (la progression), le risque potentiel de chute (l’assurage) qui donne toute la dimension psycho à cette activité et le matériel en place. Ne faudrait-il pas alors au moins une cotation à double entrée?
Cette longueur pourrait probablement se faire en libre aux alentours de 7c – 8a, les pitonnages ayant élargies les prises.
Dans la troisième longueur, un peu de libre au départ (5b) puis quelques mètres délicats où il faut user du couplage avant de repartir en libre (6a). On propose aussi A2 pour cette longueur. 45min pour la longueur.
Notre contrat du jour est rempli! Nous arrivons au relais de la beaume avec la nuit, timing impeccable… On laisse tout le matos, on fixe la corde (80m) et on glisse jusqu’au sol. On arrive à la voiture quelque minutes avant une bonne saucée. Nickel.
Levé matinal à 6h : ça flotte dru comme toute cette nuit! Ralements… pas envie… Et 10 min après ça se calme. Je jette un oeil au ciel : trouées bleues, peut être un créneau pour faire l’approche au sec?
A la sortie du tunnel, le chemin se faufile dans les buis, trempés par la drache nocturne. On arrive dégoulinants au pied de notre corde fixée la veille. Au programme matinal : 75m de remontée sur une corde dynamique dans une ambiance tropicale : 20°/90% d’humidité. Ca réveille.
Aujourd’hui il nous reste deux longueurs : la longueur en traversée et une longueur de libre pour sortir.
Moments magiques dans la traversée avec la brume qui remonte du fond des Gorges les fesses pendus dans le gaz. Un peu de matos en place dans la trav’ c’est presque dommage (2 pitons, un spit au milieu et un spit à la fin). Bong, coins de bois, couplage, lunules, c’est varié avant d’arriver sur l’échelle à spit du bombé entrecoupée de trois ou quatre pas sur bons crochets (dont un foré). Longueur de 40m démoniaque et pas extrême, A2 aussi. 1h30 pour la longueur.
La longueur suivante est comment dire légèrement humide et nous obligera à encore un peu d’artif sur les premiers mètres. Dommage car en libre ça a l’air sympathique et pas mutant (6b).
On en finit donc avec cette petite virée artif bien sympathique. Un ratio temps voiture / temps de grimpe et un bilan carbone déplorable je vous l’accorde, on s’est promis de plus le faire pour moins de deux journées sur place!
Ah, vous avez dévalisé la quincaillerie Aixoise?!
L’escalade artificielle, ou artif’, est un style d’escalade dans lequel les points de protection sont utilisés pour la progression.
Le terme s’oppose à l’escalade libre, dans laquelle aucune aide artificielle n’est utilisée pour la progression, ce qui nécessite de la part du grimpeur de libre quelques neuronnes en plus que l’artificier.
En escalade artificielle, le grimpeur progresse en se suspendant ou en montant sur son équipement. En escalade libre, le grimpeur monte en se tenant ou en marchant sur les caractéristiques naturelles du rocher, en n’utilisant la corde que pour se rattraper en cas de chute et pour s’y suspendre au relais. En général, l’escalade artificielle met moins l’accent sur les aptitudes athlétiques ou la force physique, mais plus sur les capacités élémentaires de l’espèce humaine qui consiste à se mouvoir verticalement par tous les moyens possibles, comme le faisait déjà l’homme de Cromagnon, bien que les aspects physiques de l’escalade artificielle de haut niveau ne doivent pas être sous-estimés. Les techniques d’artif’ sont le plus souvent utilisées sur des voies raides et longues, requérant une certaine résistance, et surtout une abstraction totale du « pourquoi » ou du « d’où viens-je » et « où-vais-je ». Une étude à été menée par des spécialistes psychiatres sur des grimpeurs dit « d’artif » et le résultat est sans équivoque: le singe macaque, quand il s’élève pour cueillir des fruits dans un arbre, développe plus de gestuelle et de gestes techniques que l’artificier.
la suite au prochain numéro.
Cher Jésus,
Je suis très honoré que vous preniez part à ce débat. Je vous savais actif sur de nombreux fronts mais là vraiment vous m’impressionnez. Vous semblez vraiment bien documenté. C’est fou ce que Wikipedia permet aujourd’hui.
Votre analyse est parfaite et je la partage en tous points. La gestuelle de l’artificier est déplorable. Cependant, un petit détail me turlupine : que serait le grimpeur de libre qui, pour reprendre vos propres mots (ou plutôt ceux de Wikipedia) « monte en se tenant ou en marchant sur les caractéristiques naturelles du rocher, en n’utilisant la corde que pour se rattraper en cas de chute et pour s’y suspendre au relais » sans les broches et autre goujons de 12mm qu’il a bien fallu introduire dans la roche à grand renfort de perforateurs, espèce d’engin bruyant, bouffant de l’huile et du kérosène et en collant le tout avec du sika matière plus proche du polonium que de la menthe poivrée. En prenant un peu de recul, on s’aperçoit que la seule escalade qui ne soit pas du tout artificielle est celle du singe ou du soloïste intégral (quand il ne parcourt pas une voie taillée). J’ai également eu connaissance de cette étude sur les artificiers et les singes macaques. Les résultats sont sans équivoques je dois l’avouer. Pour rétablir un peu de vérité, je dois quand même signaler un autre résultat important de cette étude : il a été prouvé grâce à plusieurs centaines d’entretien menés sur une population de macaques et une population de grimpeur de libre moderne monomaniaque que les capacités lexicales du premier primate avec une moyenne de 25 mots de vocabulaire surclasse très largement le deuxième. D’autre part il est prouvé que la résistance mentale d’un artificier accomplie est proche de celle d’un évadé du goulag alors qu’il est fréquent de voir la structure mentale du grimpeur de libre moderne monomaniaque s’effondrer au premier petit steack qui compromettra la réalisation de son projet.
Ceci étant dit, je salue l’intérêt du Vatican pour ces problématiques et souhaite que le débat soit aussi ouvert qu’un mauvais camalot dans une fissure évasé dans une longueur d’A3+ moderne.
Mes salutations les plus artificielles
PS : j’espère que votre haine des mauvais clous ne vous vient pas de cette facheuse croix que vous aviez fait il y a quelques temps et qui a été très polémiquée?
PSS : votre mouv’ « le Jésus », j’aime pas du tout. Je préfère 100 fois mater un plomb dans une microcupulette au dessus d’un couplage foireux de birdbeak.
PSSS: je trouve dommage qu’un spécialiste de l’Ascension comme vous soit obligé de plagier Wikipedia pour parler varappe.
Comprenez que seul l’humour comptait dans mes propos… ne voyez là aucun sujet à polémique vous savez que cela n’est pas mon domaine, en terme de varappe j’apprécie tout ce qui peut permettre de me rejoindre, moi jésus, dans la maison du seigneur!
j’ai eu un instant peur que votre réponse glisse sur le terrain de l’échange d’arguments et quitte la volatilité d’un humour subtil (certes facile car ctrlC wikipédia, puis ctrlV puis change deux mots)… mais votre esprit sain et votre malice ont su donner contenant plaisant à ce post… vous maniez la répartie comme le rurp, soyez en bravé!
Allez, avouez que comme d’hab je suis votre quasi seul fan à alimenter votre site… que feriez vous sans le diocèse?
jésus
Merci, votre générosité vous honore. Que serait ce site sans cette inspiration divine que vous m’accordez?
Bon, ben juste pour polémiquer sur le nombre de fans… (j’ai toujours été un peu trop païenne, désolée!)
Tu peux compter +1 en ta faveur Nico: je lis, j’apprécie, et j’ai le marteau qui me démange…
Chapeau pour le coup de plume, comme d’hab!
Bises,
Julia